Chicago, un dimanche soir.
Louise passa la porte de son bar habituel et soupira d'aise en sentant le souffle frais de la climatisation sur son visage. On crève de chaud, en ce moment, surtout pour un mois de juin, songea-t-elle, ça sent l'orage... Elle s'arrêta un instant sur le pas de la porte et observa autour d'elle. La petite salle aux murs gris était décorée avec discrétion et bon goût, légères tentures mauves et affiches de groupes ou de concerts. Siouxsie, The Cures, Melissa Etheridge ou encore Patti Smith s'y côtoyaient amicalement.
Une lumière tamisée régnait dans le bar et deux canapés, ventrus et confortables, trônaient dans le coin au fond de la salle. Quelques tables de bois sombre et des chaises se partageaient le reste de l'espace. Une porte à droite du comptoir s'ouvrait sur une cour intérieure, où l'on pouvait aller fumer, ainsi que sur les toilettes. La musique n'y était jamais trop forte et toujours sympathique. Que du bon, rien de trop techno, cette bouillie de bruit infâme tellement à la mode, songea Louise en souriant.
L'endroit était connu dans le milieu et elle comprenait pourquoi : elle s'y sentait à l'aise et y passait dès qu'elle avait un peu de temps libre. La barmaid rangeait ses verres derrière le bar foncé, patiné par les nombreuses mains qui s'étaient posées dessus au fil du temps. La femme d'une quarantaine d'années, à la chevelure sombre et bouclée, bougeait au rythme de la chanson qui sortait des haut-parleurs.
« ...When you call my name, it's like a little prayer
I'm down on my knees, I wanna take you there
In the midnight hour, I can feel your power... » (1)
— Eh, beauté ! l'apostropha gentiment Louise en s'installant au bar. Comme d'habitude, s'il te plaît. Tu nous as mis ta compil' de la madone ? Sympa !
— Tiens, Lou, comment ça va depuis la dernière fois ?
— Rien de bien transcendant, j'ai bossé comme une dingue, cette semaine. Pas passionnant d'être comptable, mais ça fait vivre.
La barmaid, Sonia, ricana et alla servir une autre cliente assise non loin. Lou la reluqua ouvertement : plus petite qu'elle de presque une tête – Louise mesurait un bon mètre quatre-vingt – musclée juste ce qu'il fallait, elle avait un visage aux traits fins et des cheveux châtains, si clairs qu'ils en étaient presque blonds, courts et en bataille. Elle était habillée simplement, d'un jean bootcut délavé et d'un débardeur violet. Lou lui donna la vingtaine. Mignonne, la petite, se dit-elle avec un sourire en coin. Ça pourrait être sympa... pour un plan d'un soir ! Je me demande si c'est ce qu'elle vient chercher ici.
Isabelle se sentit observée et tourna la tête pour comprendre d'où lui venait cette soudaine impression. Elle croisa le regard de la femme aux longs cheveux bruns à sa gauche. Celle-ci la fixait froidement par-dessous sa frange, un léger sourire aux lèvres – le genre de sourire qui n'atteignait pas les yeux. Mais pourquoi ? s'étonna-t-elle. Qu'est-ce qu'elle me veut ? Elle détourna son regard en fronçant légèrement les sourcils et se concentra sur sa bière. Elle avait bien d'autres soucis en tête que cette femme qui s'intéressait certainement plus à son décolleté qu'à sa conversation. La jeune femme savait où elle était : le Dollhouse, un bar pour lesbiennes, connu comme lieu de drague, spécifiait bien le magazine. Mais elle habitait tout près et, nouvelle en ville, elle avait voulu se trouver un endroit sympa où décompresser après le boulot. Un endroit où je ne me ferai pas draguer par le premier mec bourré venu. Non pas qu'une nana bourrée soit mieux ! Isabelle gloussa dans son verre devant cette réflexion. L'endroit est vraiment sympa, cela dit.
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Le crépuscule des Dieux
Mystère / ThrillerRésumé : Isabelle, agent du FBI surdouée et fraîchement diplômée de Quantico, est amenée à travailler sur ce qui s'annonce être l'affaire de la décennie et qui concerne le Concile de l'Olympe, la mafia grecque la plus puissante du pays. Le FBI, bien...