- détermination émiettée -

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Way down we go - Kaleo

Ça fait deux semaines que j'essaie de faire abstraction de cette soirée. Deux semaines que j'évite Mark dans les couloirs de la faculté. Deux semaines que je fais mine d'être concentrée pendant mes séances de révision. Laisse ta trace, Mia. Deux semaines que la boule dans ma gorge ne cesse de grossir. Deux semaines que je dis à mon entourage que je vais bien. Tu me manques tellement.

Je vis les choses comme si je n'étais que la figurante d'un film dont on connaît déjà la fin. Je me dépêche de quitter la fac. Je viens de récupérer mon affectation de stage. Bientôt, je serais en immersion à l'hôpital. Je n'aurais plus besoin de rebrousser chemin dès que je l'aperçois une haute silhouette masculine. Je ne veux pas le voir, je ne veux pas lui parler. Je sais que j'agis comme une enfant mais je sais que ma colère cessera au moment où je le laisserai me convaincre. Parce que je suis toujours amoureuse de lui. Il me manque.

Je n'arrive pas à comprendre comment nous en sommes arrivés là. Je sais que c'est en grande partie de ma faute. J'ai laissé la situation empirer, je me suis laissé submerger par mes problèmes. Pourquoi suis-je si passive ? Comme si rien ne m'atteignait ? Je devrais me battre pour que Mark me regarde de nouveau. Parce qu'encore une fois, il a été l'acteur dans notre couple, moi une simple spectatrice de notre déchéance. Si j'avais été plus enjouée, moins triste, Mark n'aurait pas eu besoin de partager son intimité avec une autre. Il aurait résisté à Emilie. Il n'aurait pas eu à prononcer ces mots contre moi. J'aurais dû l'écouter, appliquer ses conseils.

Je ne sais pas ce que nous sommes aujourd'hui. Mark a cessé de me téléphoner après neuf appels manqués. Il a dû comprendre. Je ne sais pas s'il continue de voir Emilie. Je ne sais pas s'il a tiré un trait sur moi.

Liv n'a rien voulu me dire. Elle pense que nous devons régler nos histoires sans intermédiaire. Elle doit me trouver lâche, certainement. En tout cas, elle prend régulièrement de mes nouvelles. Tous les jours, à vrai dire. Tout comme Ada et Jacob

J'aimerais être tranquille, que rien ne vienne troubler ma vie. Mais c'est trop tard et il faut que je commence à l'accepter.

Je presse le pas pour rejoindre un coin tranquille de la bibliothèque. Je vais réviser et oublier le reste pour me concentrer sur les choses essentielles. Je pousse la lourde porte de la BU. Comme toujours, le silence règne. Mais aujourd'hui, je le trouve oppressant. Comme si ce calme favorisait l'ébullition de mes pensées. Je trouve un box vide au premier étage.

Je révise depuis deux heures. La tête pleine, je décide de m'accorder une courte pause. Je laisse mes affaires en plan mais récupère tout de même mon téléphone. Enroulée dans mon écharpe, je dois ressembler à un énorme bonbon avec mon long manteau rose, mon béret rose et mes mitaines roses.

Papa pense que j'ai besoin de cette douceur visuelle pour aller mieux. Depuis que je suis petite, il m'enveloppe dans de grandes étoffes quand j'ai un gros chagrin. Et j'ai développé un goût immodéré pour le rose ces dernières semaines. J'ai dépensé mes économies dans du shopping en ligne et j'arbore fièrement mes nouveaux achats. Je m'assieds sur les marches de pierre devant la bibliothèque en prenant soin de ne pas griller mes collants. Je sors une compote en gourde de ma poche. Le ciel est gris. Perdue dans mes pensées, je ne remarque pas tout de suite la personne qui s'installe près de moi. Du coin de l'œil, je détaille une solide carrure et des cheveux châtains. Mark. Je me décale légèrement. Je ne veux aucun contact physique avec lui. Je ne veux pas lui accorder d'importance.

- Je savais que je te trouverais ici. Je t'ai vu sortir de là-haut. C'est l'heure du goûter.

Sa voix est sereine, détendue. Le désavantage d'avoir partagé deux ans de moments complices, c'est que nos habitudes se retournent contre nous quand on essaye de s'échapper. J'essaie de me détendre et de prendre un air détaché quand je tourne la tête vers lui.

- Qu'est-ce que tu veux, Mark ?

- J'aimerais qu'on parle. De tout ce bazar. J'ai bien vu que tu m'évitais.

- J'ai besoin de temps pour digérer les derniers évènements, dis-je d'un ton qui se veut assuré.

Son sourire s'affaisse quelque peu. Mais il n'abandonne pas pour autant.

- J'ai réfléchi à tout ça pendant ces deux dernières semaines. Je pense que c'est le moment de faire le point. Je ne veux pas te laisser le temps de t'éloigner de moi. Tu comptes bien trop pour moi, Mia.

Mon cœur se désintègre en milliers de petits morceaux. Je ne veux pas me montrer faible face à lui. Mais je sais à cet instant que je ne peux pas me séparer de lui. Sa présence est une nécessité. Je remets ma frange en place, essayant de dissimuler le trouble qui m'envahit. Il pose sa main sur ma cuisse et me force à lui faire face.

- Ne te détourne pas de moi. Mia, mon cœur, je ne sais pas quoi dire pour réparer nos erreurs ...

Je me mords la lèvre. Je préfère qu'il parle. Je sais que je peux à tout moment tout lui pardonner, tout excuser, juste parce qu'il est là, près de moi.

- Dis-moi quelque chose, Mia. Fais-moi tous les reproches du monde si tu veux. Mais montre-moi que je compte pour toi.

- Je suis désolée de ne pas avoir su voir que tu avais tant besoin d'attention, murmuré-je.

On peut entendre les larmes dans ma voix. Mark caresse tendrement ma joue.

- Tu m'as tellement manqué, mon cœur, dit-il d'une voix douce. Je passais mes nuits à me demander ce que tu faisais, avec qui tu étais, si tu étais heureuse sans moi.

- Je ne peux pas être heureuse sans toi, tu le sais bien.

Ma voix n'est plus qu'un filet tremblotant. Sa main se pose sur ma nuque. Il m'embrasse. Je le repousse doucement et lui souris.

- Du temps. Il me faut du temps.

Il me fixe de ses yeux bleus. Il faut que je résiste un peu. Que je lui fasse comprendre que je ne lui suis pas acquise. Il se lève.

- Faut que j'aille travailler. Je t'appelle ce soir.

Je hoche la tête et il me caresse la joue une dernière fois. Maintenant seule dans le froid, je finis ma compote. Je réfléchis à ce qu'il vient de se passer. J'ai réussi à ne pas foncer droit dans ses bras. J'ai réussi à me montrer ferme. Mon téléphone sonne.

- Liv ?

- C'est vrai ce que vient de me dire Mark ? Vous êtes de nouveau ensemble ?

Je pince l'arête de mon nez entre mes doigts. Il n'a pas pu s'empêcher de se vanter auprès de sa cousine, certainement pour la faire enrager. Je ne sais pas si je dois me féliciter d'avoir une amie qui préfère mon amitié aux liens du sang.

- On a discuté. Il m'a fait de grandes promesses. Il avait l'air sincère. J'ai décidé de lui laisser une seconde chance. Il me manque beaucoup.

Liv a l'air sceptique au bout du fil.

- Il s'est excusé ?

J'essaie de me refaire le film de notre conversation. La réponse s'impose à moi comme une évidence.

- Non, dis-je faiblement.

- Je crois que tu viens de faire une grosse bêtise, Mia.

J'espère de tout mon cœur que non. Je change de sujet et oriente la conversation vers sa prochaine soirée. Elle s'enthousiasme et nous parlons organisation jusqu'à ce que je doive retourner travailler. En rejoignant le box, j'ai une drôle d'impression. Une sorte de pressentiment. 

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Coucou tout le monde,

Tout ça pour vous dire qu'il y a quelques bugs concernant mes notifications, je ne sais pas pourquoi (ça n'arrive qu'à moi ces histoires ...)

Si vous passez par là, laissez-moi un commentaire ou votez, ça m'encourage et me fait extrêmement plaisir !

Bisous sur vos petites personnes confinées à la maison, je l'espère !

A.RD.B.

CeriseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant