Enfants du divorce [B&O]

8. Maussade

La sonnerie de mon téléphone me fait sortir de mon sommeil. Je regarde mon réveil, il est cinq heures du matin. Qui peut bien m'appeler si tôt ?
J'attrape l'appareil du bout des doigts et réponds sans regarder, la voix encore endormie.
- Hm ?
- Allô Flo ?
- Oli ?
J'ouvre les yeux en même temps qu'un sourire éclaire mon visage.
- Ouais, c'est moi.
- Ça me fait plaisir d'avoir de tes nouvelles ! Ça faisait presque une semaine, je commençais à me demander si tu te souvenais que t'avais un frère, dis-je en riant.
- Non, je t'ai pas oublié. Au contraire, j'ai pensé à toi tous les jours.
- Whaou, je...
- Non attends, laisse moi parler. J'ai réfléchi à notre projet de rap, Bigflo & Oli. C'est devenu plus dur d'écrire ces derniers mois, et j'essaie de m'améliorer mais je suis pas satisfait de ce que j'écris.
Il marque une pause puis continue, la voix moins sûre.
Maintenant que t'es plus là, c'est encore pire.. Alors je pense qu'on devrait arrêter le projet, se concentrer sur nos études et voir si dans quelques mois on le reprend.
Je déglutis et cherche mes mots, mes yeux se remplissant de larmes.
- Oli... t'es sérieux ? C'est... c'est vraiment ce que tu veux ?
- Peut-être que maman avait raison en me demandant d'avoir un vrai métier, en fin de compte.

Une larme roule sur ma joue, je me prépare à répondre au moment où le bruit de mon réveil retentit.
Je regarde l'heure et clique sur le bouton pour arrêter l'alarme. Je me redresse dans mon lit, la respiration plutôt rapide. J'essuie ma joue, mon smartphone s'allume et affiche quelques notifications. Je le prends en espérant voir un message de mon frère, mais il n'y a rien qui le concerne. J'ouvre mon menu d'appels et soupire de soulagement quand je vois que le dernier appel que j'ai passé date de samedi dernier. C'était donc bien un mauvais rêve. Malgré ça, j'ai le sentiment que quelque chose me pèse.

Je me lève et me prépare lentement à aller en cours à cause d'un mal de tête puis sors de l'immeuble. J'arrive au lycée, les surveillants me saluent mais je ne réponds pas. Je crois être d'humeur maussade aujourd'hui. Je me dirige vers le bâtiment et entre dans ma classe puis je vais m'assoir au fond à ma table habituelle. J'ai quelques minutes d'avance pour le premier cours de la journée, donné par mon professeur que je considère être très ennuyeux pour expliquer les mathématiques.
- Bonjour à tous ! Je vais vous écrire le calcul du jour. Vous aurez cinq minutes pour le faire, il porte sur le dernier chapitre vu en cours.
Il pose sa mallette, en sort un feutre noir puis commence à écrire sur le tableau en regardant quelques fois une feuille.
Je promène mes yeux sur les élèves dans la classe, certains dorment sur leur table. Sofiane n'est pas là aujourd'hui. Le vendredi est un jour difficile pour tous, apparement...
J'échange un regard avec Joyce avant qu'elle ne tourne la tête en replaçant une de ses mèches rousses, cachant le côté de son visage.

La sonnerie retentit à midi. Je range mes affaires et pose mon sac sur mon dos en sortant de la classe. En me dirigeant vers la cantine, je passe à côté d'Elena et de son groupe d'amies. Elle se dispute avec l'une d'elles. Nos yeux se croisent, elle jette un regard noir à la fille en face d'elle et souffle en lui disant quelque chose puis sans attendre de réponse, se dirige vers moi.

- Salut Florian, comment tu vas ?
- Salut, je suis un peu fatigué et j'ai mal à la tête. Et toi ? T'as oublié de m'envoyer ton adresse pour la fête ce soir...
- Ah, mince.
Elle sort son téléphone et tape quelque chose, mon appareil vibre dans ma poche.

- Problème réglé, dit-elle en me faisant un clin d'œil. Ça te dis qu'on mange ensemble ce midi ?

Je hoche la tête en souriant, content d'enfin partager mon repas avec quelqu'un ici. À ma grande surprise, Elena sort un paquet de cigarettes de sa poche et en cale une entre ses lèvres. Je décide de ne pas en parler, c'est son choix de fumer après tout. On se dirige vers la cantine tandis qu'elle allume et fume sa clope. J'ai le désagréable sentiment d'être observé alors je sors mon téléphone et lis mes messages. Wawad et Luc me demandent si je vais bien, si vivre à Paris c'est cool. Je n'ai aucune notification de la part de mon frère. J'ouvre notre conversation et renvoie un message.

12h10 | Moi :
Salut Oli, t'as reçu mon dernier message ?
Ça m'inquiète un peu de pas avoir de réponse...
On s'appelle ce soir pour se donner des nouvelles ? :)

Je reçois une réponse en passant la porte du self.

12h12 | Oli :
Yo Flo, désolé j'avais pas vu ton message.
Ne t'inquiète pas, tout va bien ici.
Ok on s'appelle vers 21 heures

Je relis deux fois le message en pensant que son « tout va bien » sonne faux mais finis par me dire que je vois le mal partout et que ce n'est sûrement rien.
Elena prend un plateau et le fait glisser sur les barres métalliques en posant son assiette pleine de nourriture dessus. Je l'imite, puis on va s'assoir à une table collée à la grande baie vitrée. J'ai mal au ventre sans savoir pourquoi, je n'ai même pas l'appétit.

- Tu manges pas ? Dit Elena, me sortant de mes pensées dans lesquelles je m'étais plongé.
- Hum.. si si, répondis-je distraitement.

Elle sourit et plante sa fourchette dans la viande posée dans son assiette puis la coupe pour la manger. Je me force à prendre mes couverts pour manger, dans le but de ne pas avoir de questions auxquelles je serai incapable de répondre.

Elle finit rapidement son assiette, on va déposer nos plateaux avant de sortir. Je culpabilise d'avoir laissé la moitié de mon repas, il est destiné à la poubelle. Je lui tiens la porte, on se dirige vers le bâtiment rempli de salles de classe en passant au milieu de plusieurs groupes de lycéens parlant fort. Pourquoi mon frère ne m'a-t-il pas parlé cette semaine ? On n'étais jamais séparé avant que je vienne vivre ici, et là ça faisait plusieurs jours qu'il n'a pas pris de nouvelles de moi... Si je ne lui avais pas renvoyé un message, m'en aurait-il écrit un ?