C̶h̶èr̶e̶ P̶e̶t̶r̶a̶,
P̶e̶t̶r̶a̶..
J̶e̶
Ça y est. Ça commence. Tout s'embrouille. Tout se mélange et s'entremêle dans un désordre infini.
Ça fait quelques fois que je prends cette plume. Ça fait plusieurs fois que je rature, que j'écrase, que je jette, que je ne trouve pas. Pas les bons mots. Ils ne viennent pas. Comme si un sombre voile m'empêchait de retranscrire à travers l'encre tout ce que j'ai envie de te dire depuis tout ce temps.
Comment suis-je censé être capable de ça? De tacher de t'écrire à toi, alors que tu n'es même pas là? Tu n'es plus là. Plus jamais tu ne le seras, et de tes yeux jamais tu ne parcourras tout cela.
Pourtant, je le ressens, ce besoin. Il fulmine hargneusement au fond de moi, quand bien même je tente de mener une vie digne. Je ne fais qu'essayer de vivre. De dépasser ce qui m'avait autrefois fait chavirer. Je me le suis promis. Ces émotions, je ne peux plus les ressentir. Je ne le veux pas.
Je perds tant, et ai tant perdu. Farlan et Isabel n'étaient finalement que des noms placés au sommet d'une longue liste.
Je n'aime pas me lamenter. Je n'aime pas penser à eux. Mais je ne peux empêcher, quelques fois, mes pensées de basculer à leurs côtés.
C'était justement lors d'un de ces moments particuliers que nous avions parlé. T'en souviens-tu?
Je n'avais guère prévu de passer la moindre minute en ta compagnie. Je n'avais certainement pas avisé ta présence, tes yeux bruns éclairés par la chaleur du feu. Je n'avais pas du tout envisagé d'ouvrir mes lèvres pour t'avouer ce qui m'affaiblissait.
Tu n'étais qu'une soldate. Tu n'étais qu'une âme de plus, éperdue dans ce monde virulent.
Je n'étais qu'un homme. Je ne suis qu'un corps de plus, ébranlé par la perte de ceux qui m'ont été chers.
Je ne parviens pas à me rappeler pour quelle raison j'ai abordé ce sujet avec toi. Probablement par le besoin, le même qui me dévore aujourd'hui, de panser mes blessures en me remémorant mes déchus. Rien qu'une seule fois, rien qu'une unique soirée, où je peux déverser l'amertume qui s'infiltre dans mes journées vides de vous.
Alors je t'ai parlé d'eux.
Et ces larmes, affalées sur tes joues, ont débuté cette tragique idiotie.
Jamais tu n'avais perdu quelqu'un, m'as-tu dit. Jamais tu n'avais eu ce malheur, celui de te voir te faire voler soudainement ceux qui comptaient pour toi plus que ta propre personne.
Tu étais triste, pourtant. Triste de ne pas me comprendre. Triste de me voir affligé. Triste, car mon image te renvoyait la tienne, celle de ton futur abîmé.
Je me souviens t'avoir furieusement ordonné de t'arrêter. Je n'aimais pas la pitié. Je ne l'aime toujours pas.
Mais la réponse que tu m'as offert à cette obligation ne s'est jamais retirée. À travers ces petites perles coulissantes, au-delà de l'affront que je t'avais fait, tu m'as regardé fermement. Tu as essuyé ton chagrin, et tu as planté tes yeux dans les miens.
La main sur ton cœur, le mien dans ma gorge, tu m'as juré fidélité. Tu m'as confié ta vie, en me promettant de ne pas la perdre. « Je serai une soldate dont vous pourrez être fière », m'avais-tu assuré.
Une vraie gamine. Une vraie naïve. Une vraie menteuse.
Je ne veux plus avoir à revivre de perte. Je veux accepter la douleur, la recueillir au creux de moi comme une commère amie qui viendrait me rendre visite. M'y habituer. Parce que si les émotions possèdent cette aptitude à faire glisser en chacun leurs braises chaleureuses, elles sont également ce qui nous arrache le peu d'espoir qu'on puisse un jour cueillir.
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𝐑𝐞̂𝐯𝐞𝐬 𝐝𝐞́𝐟𝐮𝐧𝐭𝐬 [ 𝙾𝚂 𝚂𝙽𝙺 ]
FanfictionHistoires d'un jour, sans lendemain. Récits d'espoir, de déception et de sentiments. Recueil de pensées, de pleurs et d'amour. _ Erehisu → Alunissons 1ère place du concours Sushi's awards éditions spéciales. _ Jeankasa → In Another Life ? _ Ri...