Chapitre 3

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Le lendemain matin, après une nuit de sommeil agité, je peine à fermer les boutons de mon chemisier en lin aux motifs floraux. Mes doigts sont agités de tremblements intempestifs et mes gestes nerveux, je rage contre ma maladresse. Lorsque j'ai réussi à passer tous les boutons dans leurs trous, je tire un coup sec sur le bas du vêtement pour le lisser une dernière fois.

Mes cheveux, fraîchement coupés de la veille, balaient mes joues d'une douce caresse, m'envoyant le parfum d'argan des produits que la coiffeuse a posés dessus. Je soupire profondément et essaie de masquer mes cernes du mieux que je peux avec du fond de teint. C'est dingue qu'une simple histoire de drague me prenne autant la tête ! Je suis certaine qu'aujourd'hui, lorsque j'aurai remarqué que Jesse sera passé à autre chose, ça me calmera. Lara m'a appelée au moins trois fois depuis que je me suis levée, mais je ne suis pas d'humeur à me prendre des reproches dans la gueule alors que je suis encore à jeun. Je la rappellerai ce soir, après mes cours.

Quand j'arrive dans ma salle de classe, celle-ci est encore vide. J'ai quelques instants de tranquillité avant que la cohue d'étudiants ne débarque. Je n'arrive même plus à me souvenir de ce que j'ai préparé pour aujourd'hui alors je sors toutes mes notes et, tant pis pour la crédibilité, je les lirai. Ça aura au moins le mérite de m'éviter d'avoir de contacts visuels avec une personne en particulier... Ça y est, je me remets à penser à Jesse !

Je sursaute en entendant des gens entrer. Je lève la tête et plaque un sourire factice et professionnel sur mon visage, saluant quelques personnes. Ils s'installent tous dans le calme, en discutant pour la plupart, certains rient. Ça me ramène quelques années en arrière et, à ce souvenir heureux de mes années à l'université, je me détends.

— Bonjour, nous pouvons commencer, annoncé-je d'une voix claire.

J'ai à peine jeté un coup d'œil aux étudiants assis au premier rang que mon cœur rate un battement, avant de se mettre à bondir dans ma poitrine quand je croise le regard sombre de Jesse. Il me fixe avec attention, souriant. Aïe, ça va être deux longues heures. Je déglutis péniblement, détourne le regard avant de me mettre à lire mes notes. Mais ce bref échange visuel a suffi à mettre le feu à mon corps. Je plains les pauvres étudiantes qui le côtoient toute la journée, elle doivent avoir du mal à se concentrer sur les cours avec ce fantasme ambulant qui inonde les lieux de son parfum viril envoûtant.

Je m'efforce de me tenir droite et d'adopter un ton détaché même si j'ai l'impression de bégayer de temps à autre. Ce n'est rien, absolument rien. Rien ne va réussir à me perturber. Des picotements traversent ma nuque alors que je laisse mon esprit divaguer. C'est moi ou Jesse a les yeux rivés sur moi depuis le début du cours ? Je m'assène une violente claque mentale devant ma stupidité. Je suis sa professeure, c'est normal qu'il me regarde ! Forte de ce constat, le reste du cours se passe plutôt bien. Quand la sonnerie retentit, les étudiants viennent poser les dissertations que je leur avais demandé d'écrire pour aujourd'hui sur le bureau. Et bien évidemment, Jesse est le dernier à sortir. Je fais alors semblant d'être absorbée par les corrections de mon roman, dont certaines feuilles sont étalées devant moi. Il va bien finir par s'en aller...

Malheureusement, non seulement il reste, mais en plus il a le culot de passer derrière le bureau et de se pencher au-dessus de moi. Je me tends et jette un coup d'œil affolé vers la porte, espérant que personne ne nous voit. Heureusement, le couloir a l'air vide. Il n'a pas des amis qui l'attendent ?

— Je savais que vous étiez plus chaude que votre apparence le montre... murmure Jesse.

Mince, il a eu le temps de lire le passage érotique. Je sursaute et récupère mes feuilles, dont certaines volent et tombent sur le sol. Je me mets à quatre pattes pour attraper les lambeaux de mon livre.

— De quel droit regardez-vous ce que j'écris ? m'écrié-je, la voix anormalement aigüe.

Il éclate de rire et se baisse à son tour pour ramasser des extraits du roman. Je me sens mise à nu, je ne mêle pas ma vie de romancière avec celle d'enseignante. Dans un élan désespéré, je me jette sur lui avec peut-être un peu trop de force pour lui arracher les papiers des mains, mais, surpris, ça le fait basculer en arrière. Il m'entraîne involontairement dans sa chute, avec une mauvaise coordination de mes points d'appui, à savoir, aucun. Nous nous retrouvons l'un sur l'autre, dans une position des plus déplacée. Je me redresse à califourchon sur lui, les joues rouges. La colère m'envahit et je saisis mes feuilles avec une fébrilité inhabituelle pour moi.

— Mais vous êtes cinglé... grogné-je en le fusillant du regard.

— Hé ! C'est vous qui venez de vous jeter sur moi... C'est du harcèlement sexuel ça, mademoiselle.

Il met ses mains derrière sa tête et bombe le torse. Je suis complètement abasourdie par sa réaction, mais en même temps je crève d'envie de me jeter sur ses lèvres. Je ne fais pas trop d'efforts pour quitter ce corps brûlant, je suis sous le charme et mes mains me démangent.

— C'est de la folie, lancé-je dans un murmure avant de replacer mes cheveux derrière mes oreilles en secouant la tête.

Il se redresse, collant presque son front au mien. Je commence à voir trouble. Il ne manquerait plus que je m'évanouisse sous une impulsion de désir trop violente et soudaine. Mais c'est ce que je ressens. J'ai l'impression d'être dans une mauvaise comédie romantique !

— En attendant, vous êtes toujours sur moi et vos yeux brillent de désir...

Ses deux mains encadrent mon visage, m'emprisonnant et me mettant face à l'absurde réalité : cette situation ne me déplaît absolument pas. Il s'approche, penche légèrement la tête. Je ne rêve pas, il va m'embrasser... S'il le fait, il n'y aura aucun retour en arrière possible. J'ai un mouvement de panique et le gifle. Je profite de sa surprise pour me lever et retourner à mon bureau, derrière ma chaise, m'agrippant fermement au dossier de ma chaise.

— Je vais vous demander de ne jamais recommencer à vous montrer familier avec moi. Dans le cas contraire, je ne vous accepterai plus en cours. Vous n'avez pas l'air de saisir les conséquences que pourrait avoir votre comportement si quelqu'un du corps enseignant venait à imaginer que j'en suis à l'origine.

Ma voix est sèche et ferme. Je ne vais pas gâcher ma carrière pour une amourette avec un étudiant qui a l'air de ne rien prendre au sérieux. Jesse se redresse et son visage devient sérieux. Il réajuste son tee-shirt, mais je ne peux empêcher mes yeux de descendre au niveau de son entre-jambes tendu. Vite, il faut que je me calme, ça me met dans tous mes états.

— Pardon. Je n'avais pas réalisé que je vous mettais en danger.

— Ce n'est rien, je passerai l'éponge si vous en restez là.

Il hoche la tête positivement avant de tourner les talons, sans un mot de plus. Mais c'est déjà trop tard pour moi, mon intimité humide et mon ventre en feu attestent que je suis accro à lui.

Troubled [New Romance - Auto-édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant