Chapitre 1

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— Même si la période romantique en littérature remonte au 19e siècle en France, elle a inspiré d'autres mouvements plus récents, je suis d'accord. Néanmoins, je ne pense pas que Twilight soit un héritage de ce style dont nous devrions discuter en travaux dirigés. Certains auteurs contemporains sont plus intéressants et ont créé des intrigues plus complexes. Tu vois ce que je veux dire ?

Non, mais je rêve ! Oser me parler de ce livre en classe. J'en perdrais mon latin. Mais je ne dois pas juger en classe, chacun sa culture et son interprétation des arts. Seulement, je n'en pense pas moins.

— Oui madame ! C'est très clair !

La pauvre étudiante qui fendait un sourire gigantesque sur son long visage émacié change d'expression, car mes yeux lancent des flammes. Je m'efforce pourtant de rester zen. Elle se recroqueville et baisse les yeux sur sa feuille, essayant sans doute de se faire oublier. C'est bien qu'elle essaie de participer, mais je suis très irritable aujourd'hui. J'ai reçu ce matin de nouvelles corrections concernant la scène érotique que j'ai écrite et verdic inattendu : tout est à refaire !

— C'est mademoiselle. Maintenant, reprenons, sifflé-je d'un ton sec.

Je replonge ensuite la tête dans la lecture d'un passage du livre que les étudiants de deuxième année sont en train d'analyser, à savoir, Le Rouge Et Le Noir de Stendhal. Ce n'est pas non plus mon auteur préféré, loin de là, mais au moins, ce n'est pas Stephenie Meyer.

Je colle mes fesses contre le rebord de mon bureau tout en lisant, ce qui me permet de me reposer un peu. Ici, il est mal vu de s'asseoir quand on enseigne et, de ce fait, les journées sont longues, très longues.

— Mademoiselle ! En quoi ces deux auteurs diffèrent-ils ?

Une voix grave et, je dois avouer, intriguante, s'élève soudain dans la salle, interrompant ma lecture monotone. Je pose le regard sur l'étudiant qui a pris la parole et attend ma réponse. Il me fixe avec intensité. Ses cheveux arrivent au-dessus de ses épaules, leurs reflets oscillent entre le châtain clair et foncé. Des bras musclés ressortent de son tee-shirt qui est limite trop petit pour lui. Je ne peux empêcher mon regard de vagabonder sur les dessins de son torse sculptural. Une douce chaleur me monte aux joues et bien que j'affiche une mine sérieuse, l'étudiant a dû remarquer mon trouble, car il vient de me faire un clin d'œil et se met à sourire d'un air triomphant. Là, tout de suite, j'aimerais remonter dans le passé, juste de quelques secondes pour m'éviter cette situation humiliante de m'être fait griller en train de mater un mec qui assiste à un de mes cours.

— Je ne comprends pas le sens de votre question, réussis-je à balbutier.

« Tiens-toi droite Morgane ! Redresse les épaules et respire calmement. Voilà, c'est bien. Respire sinon tu vas t'asphyxier et tomber dans les pommes... » Je me donne des consignes mentales pour m'aider, car mon corps réagit de façon bizarre. Heureusement, mon cerveau semble être fonctionnel.

— Même si les deux auteurs viennent d'époques différentes, le sujet de base est une histoire d'amour. Tout auteur écrivant de la romance aujourd'hui, suit donc le chemin logique de l'évolution du romantisme, non ?

La vache ! En plus d'être super mignon, il a de la réflexion, c'est incroyable ! Les cours ont commencé il y a deux mois et je ne l'avais pas remarqué, c'est étrange. Je ne suis pas aveugle à ce point-là quand même ?

— Votre point de vue est fondé, mais ce n'est pas le mien. Après tout, ce genre de sujet ouvre sur des débats.

« Ne bave pas, arrête de bouger la bouche comme le ferait une carpe. C'est toi qui donnes un cours, pas l'inverse alors aies du répondant ! » J'ai l'impression d'être une adolescente se pâmant d'admiration devant un chanteur de boys band, je suis ridicule.

La cloche sonne, mettant fin à cette situation très embarrassante. Je ferme mon livre et me réfugie derrière mon bureau, m'asseyant enfin. Les étudiants partent de la salle en discutant alors que je sors mon manuscrit à corriger. J'ai une heure de pause, ça va me laisser le temps de me pencher dessus.

Au bout de quelques minutes, il n'y a plus de bruit. J'en conclus qu'ils sont tous sortis. Je me lève pour aller fermer la porte à clé pour être tranquille. Je manque de pousser un hurlement quand je redresse la tête. L'étudiant sexy est penché sur mon bureau, sa tête à quelques centimètres de la mienne. Mes yeux se rivent aux siens et mon cœur s'emballe dangereusement, menaçant à chaque instant de sortir de ma poitrine.

— Que voulez-vous ? demandé-je dans un souffle, au prix d'un effort surhumain pour ne pas prendre une voix très aigüe.

— Vous êtes plus jolie de près. Derrière vos lunettes, il est difficile de voir vos yeux quand on est assis là-bas. Mais ici, c'est parfait.

Je suis si abasourdie qu'il me faut plusieurs secondes pour connecter les différentes informations entre elles. Je n'articule qu'un minable :

— Quoi ?

Ce mec canon me drague ? Non, cet étudiant canon me drague, moi, sa professeure ? Je n'ai pas l'habitude de ce genre de choses, je dois me faire des idées, ça ne peut être que ça. Lui, il est calme et continue sans se préoccuper de ma tête choquée :

— J'aimerais vous inviter à boire un verre ce soir après vos cours. Vous finissez à quelle heure ?

Cette fois, je décide de réagir et lâche un grand et ferme :

— NON !

Surpris, il fronce les sourcils. Il faut que je mette les choses au clair et tout de suite sinon la situation risque de déraper. Merde, il ne faudrait pas que mes collègues apprennent ça, de quoi j'aurais l'air, moi ?

— Excusez-moi, jeune homme.

Oui, autant insister sur notre différence d'âge, ça le fera peut-être réfléchir.

— Jesse, je m'appelle Jesse.

Je l'ignore, ne voulant pas me laisser déstabiliser par sa voix envoûtante.

— D'une part, je suis votre enseignante donc je pourrais me faire virer si quelqu'un l'apprenait et d'autre part, vous ne m'intéressez pas !

Bon, la deuxième partie est peut-être fausse, mais il n'a pas besoin de le savoir !

— C'est faux, j'ai vu comment vous me matiez... murmure-t-il en se rapprochant de moi.

Je me recule dans mon fauteuil et lui indique la sortie de la salle, en prenant un air furieux.

— Sortez d'ici maintenant et je passerai l'éponge sur ce qui vient de se passer sinon j'en réfèrerai au directeur.

Il n'insiste pas et tourne les talons, mais au moment de franchir la porte il se retourne et dit :

— Je n'abandonnerai pas aussi facilement. Je vous observe depuis un moment et j'ai vraiment envie de mieux vous connaitre. Vous semblez en valoir la peine.

Sur cette déclaration, il claque la porte, me laissantcomplètement chamboulée.

Troubled [New Romance - Auto-édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant