En cet fin d'été

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20 août 1703,
Ma très chère et tendre cousine,
Je quitte en cet instant notre palais de Turin, pour me rendre dans la petite ville garnison d'Annecy en compagnie de mon oncle pour y passer l'hiver. Je dois dire que vous me manquez terriblement, mais si cela fait déjà six ans que vous êtes mariée au petit-fils du roi de France. J'espère que la vie à Versailles n' est pas ennuyeuse et que vous vous accommodez de l'étiquette ; pour ma part l'idée de quitter Turin ne m'enchante guère, adieu douce chaleur de la péninsule, et bonjour hiver mortel qui me répugne. Je souhaite toute mon amitié à son altesse votre mari.
Votre cousine aimante
Sophie-Rosalie

- Ma nièce, nous partons, hâtez-vous de finir votre lettre. (dit le cardinal)

- Oui, mon oncle, je viens. (répond Sophie-Rosalie)

Dans la précipitation, Sophie-Rosalie plie la lettre, y appose un cachet de cire et la tend à l'une de ses domestiques.

- Tiens, Augusta, veux-tu bien remettre cette lettre au postier s'il te plaît. (dit Sophie-Rosalie)

- Oui, madame. (répond la servante)

- Et veille aussi à ce que ma grande capeline et mon manchon soient rangés dans ma malle. (dit Sophie-Rosalie)

- Bien, madame. (répond la servante)

En toute hâte, Sophie-Rosalie quitte ses appartements du Palais Royal de Turin pour ce rendre dans la cour d'honneur du château où l'y attend son oncle le cardinal de Bernex et un superbe carrosse tiré par quatre chevaux.

- Eh bien vous vous faites attendre très chère. Je me suis posez des questions. (dit le cardinal agacé)

- Veuillez m'excuser mon oncle, vous ne m'y reprendrez plus. (dit Sophie-Rosalie)

- Alors tout va pour le mieux, montez je vous pris nous n'avons pas la journée. (dit le cardinal)

Sophie-Rosalie monte péniblement dans le carrosse avec sa lourde robe, tout en ce calant comme elle peut sur la banquette bien confortable en velour rouge. Son oncle la suit, habillé de sa grande robe rouge, lui aussi parvient difficilement à montrer dans le carrosse.

- En avant cocher ! (dit le cardinal de Bernex)

Le carrosse se met en branle, et le château de Turin s'éloigne lentement. Un long voyage de trois semaines s'amorce, et les arrêts s'enchaînent entre les fastueux châteaux et les modestes auberges. C'est au bout de ces trois semaines que les murailles d'Annecy font face au carrosse et aux yeux ébahis de Sophie-Rosalie au sortir d'une épaisse forêt. Ce dessine aux pieds de ces murailles, sous un soleil ardent, de nombreux champs et quelques couvents, puis apparaît le lac paisible et d'un bleu d'une beauté rare, qui rivaliserait presque avec les lagons des îles des lointaines Amériques. Les herses se lèvent pour laisser voir une ville encore médiévale avec des rues étroites, sinueuses et souvent malodorantes. Le carrosse peine à ce faire un chemin entre les gens de la ville, les marchands ambulants et autres badauds.

***
Au palais épiscopal, une foule de serviteur s'affaire à nettoyer la demeure de fond en comble pour réserver un chaleureux accueil au maître des lieux. Louise-Sophie de Bellegarde est la tenancière de la maison, elle veille au grain sur chaque détails.
- Allons messieurs pressons, son éminence ne va pas tarder à arriver et rien n'est prêt. Constant as-tu terminé tous les offices de la matinée ? (dit Mme de Bellegarde)

- Oui, madame de Bellegarde. (dit Constant)

- Armand, as-tu veillé à ce que la chambre de mademoiselle soit prête ? (dit Mme de Bellegarde)

Le Lion et le Lys. Chroniques au temps de la Guerre de Succession d'EspagneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant