Home, sweet home !

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- Maman, je suis rentrée !

Je refermai la porte de notre maison délicatement en évitant au maximum que la brume ne s'infiltre à l'intérieur même si je savais pertinemment que quoique je fasse, des particules rentreraient quand même. On nous l'avait assez répété en cours. Dans certaines riches demeures, il arrivait que les gens, en plus d'arriver à réparer leur maison, installent un sas de purification pour filtrer l'air mais rare étaient ceux qui le pouvaient et nous n'en faisions certainement pas parti.
Alors que j'enlevais ma combinaison, ma mère vint m'accueillir en toussotant dans un mouchoir.

Sa toux nous inquiétait. Il était évident que, baignant dans la brume, nous toussions tous un peu, mais pour ma mère, cela devenait de plus en plus fréquent. Tant qu'elle avait encore toute sa tête et pas de taches étranges sur son corps, j'imagine que je pouvais me détendre. Mais nous n'avions rien pour contrer cette toux menaçante. Ma mère était en sursis. Je le savais et elle aussi.

On se regarda sans dire un mot, juste un sourire de ma part, avant que ma mère ne rompe le silence :

- Donne-moi ta combi crevette et va te doucher pendant que je prépare à manger. Tu as passé une bonne journée ?

Elle me disait toujours la même chose quand je rentrais et ma réponse était toujours la même : j'opinais simplement du chef avant de demander :

- Tu as chauffé de l'eau ?

C'est là que la réponse pouvait varier. Aujourd'hui ma mère regarda vers le plafond comme pour invoquer une quelconque divinité avant de déclarer :

- Oui. Dieu merci on vient de nous livrer notre ration hebdomadaire de bois. Tu peux te laver sans claquer des dents.

Parfois sa réponse était tout autre : elle pouvait me regarder d'un air désolé en disant qu'il n'y avait plus de bois où simplement me dire "il nous reste du bois mais je n'ai pas eu le temps de chauffer quoique ce soit encore, tu peux t'en occuper ?" tout en faisant les yeux doux.
Là donc, je la remerciai avant de filer dans la salle de bain.
En rentrant je me retrouvai nez à nez avec un bac d'eau d'où s'échappaient de délicats volutes de vapeur. J'esquissai un sourire et me déshabillai sans plus attendre avant de plonger dans cette eau presque trop chaude.

Hormis la première sensation désagréable qu'on pouvait ressentir en plongeant dans de l'eau chaude, ce picotement si singulier qui rougissait instantanément la peau, je m'y sentis rapidement à l'aise.

Quel plaisir c'était que de prendre un bain chaud ! Après une journée d'automne ou même la combinaison antiparticules ne suffisait pas à nous réchauffer, que ça faisait du bien d'enfin ne plus frissonner de froid !
Dans ces moments-là, dans l'eau, j'étais persuadée qu'on pouvait tout oublier : la brume, cette épée de Damoclès au-dessus de notre tête, les ruines qui nous servaient de maisons, les nombreux morts au compteur qui nous faisaient tous pâlir de peur, ce soleil presque fantôme... le ciel inconnu...

Je m'enfonçai un peu plus dans l'eau pour mouiller mon visage et mes cheveux. Encore une fois, je ressentis cette sensation de brûlure mais elle ne fut que secondaire. Je pris le savon à côté du bac, et tout en essayant tant bien que mal de l'empêcher de glisser de mes mains, je le fis mousser entre mes doigts, avant de savonner mon corps à son tour.

Flâner dans un bain faisait partie de mes occupations favorites. Rien n'était plus agréable que de sentir l'eau qui s'évaporait glisser sur son visage.

Mais comme toutes les bonnes choses ont une fin, environ une demi-heure après mon entrée dans celui-ci, ma mère frappa à la porte de la salle de bain pour m'indiquer qu'on allait passer à table dans les plus brefs délais.
J'abandonnai donc à regret l'eau chaude, pris une serviette afin de me sécher, puis ensuite, enfilai mon pyjama rapidement avant de sortir de la salle de bain.

Les rationnements étant toujours plus nombreux, ma mère devait constamment redoubler d'ingéniosité pour faire des plats qu'elle jugeait assez convenables, tout en tenant compte de nos maigres réserves qui devaient tenir la semaine. Le pire restant l'eau potable, les principales nappes souterraines étant infectées par des pluies acides, l'eau à l'extérieur imbuvable en raison de la brume, et qui coûtait extrêmement cher à filtrer ; chose que l'Etat pouvait difficilement se permettre.
Les habitants, nous compris, possédaient chacun un petit filtreur pour nettoyer l'eau du bain et le gouvernement nous donnait chaque semaine 8 bouteilles de un litre, et c'était à nous de gérer notre consommation.
Ainsi, pour nettoyer la vaisselle ou faire la lessive, on utilisait une sorte de gel nettoyant, qui marchait plus ou moins bien. Pour le gras des casseroles par exemple, c'était une catastrophe.

Il y avait des jours, surtout en fin de semaine, où nous avions juste mangé du pain avec un fond de verre d'eau. Ce qui n'était donc pas le ça aujourd'hui, et qui permis ainsi à ma mère de faire une soupe dont je sentis le délicat fumet dès que je passai le pas de la porte de la salle de bain, l'odeur ayant déjà empli tout le couloir. Ça prévoyait un repas alléchant.

La soupe fut en effet délicieuse.
Pendant que je la degustais à grandes cuillerées, j'en profitai pour demander à ma mère :

- Maman, si du jour au lendemain le gouvernement déclarait remettre en place les centrales nucléaires simples et NG, quelle serait ta réaction ?
- J'en penserais que c'est une des plus grandes stupidités jamais faite par l'Etat, vu comment ça a fini la dernière fois, mais en attendant je ne pourrais pas faire grand-chose. Néanmoins, je pense qu'ils les reouvriraient pour une bonne raison, donc j'attendrais de voir avant de m'insurger.

Je levais les yeux au ciel. Le sous-entendu était clair. Elle savait pour les centrales aussi et me recommendait la plus grande prudence ainsi que des actes réfléchis.

- Oh allez, manifester dans les rues contre ça n'a jamais tué personne.

Elle me regarda d'un œil noir.

- Bien sûr que si, ce n'était juste pas relayé par les médias. Et maintenant avec la brume ça doit être encore plus dangereux.

Je n'osai pas aller plus loin dans ma réflexion, d'autant plus qu'elle n'avait pas vraiment tort.
De plus, notre pauvre petite lutte semblait n'avoir aucun espoir. Que pouvait une poignée d'adolescents contre le système ? Pas grand-chose apparemment. Voilà probablement pourquoi Amly avait renoncé dès le début. Elle était réaliste et devait avoir autre chose à ce préoccuper que ceci. Ma mère, vraisemblablement pensait pareil. Il valait mieux abandonner et rester en sécurité. Attendre de voir ce qu'il aller en être. Et agir en conséquence.

Mais je me refusais à penser à cette option. Il fallait stopper la catastrophe avant qu'elle ne commence. Le passé nou l'avait bien appris.
J'en étais certaine, on pouvait faire quelque chose. C'est justement parce que personne n'avait encore élevé la voix que le gouvernement pensait avoir gagné. Mais nous élèverons la notre. Et lui montrerons son erreur. Nous ferons quelque chose pour empêcher ce qui ce profitait lentement.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 28, 2022 ⏰

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Dans la brume [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant