Mardi 15 novembre 2142 - 7h du matin - 17 ans 3 mois et 27 jours après la Grande Catastrophe - quartier sud des ruines de Paris.
La brume qui recouvrait Paris ce jour-là était si épaisse que
L'on peinait à voir dehors. Je mis ma combinaison antiparticules blanche par-dessus mes vêtements -un tee-shirt délavé vert pomme et un de mes rares jeans pas trop usé-, fermai la fermeture jusqu'en haut du cou, m'attachai mes cheveux châtains en un chignon grotesque, mis mon masque et mes lunettes protectrices, baissais la capuche de la combinaison sur ma tête -véritable combat pour y faire rentrer mon chignon fait à la va-vite- essayant au maximum de ne laisser aucune ouverture. Ce rituel d'habillement avait lieu chaque matin, avant que je ne sorte dehors en prenant garde à laisser entrer le moins possible de brume dans la maison.En réalité, on ne pouvait pas vraiment appeler ça une maison. C'était constitué des ruines d'une ancienne bâtisse de banlieue, sur lesquelles on avait cloué des planches à la va-vite pour refaire le toi qui manquait par endroits et pour boucher certaines fenêtres cassées, avec l'aide de ruban adhésif. Ça ne ressemblait donc à rien.
Néanmoins, ma mère avait réussi à faire de ce "rien" un habitat étonnamment confortable, malgré la constante pénurie de bougies pour faire de la lumière dans cette maison si sombre à cause du peu de luminosité qui arrivait à franchir tant bien que mal les planches en bois ou le gros ruban adhésif sale et marron.Comme chaque matin, je pris le chemin du lycée, chemin boueux et sinueux où il n'était pas rare de croiser des culs-de-poules. Je me demandais souvent quand la route avait été refaite la dernière fois et il me semblait que c'était avant ma naissance, bien que je n'en sois pas totalement sûre. Ce chemin donc, en plus d'être dangereux pour les chevilles fragiles était aussi particulièrement déprimant, passant devant des maisons toutes plus détruites les unes des autres et pourtant habitées, dans ce quartier encore plus embrumé que les autres, alors à chaque fois, je focalisais mon regard sur les hautes tours de verre et d'acier que le gouvernement avait commencé à construire, autour des ruines de la Tour Eiffel.
Après la Grande Catastrophe qui avait décimé près de 85% de la population mondiale, la seule ville française à avoir subsisté fut Paris.
Les réfugiés français s'étaient donc regroupés là tant bien que mal, rebâtissant rapidement les maisons avec les moyens du bord, c'est-à-dire pas grand-chose.En début d'année 2125, une pluie diluvienne s'était abattue sur la Terre. Rien d'exceptionnel sinon que cela englobait l'ensemble de notre planète. Mais ça, on ne l'a su que plus tard. Pour les français, c'était encore ces "satanées giboulées de mars".
On avait remarqué cependant une particularité à cette pluie : elle était acide, acide à se brûler la peau ou à faire des lésions heureusement peu dangereuses. Les seules personnes à en être mortes furent les personnes âgées, avec une maladie de peau ou encore les nourrissons et les enfants très jeunes.
La pluie a duré. Il y eut des déluges. Des crues. Le niveau des océans, déjà haut à cause des conséquences du dérèglement climatique monta encore brutalement. Les raz-de-marée furent au rendez-vous sur les côtes françaises. Et les ultimes centrales nucléaires qui n'avaient pas encore fermé après l'incident de Blaye firent la même chose que cette dernière : elles explosèrent, créant de nouvelles retombées radioactives dans l'atmosphère dans leurs environs.
Un matin, la pluie avait laissé place à une brume épaisse. Personne ne s'est trop inquiété non plus. Si ce n'était pour les radiations autour. La brume était un phénomène météorologique des plus communs. Jusqu'à ce qu'une personne vivant dans une zone pour l'instant épargnée des radiations sorte dehors en tee-shirt et inspire l'air frais. Et qu'elle meure.
On apprit plus tard que cette brume était constituée de particules extrêmement dangereuses qui une fois infiltrées dans l'organisme prennent possession de tes poumons, tout comme le tristement célèbre monoxyde de carbone et du cerveau, sans compter que ça irritait tellement la peau qu'il y avait une impression de brûlure, tout comme la pluie le faisait.
Les premiers symptômes montraient des difficultés à respirer, un délire cognitif inquiétant et des plaques rouges, presque violacées qui apparaissaient sur le corps de la malheureuse victime. Les symptômes s'intensifient et en quelques jours, ou pire, quelques heures, c'est la mort. Et il n'y avait aucun remède.De nombreuses personnes furent décédées ainsi avant que le gouvernement ne prenne des mesures pour le moins drastiques. Interdiction de sortir de chez soi sans combinaison intégrale, se barricader, etc.
Certains ont accusé le réchauffement climatique et le Meitnium d'être les causes de cette pluie diluvienne et de la brume qui lui a succédé. D'après certains scientifiques, c'était effectivement le cas et ils qualifiaient ce phénomène "d'une crise écologique sans précédent ". Cependant rien n'était vraiment prouvé. En réalité personne ne savait rien, on ne faisait que supposer. La brume restait un grand mystère.De plus, téléphones, télévisions et autres gadgets connectés ou électroniques devinrent inutiles. D'une part, avec la brume la communication, le réseau et internet ne passaient plus et d'autres part, les particules de la brume abîmaient les composants. Seuls sont restés les vieux postes de radio qui marchaient une fois sur dix et le télégramme que le gouvernement avait remis en place. La communication n'en fut que plus difficile, les journaux disparurent quasiment tous à part les communiqués officiels de l'état qui durent les remplacer.
À présent, l'unique rêve de nombreuses personnes était de revoir un jour la couleur si bleue du ciel -si elle existait encore-.
Quand à moi et de nombreux autres jeunes, tout ce qu'on aimerait, c'était d'arrêter de risquer notre vie chaque jour en sortant dehors, c'était de rêver d'un monde baigné par le soleil, d'un monde sans brume finalement ainsi que d'imaginer la couleur du ciel, nous qui ne l'avions jamais vue.
Ainsi c'était notre monde, le monde que les anciens nous avaient laissé. Un monde avec a priori aucun espoir de retourner à une vie normale. Un monde en ruine.
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Dans la brume [EN PAUSE]
Science Fiction[En pause pour remaniement de l'intrigue] Une brume mortelle s'est abattue sur la Terre. Paris est la seule ville survivante de France, même si elle n'est plus que ruines. Cela fait 17 ans à présent que la brume est devenue le quotidien des habitant...