Pdv Katsuki
Big in Japan? Pas mal. Assez facile à jouer, calme mais entraînante. Avec un peu de nuit dans les accords. Parfaite pour commencer la soirée. Parfaite pour le découvrir.
"- Heu... quelqu'un pour prendre la batterie, s'il-vous-plaît?", il demande, un peu hésitant. "Je peux essayer si vous voulez mais je garantis pas l'état de votre audition après..."
Quelques abrutis rigolent, d'autres s'en foutent, aucun ne se lève. Ça va pas le faire. À trois, si personne ne l'a prise, j'y vais. Un. Deux. Deux et demi. Deux trois quarts. Deux virgule 9. Ah non, on peut pas faire des virgule 9, on est en base 6 dans les secondes. Merde. Deux quarante. Non plus, on était aux trois quarts. Merde. Attends mais on s'en fout des secondes, je peux faire virgule 9 si je veux. Donc deux virgule 9. Putain mais non on est trop proche de trois maintenant. Deux virgule 91. 92. 93. 94. 95. 96. 97. 99. Deux n'importe quoi tant que c'est pas trois. Trois. Fais chier.
Je me lève en soupirant et me dirige vers la batterie. Le plus lentement possible. Si quelqu'un veut la prendre avant moi, surtout vous gênez pas. Personne ne bouge. Bande d'enfoirés. Je me laisse tomber sur le siège. On peut vraiment juste prendre les instruments comme ça et jouer? Je fais claquer les baguettes à l'intention du vert. Il se retourne vers moi avec un sourire. Un putain de sourire.
"- Ok, merci!"
Je lui réponds pas, fais quelques tours de poignets, quelques tours de baguettes. Ça fait assez longtemps que j'ai pas fait de batterie. Un peu trop, en fait. Ça me fera pas de mal.
Je lâche trois coups contre le rebord de la caisse pour donner le départ. Les accords de synthé s'enchaînent.
Wow. Heureusement que les premiers temps de batterie sont faciles, parce que j'ai vraiment perdu. J'ai besoin d'un mini temps d'adaptation. Juste pour me réhabituer.
"- Winter's cityside, crystal bits of snowflakes all around my head and in the wind..."
Je me redresse d'un coup en entendant les premières phrases. C'est le vert, ça?!
"- I had no illusions that I'd never find a glimpse of summer's heatwaves in your eyes..."
Il chante plutôt bien. Il a un bon accent, il place bien sa voix, elle porte loin. C'est juste... différent. C'est pas du tout la même voix que l'originale. Dans la vraie, j'ai toujours eu l'impression que le chanteur tirait un peu sur sa voix. Qu'il forçait. Comme si il se retenait de crier. Lui, il... il pose juste sa voix. Il ne tire pas. Et c'est putain de beau. J'imagine à peine la puissance de sa voix quand il crie. Ça doit être incroyable.
Les mots s'enchaînent naturellement. Comme si il connaissait la chanson par cœur. Comme si il avait fait ça toute sa vie. Comme si cette chanson, c'était sa vie.
"- You did what you did to me, now it's history I see, here's my comeback on the road again..."
Son visage durcit légèrement. Il fronce quasi imperceptiblement les sourcils, donne à peine plus de puissance à sa voix. Ça suffit pour comprendre qu'il a mal. Que c'est plus qu'une chanson pour lui.
"- Things will happen while they can, I will wait here for my man tonight, it's easy when you're big in Japan..."
Une ombre passe dans sa voix sur le "my man tonight". J'aimerais bien être le mec qu'il attend ce soir. Mais j'ai l'impression que c'est justement lui, le problème.
"- When you're big in Japan, tonight! Big in Japan, be tight! Big in Japan, oooh the Eastern's sea's so blue..."
Putain, il chante super bien, en fait. Sa voix prend de l'ampleur. De plus en plus fort. De plus en plus beau.
"- Big in Japan, alright! Pay, then I'll sleep by your side, things are easy when you're big in Japan... oh when you're big in Japan!"
Il s'en rend probablement pas compte, mais ses doigts sont complètement crispés sur le micro. Il a l'air triste. Un peu.
"- Neon on my naked skin, passing silhouettes of strange illuminated mannequins..."
Son regard balaie la salle. Merde, parce qu'en plus d'avoir un putain de sourire, il a des yeux magnifiques. Et un bon cul, aussi. Un beau corps en général. Il est canon, en fait.
Concentre-toi, bordel.
"- Shall I stay here at the zoo, or shall I go and change my point of view for other ugly scenes..."
Il a l'air de se poser vraiment la question. J'avais raison. Il y a un truc avec cette chanson.
"- Big in Japan, alright! Pay, then I'll sleep by your side, things are easy when you're big in Japan... oh when you're big in Japan!"
On entend un faible coup de gong. Quelques sifflements suivent. Pourquoi personne n'applaudit?
Une tape sur mon épaule me sort de mes pensées. Qui est l'enfoiré qui a osé...
"- Alors? T'en penses quoi?"
Eijiro me regarde avec un grand sourire. Il a échangé son t-shirt red riot pour une veste de serveur et porte un plateau de bières et de verres, vides ou à moitié remplis de liquides aux couleurs douteuses.
"- J'en pense que je veux me faire le ptit vert.", je réponds en attrapant l'une des bières.
"- Comme les trois quarts de cette salle. Désolé de briser tes rêves, mais il a un mec."
QUOI?! QUI EST L'ESPÈCE DE PUTAIN DE FILS DE PUTE DE BORDEL DE MERDE DE MES DEUX... Raaah. Fait chier. Et quelque part, ça fait un peu mal.
"- Comment ça, il a un mec?
- Bah, il a un mec. Je peux pas te l'expliquer plus clairement. Il sort avec un gars.
- Putain mais je comprend, merci, la vraie question c'est qui est ce mec?
- Tu le connais pas.
- Et alors?"
Il soupire.
"- Il s'appelle Shoto. Il venait souvent le voir au début, mais ça fait un moment qu'on l'a pas vu.
- Et il est où?
- T'as écouté la partie où j'ai dit qu'il ne venait plus depuis quelques temps?
- Ta gueule.
- Bon, du coup, t'en penses quoi? Tu prends le job?
- Si c'est pour porter une veste aussi moche, même pas en rêve.
- Aaaah, c'est la tenue règlementaire, mec. Ça, la chemise en dessous, et le pantalon noir." Je le regarde en fronçant les sourcils. " Oh, allez, steuplé! C'est facile et bien payé! En plus, on sera ensemble!
- C'est bien là le problème, abruti.
- Mais non, ça va être marrant! Allez, Kats'..."
Je réponds pas. De toutes façons, je sais déjà que je vais le prendre. J'ai besoin de ce taf. Et j'ai envie de voir le ptit vert.
"- File-moi un bout de papier.
- Quoi?
- Un bout de papier. Maintenant."
Il me tend un petit carnet en soupirant. J'arrache une page, lui prend son stylo des mains et griffonne le nom d'une chanson.
"- Tu fais quoi?", me demande le rouge.
"- T'occupe. Tu lui apportes ça?", je dis en désignant le vert d'un mouvement de tête.
"- Ça dépend, on demande comment?
- Espèce d'enculé, tu ve...
- Je le fais si tu prends le boulot."
Je lâche un soupir excédé.
"- J'allais le faire, de toutes façons.
- Sérieux?", il demande en souriant.
"- Raaah, putain, oui! Tu lui donnes ça maintenant?
- Mec, c'est trop bien!
- BORDEL DE MERDE, TU VAS LUI APPORTER CE PUTAIN DE PAPIER?
- Oui oui, calme-toi! Putain, je suis trop content...
- EIJIRO...
- Mais calme-toi, c'est bon! J'y vais! T'es pas possible..."
Il s'éloigne en souriant. Je soupire. J'ai vraiment accepté ce job? Je vais vraiment devoir passer mes nuits à servir des abrutis à moitié bourrés occupés à siffler soit des bières, soit le chanteur? Merde. Ça va être chiant. Remarque, si c'est pour être avec le ptit vert, ça passe.
Il en est où, d'ailleurs? Eijiro devrait lui avoir filé le papier. Je me balance de gauche à droite pour apercevoir sa tête. Je veux le voir déplier le papier, lire le nom de la chanson, hausser les sourcils en se demandant ce que ça veut dire, et sourire. Enfin.
C'est vraiment mon numéro. Quand il se sera lassé de son mec et qu'il se sera rendu compte que je suis 15 000 fois mieux, il m'appellera. Peut-être. Non, pas peut-être. Il m'appellera. Si il a pas deviné avant. Mais ça m'étonnerait vraiment. Il y a beaucoup de de blonds dans le bar. "blondie", ça suffit pas pour reconnaître quelqu'un qu'on connaît pas. Même si ça m'arrangerait qu'il me reconnaisse alors qu'il me connaît pas. Tch. C'est ridicule. Je suis ridicule.
"- Ok, Call me! Kyoka, tu me suis?"
Il enchaîne déjà? Il s'est pas trop posé de questions...
Je reste à la batterie. La nana qui l'accompagnait au synthé tout à l'heure est rejointe pour un mec au look bien dark. Je suppose que c'est eux, les guitares.
Et toujours le vert au chant. Il aurait échangé sa place avec quelqu'un d'autre, j'aurais laissé la batterie. Mais j'aime bien jouer avec lui. En fait, j'aime bien sa voix. Et son cul. Mais ça à rien à voir avec la musique.
Bon, c'est pas que je me fais chier, mais un peu quand même. Ils avaient qu'à aller plus vite. Je joue les premières notes en solo. Les deux guitaristes raccrochent à la deuxième phrase musicale, le ptit vert à la quatrième. Putain, sa voix... il a complètement changé de ton. Beaucoup plus doux. Beaucoup plus sensuel.
"- Call me! -call me- on the line, call me, call me, any, anytime..."
Je le vois faire un pas dans le vide, les yeux fermés. PUTAIN MAIS QU'EST-CE QU'IL FO...
Il s'est rattrapé sur une table. Merde, j'ai limite eu peur. Il saute sur la table suivante. Monte sur le dossier d'une chaise. La laisse basculer vers l'avant et taper sur la table d'à côté. Danse vite fait. Continue de chanter. Comment il fait ça? Il a les yeux fermés, il peut pas...
"- Cover me with kisses baby, cover me with lo-ove..."
Ok, faut croire qu'il peut.
Il s'arrête sur la table en face de moi et plonge ses yeux dans les miens. Putain, ce regard... il a des yeux de ouf.
Il me fait un clin d'oeil et sourit. Merde. Il. Est. Putain. De. Beau. Je détourne la tête. Je veux pas qu'il me voit rougir. Parce que c'est ridicule. Et que ça commence à faire beaucoup plus de ridicule en une soirée que je ne peux en supporter.
Il s'éloigne en dansant. Sur les tables. Les yeux fermés. Putain, il est complètement malade. J'adore ça.
"- Call me! -call me- on the line, call me, call me, any, anytime, call me! -call me- oh call me, whoo, whoooo, call me! -call me- my love, call me, call me, any, anytime, oh call me!"
La musique s'arrête sur le dernier call me. D'autres petits papiers circulent. Il en prend un au hasard en souriant. Il est passé où, le mien? J'ai pas vu ce qu'il en avait fait. Putain, j'espère qu'il l'a pas jeté. Ça ferait vraiment chier. Et mal. Un peu.
On enchaîne sur Sweet dreams, Africa, Fresh. Moi à la batterie, les deux de tout à l'heure à la guitare, d'autres au synthé pour une chanson. Et lui au chant. La nana rockeuse le rejoint sur Fresh. Ils ont l'air proches. Un peu trop proches. Putain. J'aimerais être à sa place.
Merde, à quoi je pense?
Je finis Fresh par 4 coups de baguettes plus rapides. J'en peux plus. Comment il peut supporter de faire ça toute la soirée? Il prend des pauses au moins?
Je me retourne vers lui, le vois poser son micro, s'éloigner des guitaristes avec un signe de la main et s'éclipser par l'un des côtés de la scène. Donc il prend des pauses. Et je vais en prendre une aussi, parce que j'en ai ma claque de rester assis à cette putain de batterie comme un con.
Je récupère ma veste au pied du tabouret sur lequel je suis resté assis pendant 15 PUTAINS DE MINUTES et le suis discrètement. Enfin, j'essaye. Pourquoi il y a autant de putain de portes, bordel? Comment je suis sensé me repérer dans cette merde? Je me dirige vers le courant d'air frais qui court dans le couloir et ouvre une porte au hasard. Pas la bonne. Fait chier. Je teste la porte d'à côté. Pas la bonne. PUTAIN DE MERD... Ah si, la bonne. Fallait juste pousser fort.
RAAAAAAH PUTAIN POURQUOI C'EST PAS UNE COUR OU UN JARDIN BORDEL POURQUOI J'ARRIVE SUR UN PUTAIN D'ESCALIER DE MES DEUX ESPÈCE D'ENCULÉ DE MERDE
J'entends une porte claquer en haut de l'escalier. Il est monté? Putain, il est chiant... Je prends les marches deux par deux et cours presque dans les escaliers. Ça sert à rien, mais j'ai... je sais pas... j'ai envie de passer du temps avec lui. Je le connais pas, lui non plus, mais... putain, je sais pas. J'en ai envie. C'est tout.
Putain, encore une porte. Le parcours du combattant pour un mec qui est déjà en couple. Ridicule. Mais je veux quand même le voir. Je suis resté assis sur ce putain de tabouret de batteur pendant 25 putain de minutes pour ça, bordel.
Je pousse lentement le battant.

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Big in Japan
FanfictionJ'aurais jamais dû le suivre. Pas dans une laverie abandonnée. Pas au milieu de la nuit. Pas du tout, en fait. J'aurais pu partir. J'aurais pu lui dire d'aller se faire foutre et rentrer chez moi en lui faisant un doigt d'honneur de dos. Ouais, j'au...