Le crépuscule des Dieux

Chapitre 3

Aéroport Bob Hope, L.A., le surlendemain.

Descendant rapidement de l'avion, Louise loua une voiture dans une agence ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle opta pour une Impala de 2009, grise et tout ce qu'il y avait de plus classique, s'assurant seulement que la climatisation fonctionnait bien. Parce que pas moyen de faire sans ! Avec, pour seule compagnie, la radio bloquée sur une station qui repassait exclusivement des tubes des années 1980, elle affronta la circulation dense de cette fin d'après-midi. De bonne humeur – son plan se précisait –, elle se prit même à fredonner avec Cyndi Lauper une chanson qu'elle adorait.

« ... When the working day is done,

Ooh girls, they wanna have fun... » (3)

West Hollywood enfin en vue, elle se rendit directement à son hôtel ; une fois n'était pas coutume, elle en avait choisi un de grand standing. Quand le garçon d'étage arriva avec le repas froid qu'elle avait commandé, elle lui donna un pourboire royal et lui demanda s'il y avait des caméras de surveillance à l'étage.

— Je souhaite rester plutôt incognito, vous comprenez, murmura-t-elle à l'oreille du jeune homme impressionné.

— Bien sûr, Madame, soyez tranquille, il n'y a pas de caméras. L'hôtel comprend que ses clients les plus fortunés tiennent à rester discrets !

Elle fit ensuite le tour de la luxueuse suite qu'elle avait réservée. Elle se composait d'une petite entrée, d'un salon, d'une chambre et d'une salle de bains. Le tout était décoré avec goût et discrétion, dans un style contemporain – savant mélange d'acier, de verre et de bois aux teintes sombres. Quelques tableaux abstraits d'artistes anonymes ornaient les murs du salon meublé de canapés de cuir noir. Dans la chambre, une grande baie vitrée s'ouvrait sur une cour intérieure, oasis de calme en plein cœur de Los Angeles, la ville qui ne dormait jamais.

Eh bien, s'extasia Louise en entrant dans la salle de bains toute carrelée de blanc, c'est une piscine, pas une baignoire ! Elle s'en approcha et tourna les robinets chromés : un bon bain la délasserait de la fatigue du voyage mieux que n'importe quoi d'autre. En attendant, elle ouvrit la baie vitrée de la chambre et fuma une cigarette, accoudée à la rambarde de fer forgé du petit balcon. Elle observa le jardin désert et se laissa imprégner par le calme qui y régnait. Lou soupira d'aise en se glissant ensuite dans l'eau chaude qu'elle parfuma de sels de bain à la cerise. Elle se laissa aller un moment à son petit jeu du fantasme et songea à la fille aux cheveux châtains qu'elle avait croisée l'autre soir. Comme ce serait sympa si elle était là avec moi, dans cette immense baignoire...

Un long moment plus tard, détendue, elle sortit de l'eau et enfila un peignoir. Elle mangea en faisant le point sur ce qu'elle savait d'Héphaïstos – son amour du luxe, de l'argent et des jolies femmes. Elle grimaça de dégoût. Quel cliché ! Insouciant et volage malgré son statut élevé au sein du Concile, il sortait tous les soirs dans un night-club de West Hollywood, le Black Widow. Louise ricana. Bien trouvé, comme nom, mon coco, ça va être amusant ! Le night-club faisait partie des nombreuses possessions du caïd et servait à blanchir une partie de l'argent des divers trafics du Concile.

Le plan de la tueuse à gages était simple : s'introduire dans la place, se faire remarquer et ferrer Héphaïstos en le faisant tomber sous son charme. Elle espérait ainsi l'obliger à venir dans sa suite, ou mieux, à louer une chambre dans son hôtel. La promesse d'une merveilleuse nuit emplie de prouesses sexuelles devrait faire l'affaire, décida-t-elle gaiement. Elle ne doutait pas d'arriver à le rendre fou de désir. Elle n'avait aucun goût pour les hommes, mais savait y faire mieux que personne pour les rendre accros. Elle était surnommée la Veuve noire dans le milieu, mais n'allait jamais jusqu'à l'acte : elle tuait avant. Que les gens pensent le contraire, se dit-elle avec amusement, ça en rajoute à ma réputation ! Personne, de toute façon, ne pouvait jamais témoigner de ce qu'elle faisait – ou ne faisait pas.