Chapitre 2

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Pdv Izuku
"- Ok, Big in Japan! Vous êtes prêts?"
C'est l'une de mes préférées. La soirée commence bien. Je souris en voyant Kyoka se ruer sur le synthé. Je comprend pas pourquoi elle demande pas la paye de musicien en plus de celle de serveuse. Elle joue toujours avec moi. Quand elle ne chante pas elle aussi.
Par contre, il manque quelqu'un à la batterie. Ça va pas le faire.
"- Heu... quelqu'un pour prendre la batterie, s'il-vous-plaît?", je demande. "Je peux essayer si vous voulez mais je garantis pas l'état de votre audition après..."
Quelques rires s'élèvent. Un claquement sec de baguettes me répond. Je cherche des yeux la batterie. Quelqu'un l'a prise? À quoi il ressem...
Ouh. Pas mal. Blond, musclé, regard brûlant. Beau. Vraiment très beau. Merde, à quoi je pense?
"- Ok, merci!", je lui lance au micro.
Aucune réponse. Il fait tourner les baguettes dans ses mains, s'échauffe vite fait les poignets. Trois coups de baguettes. Premières notes de synthé. Je soupire et fais le vide en moi.
"- Winter's cityside, crystal bits of snowflakes all around my head and in the wind..."
Je me laisse porter par la musique. Et plus rien n'existe.
"- I had no illusions that I'd never find a glimpse of summer's heatwaves in your eyes..."
Je continue à chanter. Enfin, le moi sur scène continue. Le moi de l'intérieur se marre. En essuyant ses larmes.
C'est l'une de mes chansons préférées. Je l'ai toujours chantée en souriant. En ne voyant que le côté "big in Japan", justement. La partie fun. C'est la première fois que je fais autant attention aux paroles. Et je peux pas m'empêcher de sourire tristement en chantant. "Je savais que jamais je ne trouverais d'éclat de chaleur d'été dans tes yeux", hein? Moi, j'y ai cru. Pendant un instant, je l'ai vu, cet éclat. Et puis l'hiver est venu dans son regard. Et il est parti le rallumer dans les bras d'un autre.
"- You did what you did to me, now it's history I see, here's my comeback on the road again..."
Non. C'est pas de l'histoire ancienne. Pas encore. J'attends qu'il me l'avoue pour mettre tout ça derrière moi. Parce que je peux pas m'empêcher d'espérer. D'essayer de me convaincre que tout va bien. Que ce parfum sur sa chemise est le sien. Que les suçons dans son cou sont les miens. Que toutes ces absences c'est le travail.
"- Things will happen while they can, I will wait here for my man tonight, it's easy when you're big in Japan..."
Ha. Si seulement. J'ai beau attendre mon mec à moi, je sais pertinemment qu'il viendra pas. Comme hier. Et avant-hier. Et le soir encore avant.
Stop. Arrête. Tais-toi. Concentre-toi sur les paroles.
"- When you're big in Japan, tonight! Big in Japan, be tight! Big in Japan, oooh the Eastern's sea's so blue..."
Je me sens perdre pied. Laisser l'adrénaline prendre le dessus. Et le vrai moi, le contrôle.
"- Big in Japan, alright! Pay, then I'll sleep by your side, things are easy when you're big in Japan... oh when you're big in Japan!"
Mais j'arrive pas à complètement lâcher prise. Je peux pas. Pas avec lui dans ma tête. Raaaah, mais tais-toi! T'as qu'à te trouver quelqu'un d'autre à regarder.
"- Neon on my naked skin, passing silhouettes of strange illuminated mannequins..."
Mon regard glisse lentement vers le blond de tout à l'heure. Tiens, t'as qu'à le regarder lui.
C'est vraiment un canon. Et il joue super bien. Je le vois s'amuser avec ses baguettes entre deux notes. Il est super doué. Mignon et doué.
Ça fait bizarre de mater un inconnu comme ça. J'ai pas l'habitude. J'ai plus l'habitude. Et je me sens mal vis-à-vis de Shoto.
Tsss. Vraiment? C'est moi qui me sens mal? Je suis ridicule. Réveille-toi, bordel.
"- Big in Japan, alright! Pay, then I'll sleep by your side, things are easy when you're big in Japan... oh when you're big in Japan!"
La musique s'arrête au coup de gong. Fait avec un plat et le dos d'une cuillère mais un coup de gong quand même.
Quelques sifflements fusent au travers de la pièce. La salle est bondée, mais personne n'applaudit. Ils savent que c'est une perte de temps. Et tout le monde veut avoir assez de temps pour que sa chanson passe.
Plusieurs papiers circulent de main en main vers la scène. Je prend celui qu'Eijiro me tend avec un sourire en passant avec un plateau de verres vides.
"Call me, blondie
XX-XXXX-XXXX"
Je regarde quelques secondes le papier. Il y a un numéro portable avec? Pour la chanson "Call me"? Je souris. Pour de vrai, cette fois. Cette personne est un génie. Elle a signé ou pas? Si on prend "call me" comme un message et pas comme un titre, la signature, c'est le nom du groupe. Donc "blondie". Il y a un blondie dans la salle? Je lève le regard. Il y a une tête blonde ce soir? Je...
Merde. C'est toute la salle qui me dévisage. Qu'est ce qu'ils at... La chanson. Mais quel con.
"- Ok, Call me! Kyoka, tu me suis?"
Question stupide. Elle est déjà en train de raccorder sa guitare électrique. Fumikage l'accompagne. Je me tourne vers le fond de la salle. La batterie... le blond y est toujours. Yes.
Il lâche les premières notes, pose le rythme. Kyoka et Fumikage suivent.
"- Colour me you colour baby, colour me your car..."
Ça change tellement de Big in Japan. La musique, le ton que je prend, les pensées dans ma tête.
"- Colour me your colour darling, I know who you are..."
Ce qui est faux. Je ne sais pas qui a écrit ça. "Blondie", c'est assez nul comme indice. Il y a beaucoup trop de blonds dans cette salle.
"- Come up off your colour chart, I know where you're coming from..."
Au pire, je m'en fous. Ces derniers jours ont été horribles. Je veux plus réfléchir.
"- Call me! -call me- on the line, call me, call me, any, anytime..."
Je me contrôle pas. Je me contrôle plus. J'essaye même pas, en fait. Je fais un pas en dehors de la scène, me laisse tomber sur la table la plus proche. Je me fous des verres qui tombent, des gens qui râlent, de ceux qui me regardent bizarrement. Je me fous de tout. Et de lui en particulier. Et de lui surtout. Je sais pas si il est là. Ça aussi, j'en ai rien à foutre. Je veux plus penser à lui. Je veux plus penser à rien.
"- Call me! -call me- my love, you can call me any day or night, call me!"
Je passe de table en table, esquive à peine les têtes, fais quelques pas de danse. Je ferme les yeux. J'ai pas besoin de voir. Je connais le chemin par cœur. On l'a fait pour moi.
"- Cover me with kisses baby, cover me with lo-ove..."
Je m'arrête quelques instants sur l'une des tables. Juste devant la batterie. Devant le blond. Ça pourrait être lui, blondie. Ça pourrait être ce canon, ça pourrait être ce mec qui me regarde intensément. Ça pourrait. Et si c'était vraiment lui, j'aurais appelé. Peut-être.
Je lui lance un clin d'œil en souriant. Il rougit légèrement et détourne brusquement la tête. Je change de table avec un regard en arrière. Ouais. Ça m'irait bien, que ce soit lui.
"- Call me! -call me- on the line, call me, call me, any, anytime, call me! -call me- oh my love, when you're ready we can share the wine, call me!"
Je crie presque dans le micro, saute sur les tables, danse entre les chaises. Je fais mon show. Et ceux que ça dérange peuvent aller se faire voir. Je n'ai confiance que sur scène. Avec la musique dans ma tête, juché à 1 mètre du sol sur une table de bar, le reste de la salle plongé dans le noir.
"- Call me! -call me- on the line, call me, call me, any, anytime, call me! -call me- oh call me, whoo, whoooo, call me! -call me- my love, call me, call me, any, anytime, oh call me!"

Big in JapanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant