Cerise

- reproches de proches -

Under Pressure - Queen & David Bowie

Je suis lasse de cette journée. Les cours ont été d'un ennui profond. Je ne sais pas ce qui me prend, mais j'ai envie de tout arrêter. De tout envoyer promener pour mieux reconstruire. Je chasse les nuages de mon esprit. Andreo m'attend devant la fac, ignorant les midinettes qui reluquent sa moto. Un garçon qui se déplace autrement qu'en bus ou en métro, ça en fait rêver plus d'une. Nous allons rejoindre Ada et Jacob, nos meilleurs amis. Je devrais me résoudre à passer mon permis. Je ne peux pas éternellement dépendre de mon petit frère.

- Il est vraiment à croquer ! Il vient chercher son aînée pour rejoindre vos amis d'enfance, si ce n'est pas trop mignon !

Je tourne la tête vers Liv. Je l'ai rejointe à sa sortie d'amphi. J'ai de plus en plus de mal à la voir depuis qu'elle a commencé son externat et je n'arrive désormais à l'attraper que quelques minutes. Liv est une fille si solaire, si enthousiaste. Elle m'a prise sous son aile quand j'ai commencé à sortir avec Mark, son cousin. Elle pense que c'est un imbécile. Mais un imbécile doué.

- Ne t'inquiète pas, je ne dirai rien à Mark. Tu es majeure et vaccinée, je ne vois pourquoi il se fait tant de mouron à cause de Jacob que tu connais soit dit en passant depuis qu'il porte des couches culottes, continue Liv.

- Mark est protecteur. Il est un peu jaloux, ça montre simplement qu'il tient à moi, réponds-je.

Liv me fixe avec une moue réprobatrice. Elle ne croit pas un mot de ce que je viens de dire. Ça me peine. Je pense que Mark m'aime, bien qu'il ne m'ait jamais déclaré clairement ses sentiments. Olivia ne peut simplement pas concevoir que l'on peut s'apprécier sans grandes démonstrations.

- Allez, va, ma belle ! On se voit samedi chez Leo, je te texte pendant le week-end !

Je lui réponds par mon plus beau sourire. Liv est l'une des raisons pour lesquelles je me lève le matin. Elle est motivante. Laisse ta trace, Mia.

Je secoue la tête et me dirige vers mon petit frère en sautillant. Il est captivé par son téléphone et ce n'est que lorsque je lui pince la joue qu'il lève les yeux vers moi.

- Si tu n'étais pas ma sœur adorée, j'aurais pu te rouler dessus simplement pour te punir, gronde Andreo.

- Tu n'oserais pas, garnement. Tu n'oserais pas faire du mal à ta géniale grande sœur que tu encenses à chaque occasion, dis-je avec une mimique qui se veut adorable.

Il râle en souriant, tout en me tendant mon casque. Je ris. Ça me fait du bien de passer du temps avec lui. Depuis qu'il a commencé ses études de droit, il est plus disponible, plus ouvert. Je m'installe sur le dur siège en cuir. Andreo démarre, chasse la béquille et nous filons à travers les rues.

Ada et Jacob nous attendent déjà à l'intérieur du Rilto. Petits, nous venions ici avec nos parents boire des chocolats chauds. Notre première bière, c'était ici. Notre première cuite, nos premières cigarettes, nos premiers désaccords sur des sujets divers, nos premières batailles de cacahuètes, nos premiers shots de vodka, notre premier et dernier joint. Il y a quelques années, le bar s'était agrandi et transformé en repère d'étudiants ; on pouvait danser, jouer au billard, boire un verre en terrasse ou au bar, rencontrer de nouvelles têtes. Ada avait continué de fumer, Andreo et Jacob, eux, avaient commencé à s'intéresser de très près aux filles qui fréquentaient le bar.

Je suis de nature très casanière mais accompagnée de mes trois acolytes, je deviens une version plus libre, plus dégourdie de moi-même. Celle-ci ne plait pas à Mark. Il n'aime pas vraiment le fait que je retrouve ma bulle, celle dans laquelle je peux exister autrement que dans le rôle de la petite amie mignonne mais torturée du formidable-Mark-futur-chirurgien-chef-d'hôpital. Une bulle dans laquelle j'ai moins de limites.