V. Le coeur qui bat
C’était un vendredi 28 septembre, deux jours avant son quinzième anniversaire. Violette lui avait dit vient, j’ai la tête trop pleine de tout ça, j’en peux plus, faut qu’on évacue, faut qu’on fasse une connerie, quelque chose de nouveau parce que je veux sentir mon cœur battre trop vite, tu comprends ? Et elle comprenait parfaitement.
Alors elles sont parties chez Acia, comme ça, parce que pourquoi pas ? comme disait Violette en riant, avec ses cheveux remontés en un chignon mal foutu. Cette dernière a prévenu sa mère qu’elle dormirait chez Acia, sans doute, probablement, et puis merde maman.
Alors elles ont déniché des robes, une magnifique pour Acia, noire lacée dans le dos, et une blanche pour Violette, qui lui donnait l’air d’un ange. Elles se sont maquillées pour se sentir jolies, elles se sont coiffées et parfumées et préparées parce qu’elles n’allaient nul part et qu’elles avaient en avaient tout simplement envie ; Acia a enfilé des bottines noires et Violette des sandales. Et à cette heure là il faisait quasiment nuit, il devait être huit heures presque et elles avaient faim. La sœur d’Acia a descendu les marches, elle les as vues, elle a rit comme une enfant et elle a dit « Ne rentrez pas trop tard, les parents ne reviennent pas ce soir, alors éclatez vous » puis elle est remontée en souriant en coin. Alors Acia s’est mit à rire aussi, parce qu’elle a quatorze ans pour ses derniers instants et elle est légère, pour une fois, elle qui n’aurait jamais cru pouvoir se sentir immatérielle de cette façon irréelle.
Elles sont parties en courant de la maison, en emmerdant les maisons trop droites, trop géométriques. Elles ont balancé leurs élastiques derrière elles sans s’arrêter de courir, avec les cheveux qui volaient derrière et le fantôme de leurs rires. Elles avaient l’air paumés et connes dans leurs robes trop apprêtées et elles s’en foutaient puisqu’enfin le sang remontait dans leurs visages, enfin elles pouvaient sentir l’électricité qui parcourait leurs veines, et elles se sentaient bien à courir comme ça de leur silence et leurs responsabilités.
Au final elles se sont essoufflées.
Violette a désigné du doigt un supermarché, un truc perdu au fin fond de la ville, avec quelques mecs louches qui trainaient devant. Ils les ont sifflés, ils devaient avoir vingt ans au maximum, avec des airs de clodo ou de drogués. Elles se sont approchées en gloussant, leur demandant de leur acheter de quoi s’amuser un peu. Les mecs sont revenus avec une bouteille de Jack Daniels et trois paquets de clopes, et en échange elles ont filé en laissant un billet de vingt, et ils ont eu beau leur crier de revenir, rapidement leurs robes se sont confondues avec le blanc des murs et le noir de la nuit et elles ont disparues. Elles ont continué leur course dans l’obscurité, parcourant les rues baignées par la lueur de la lune et le faible éclairage électrique des lampadaires. Dans les rues les plus tranquilles, elles se regardaient en souriant, l’air inquiètes et excitées comme deux gosses à Noël.
Elles ont fini par trouver un McDo, en plein centre-ville. Les rares clients les regardaient comme deux folles, les dévisageant sans retenue dans leurs belles robes complètement déplacées dans le fastfood miteux. Violette grelottait dans sa petite robe fine. Elle n’avait pas prévu qu’il ferait si froid. Acia, elle, était tenue au chaud par le coton épais de sa robe, mais l’air ne cessait de se rafraichir. Elles en conclure qu’il leur faudrait rentrer bientôt.
- Alors ? demanda Violette, un grand sourire étalé sur le visage.
- C’est dingue. C’est dingue. Je sais pas.
Sans réfléchir, Violette posa une main contre le cou d’Acia, mesurant son rythme cardiaque anormalement élevé. Le contact des deux peaux provoqua un picotement agréable au creux du ventre d’Acia, qui sourit, gênée par ce qu’elle ressentait. La peau de Violette luisait doucement, mise en valeur par l’éclairage industriel. Acia ressentit un besoin de s’y frotter, doucement, de se blottir contre Violette, de poser ses mains contre la taille de guêpe de son amie. Elle réfréna ses pensées, les jugeant idiotes, provoquées par l’épuisement et la confusion de la soirée.
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Le Chaos Des Êtres
Teen FictionIl n'y a pas d'indulgence. Il n'y a que les barrières morales que nous nous sommes dressées. Il n'y a que la douleur, le physique, le sexe, la drogue, l'adolescence qui nous brise quand elle est censée nous redresser enfin pour que l'on voit le mond...