Chapitre 22

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Chapitre Vingt-Deuxième

Harry s'était enfin décidé sur ce qu'il allait écrire sur sa fameuse carte postale. Ça lui était apparu dans un rêve. D'ailleurs, c'était bien l'une des seules fois où Harry avait pu se souvenir de son rêve plus de vingt secondes après avoir ouvert les yeux. Dans ce rêve, Harry était avec Doris qui n'arrêtait pas de le coller pour il ne savait quelles raisons. Et puis, il y avait aussi Mme. Franka, sa prof de littérature du lycée. Elle avait les bras remplis d'un énorme paquet de copies toutes blanches. Elle était droite comme un I, plantée au milieu de son grenier. Et puis, il y avait aussi Captain America qui le fixait par la petite fenêtre de toit du grenier et il semblait mort de rire. Son bouclier lui, il était posé sur la tête de Mme. Franka. Et puis soudainement, Doris s'était mis à grandir et grandir et encore grandir ; et il avait donné un coup de tête à Mme. Franka. Et elle était tombée. Et toutes les feuilles s'étaient envolées et Captain America riait de plus belle. Et Harry criait en tentant de rattraper les feuilles qui tombaient du ciel - parce qu'entre temps, le toit avait disparu. Et au milieu des feuilles qu'Harry récupérait, il y avait la carte postale qu'il avait acheté pour Laura. Et c'est à ce moment-là qu'Harry s'était réveillé. Il s'était réveillé sachant ce qu'il allait écrire sur ce carton blanc.

Il aurait bien aimé dire qu'il avait fait les choses solennellement, en prenant son plus beau stylo-plume, voir même en allumant une chandelle. Mais la vérité, c'était qu'il avait pris le premier crayon qui lui était tombé sous la main et que, sans même prendre la peine de s'asseoir, il avait écrit.

Ensuite, il avait filé sous la douche. Quand il était enfin descendu pour son petit-déjeuner, ses parents étaient déjà debout. Évidemment. Sa mère lui avait déjà préparé son café, et préparé ses tartines.

« Alors quelque chose de prévu pour ce dimanche, Harry ?

— Pas vraiment. Je vais déjà aller courir et puis je verrai. Et à la question où je vais aller courir, la réponse est : je ne sais pas encore.

— Le Westerpark est pas mal, rappela Linda.

— Je sais maman, sourit Harry.

— Je me...

— C'est un grand garçon, chérie. Je pense qu'il a passé l'âge de nous dire où il va courir. »

Harry remercia Roy d'un signe de tête en finissant son déjeuner. Il prit le temps de débarrasser ses affaires et de mettre sa tasse dans le lave-vaisselle avant d'aller chausser ses baskets. Linda avait raison, le Westerpark était une bonne idée. Il avait décidé de faire confiance au vélo de sa mère pour les cinq kilomètres qui le séparait du parc. Il était passé par Marnixstraat pour contourner tout le centre-ville.

X+X+X+X+X

Laura n'avait pas tout compris dans les détails. Une histoire de week-end entre amies pour sa femme, lui semblait-il. Mais ce qu'elle avait retenu, c'était que Nathan pouvait rester dormir. De toute façon, même si elle l'avait oublié, le poids du bras de Nathan sur son ventre au réveil lui avait rapidement rappelé. Laura s'était dégagée assez facilement et s'était levée pour sa première cigarette de la journée. Elle avait fait l'effort de sortir de la chambre avant d'allumer sa cigarette. Elle s'était installée à la fenêtre de sa salle à manger.

Une cigarette, un café, une vérification de ses mails, une deuxième cigarette et un deuxième café plus tard, Laura avait entendu du bruit venant de la chambre. De là où elle était, elle pouvait facilement reconnaître le bruit de la fenêtre qu'on ouvre et le bruit des volets qui s'ouvrent. Nathan se levait.

« Laura ? fit sa voix encore à moitié-endormie dans le couloir. T'es là ? »

Et c'est au moment au Nathan faisait son inspiration dans la pièce de vie que la sonnette se fit entendre dans l'appartement.

« T'as commandé un petit-déjeuner ?

— Non... répondit la propriétaire surprise d'entendre sa sonnette retentir un dimanche matin.

— T'attendais quelqu'un alors ? Ou c'est ton voisin qui vient se plaindre qu'on a fait trop de bruit cette nuit... proposa Nathan assez fier de sa réflexion. »

Laura haussa les épaules et se dirigea vers la porte d'entrée. Elle n'eut pas le temps de dire bonjour, ni de dire quoi que ce soit d'autre d'ailleurs. En fait, elle eut à peine de reconnaître Harry de l'autre côté de la porte en tenue de sport avant qu'il se lance dans un long monologue.

« Salut. Il fallait que je te parle. Je... J'ai des tonnes de choses à te dire. Vraiment beaucoup et j'ai fait bien plus d'un tour du Westerpark pour essayer de mettre tout ça en ordre et je suis même pas sûr d'y être arrivé... Enfin bon. Voilà. Laura, il faut que tu saches qu'à tes côtés, c'est un peu comme si j'étais enfin arrivé à destination après un très long voyage. Un peu comme si j'avais été perdu en mer pendant très longtemps et que soudainement avec toi, je retrouvais un rivage, un port et surtout un lendemain. Et j'aimerais te dire merci pour tout ça. Je ne pensais pas ressentir ça un jour après la mort d'Ingrid. Mais avec toi, tout se rallume et je ne sais pas comment te remercier pour cela... Enfin, j'ai quand même une idée. J'aimerais que tu me laisses être cette personne pour toi. J'aimerais que tu me laisses être un rivage et me laisser t'offrir un lendemain. Parce que je sens bien que tu te freines Laura, que tu as peur aussi. Tu as tellement peur de l'amour, ça crève les yeux. Et je ne te juge pas. Moi-même, j'ai été tétanisé par l'amour pendant tellement de temps... J'étais presque asphyxié par la peur de perdre la personne que j'aime encore une fois. Je sais que tu t'empêches d'aimer parce que tu as peur et parce que tu es fatiguée de faire toute cette route seule et je peux te comprendre, mais toi et moi, on sait que la tentative n'a pas été très concluante. Et je ne vais pas te mentir : ça m'arrange pas mal quand même. Alors bien sûr, y a toujours le risque que je me plante totalement sur ce que je ressens et sur ce que tu ressens. Bien sûr. C'est une possibilité, mais tant pis. Tant pis parce qu'au fond de moi, je sais que notre histoire vaut la peine. Elle vaut la peine que je me démène pour que tu m'écoutes. Elle vaut la peine que je fraude pour rentrer dans ton immeuble. Elle vaut la peine de tout ce que je fais pour toi, Laura. Je le sais. Je le sais rien qu'à la façon que tu as de me manquer. Ton corps me manque. Ta voix me manque. Nos nuits me manquent. Ta bouche me manque. Tes cheveux et tes mains aussi, elles me manquent. Tu me manques tellement Laura. Je pense à toi tout le temps. Reviens moi. S'il te plaît. »

Laura n'était pas certaine qu'Harry avait respiré pendant toute sa tirade, mais c'était pas le plus important. Le plus important, c'était qu'elle devait fermer la porte derrière elle pour partir avec Harry. Il avait raison, ils avaient tellement de chose à se dire. Elle avait besoin de beaucoup trop de réponses.

Sauf qu'il était un peu trop tard. Nathan était arrivé juste derrière Laura, en portant juste son jean et une tasse de café dans les mains.

« Vous êtes ?

— Oh... Tu... Tu...

— Je suis désolée Harry...

— Non, non... Ça va... J'aurai pas dû débarquer comme ça. Excusez-moi. »

Harry s'était reculé en fixant Laura. C'était pire que tout, si elle avait pu disparaître à l'instant présent, ou du moins faire disparaître Nathan, elle l'aurait fait sans hésitation. Mais alors vraiment aucune.

« Au fond de moi, je sais que notre histoire vaut la peine. » avait-il dit. Si Harry avait eu le courage de lui parler à cœur ouvert de si bon matin, elle devait bien avoir le courage de courir pour le rattraper dans le couloir. Elle devait juste ne pas écouter Nathan l'appeler dans son dos.

Elle avait dévalé les escaliers en espérant aller plus vite que l'ascenseur. Mais quand elle arriva enfin au rez-de-chaussée, Harry était déjà arrivé dans le sas avec les boîtes aux lettres. Le temps que Laura arrive à son tour dans le sas, Harry était déjà parti. Elle était arrivée trop tard.

Les Papillons Tombent-Ils Amoureux ? - [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant