Chapitre 24

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Chapitre Vingt-Quatrième

Ce qu'il y a de bien avec l'écriture, c'est qu'on peut toujours prendre le temps de réfléchir à ce que l'autre va lire, à ce que l'on faire passer comme message. C'est comme avoir dix chances en une. C'est un peu comme si, pour une fois, l'univers donnait une seconde chance. Et c'était tellement rare, qu'il valait mieux en profiter.

Et c'est bien ce que comptait faire Laura, sur les conseils d'Erda. Utiliser sa chance. Cette idée avait commencé à germer dans l'après-midi du samedi. Elle avait retrouvé Erda au petit café qui donnait sur Vijzelgracht. Laura adorait ce café juste parce qu'ils y faisaient les plus beaux dessins sur la mousse du café de toute la ville. De tout le pays même. Elle aurait pu le jurer. Cette fois-ci, Erda avait commandé une licorne et Laura un joli moulin à vent.

Pendant leur rendez-vous, Laura avait un peu parlé d'Harry. Okay, elle avait beaucoup parlé d'Harry et de l'album de photo de Magda et Martijn ; et Erda avait fini par lui dire :

« Laura ?

— Je t'embête avec mes conneries... Je suis désolée.

— Non, non. C'est pas ça. C'est juste que... Que c'est pas à moi que tu dois dire tout ça. C'est à lui.

— Je serais incapable de l'appeler.

— Bah écris-lui. C'est ce que Rika et Magda m'avaient conseillée de faire avec un mec où j'étais en mode sens unique. Bref. C'était y a longtemps. Et j'arrivais pas à appeler. Alors j'ai écrit.

— Ça c'est arrangé ?

— C'est pas la question ! avait éludé Erda d'un petit mouvement de main. L'important, c'est que le bon message est arrivé à la bonne personne. Franchement, tu devrais essayer. »

Alors assise en tailleur dans son canapé, son ordi sur les jambes, son application e-mail ouverte, Laura réfléchissait à comment elle allait pouvoir commencer cette lettre à cœur ouvert.


Van: Laura Worlding

Om: Harry Andersen

Subject: ???

Bonsoir Harry,

J'ai pas encore décidé si t'écrire ce mail était une bonne idée ou pas. Mais comme de toute façon, je serai incapable de te parler au téléphone de manière audible et compréhensible (ce qui sous-entend déjà que tu décrocherais) tout en construisant des phrases structurées... Selon Erda, écrire va me permettre d'organiser toutes mes idées et ça ne pourrait être que bénéfique. Soit. J'ai plus qu'à me lancer...

Alors voilà. J'ai mangé avec Louis en début de semaine. Et je lui ai parlé de toi, de ce que tu m'avais dit dimanche. Je ne lui ai pas rapporté mot pour mot ce que tu m'avais dit, évidemment. Mais si j'avais voulu, j'aurais pu. Je voulais que tu le saches. Que tu saches que je t'ai entendu et je t'ai écouté.

Je sais pas si tu vas me croire Harry, mais je parle beaucoup de toi. En fait, je parle tout le temps de toi à tout le monde (sauf peut-être à ma mère. Et encore, ça reste à vérifier). Je ne m'en étais même pas rendue compte. Je ne m'étais même pas rendue compte à quel point tu étais au centre de ma vie. En fait... Je crois que je n'avais pas du tout envie de le voir, parce que comme le dit si bien Louis, en amour, je suis la fille la moins courageuse au monde.

Tu l'as bien vu d'ailleurs. Tu me l'as dit et je dois donc t'avouer que tu as raison : j'ai peur. J'ai peur de mes choix. J'ai peur de mes envies. J'ai peur du regard des autres. J'ai peur du jugement des autres. J'ai peur de m'attacher. J'ai peur que ce ne soit pas réciproque. J'ai peur de ne pas avoir les mêmes attentes. J''ai peur d'être déçue et presque autant de décevoir. J'ai peur de tout ça, Harry.

Quand je t'ai vu débarquer dans le salon de ton frère avec tes filles... J'ai encore eu peur. J'ai eu peur de ce que tu allais me demander après. De prendre un rôle dont je ne voulais pas ? De vivre cachée ? C'est pour ça que je suis partie. C'est pour ça que je n'ai plus répondu, que je me suis éteinte. Parce que j'ai eu peur. Et que ma peur me dicte pas mal de toutes les décisions pourries que j'ai pu prendre dans ma vie.

Et si jusqu'ici, j'arrivais à peu près à gérer tout ce méli-mélo dans mon esprit au cours des différentes années et au fil de mes différentes « histoires », depuis qu'on s'est croisé dans la neige je gère beaucoup moins bien. Si tu as cette sensation que je me freine, c'est parce que j'essaie de nous protéger. Ne va pas imaginer que je prends notre histoire pour une... Une sorte de période d'essai, parce que ce n'est définitivement pas le cas. C'est juste qu'en tentant de freiner mes sentiments, j'ose espérer que la chute sera moins brutale et moins douloureuse.

Je dois également t'avouer que ce que je peux ressentir pour toi a mis beaucoup de doutes dans ma vie. Mais depuis que tu n'es définitivement plus dans mon quotidien, il me manque quelque chose. En plus de tout ces doutes, j'ai le manque de tes mots et de tes caresses aussi.

Je n'arrive plus très bien à me souvenir à quel moment précisément, j'ai compris que tu es la personne à qui je veux dire je t'aime, mais je me souviens d'avoir encore eu peur quand je m'en suis rendue compte. Je crois que c'est parce qu'autour de moi, j'ai beaucoup d'images de couples parfaits. Ou tout du moins de couples qui m'ont l'air parfait. Tu vois... Comme image de couple, j'ai Martijn et Magda, le genre de personnes qui font rêver et qui peuvent te faire croire au « et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. ». Le truc, c'est que même si je trouve cette photo parfaite très charmante, ce n'est pas celle dont je rêve. Tu comprends ou pas ? En gros, j'aime regarder les belles comédies romantiques, mais je ne veux pas en vivre une.

Tu vois là, je suis dans mon canapé et j'ai toujours des milliers de questions qui se bousculent dans ma tête. Et il est très probable que je n'arrive pas à trouver les réponses à ces questions que dans un long moment. En fait, elles vont probablement rester sans réponse jusqu'à ce que je les oublie ou alors jusqu'à ce que tu reviennes. Si bien sûr, tu acceptes de revenir une dernière fois. Une toute dernière fois.

Laura.



Laura avait relu le mail au minimum trois fois avant de l'envoyer. Et puis Laura avait pris son courage à deux mains : elle l'avait envoyé. Elle n'attendait pas particulièrement de réponse ni quoi que ce soit. De toute façon, ce genre de réponses, elle les aurait dans une semaine. Quand elle serait à Copenhague. Pour le boulot, bien sûr.

X+X+X+X+X

Laura avait pris un avion le mardi soir à Copenhague. Elle était allée au même hôtel qu'à ses précédents voyages. En arrivant dans sa chambre, elle avait de nouveau regardé ses mails. Peut-être qu'Harry lui avait finalement répondu. Elle attendait que son nom apparaisse dans sa boîte de réception depuis trois jours sans aucun succès. Elle tentait de se convaincre que cela ne la stressait pas du tout, mais la réalité était un poil différente.

Le mercredi était passé sans que le nom d'Harry ne pointe de le bout de sa majuscule. De même pour le jeudi et le vendredi. Heureusement que Laura était occupée, ça l'évitait de trop penser ; mais ça ne l'empêchait pas de penser totalement. Surtout que s'occuper du mariage du frère de celui auquel on évite de penser n'aide pas vraiment. Mais Laura était assez fière d'elle. Et puis dès qu'elle avait un moment de pause, un moment où Harry aurait pu refaire surface dans ses pensées elle trouvait quelqu'un à qui envoyer un message : Magda, Erda, Rika, Romy, Louis, Martijn, Peter,... Elle trouvait toujours quelqu'un.

Mais aujourd'hui, on était samedi matin. Il était tôt. Beaucoup trop tôt pour que Laura puisse contacter qui que ce soit. Alors devant le miroir qui couvrait l'entièreté du mur, elle se forçait à ne pas penser à Harry ; ce qui inéluctablement lui faisait penser à Harry. Pour le mariage de Chris et Diana, elle avait opté pour une robe droite avec un motif floral très clair. C'était un mariage d'été, alors Laura avait donc pris une robe qui sentait le Soleil. Elle s'était maquillée très légèrement. Elle allait courir partout toute la journée, zéro risque que son mascara et son rouge à lèvres se mettent à déborder comme un sale jour de canicule. Elle s'était observée dans le miroir en s'interdisant de se demander si cette tenue allait plaire à Harry. Elle était sûre qu'il allait adorer.

Les Papillons Tombent-Ils Amoureux ? - [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant