Le lycée, bâtiment relativement neuf, en briquettes rouges et aux larges fenêtres, était particulièrement calme aujourd'hui. Quoique, il était toujours relativement silencieux, car peu d'élèves ayant passé leurs seize ans continuaient d'aller en cours. Nuls ne savait ce qu'ils devenaient. Ils pouvaient très bien être morts tout comme ils pouvaient avoir trouvé un travail quelconque. Qu'importe, une fois qu'ils ne venaient plus au lycée, on n'avait plus aucune nouvelle d'eux.
Alors que j'essayais tant bien que mal de faire rentrer ma combinaison dans un casier prévu à cet effet, m'empêtrant au passage dans les manches et la capuche, je sentis une main se poser sur mon épaule. Je tournai rapidement ma tête et me retrouvai en face de celle de Zoran, mon plus vieil ami, parsemé de taches de rousseur discrètes, des mèches blondes tombant devant ses yeux bleu ciel. Zoran avait cette immense qualité de ne jamais être prétentieux, qu'importe la situation, alors qu'il était pourtant bourré de talent, que ce soit sa lucidité, son intuition artistique et j'en passe.
- Hé Herma tu seras là ce soir chez Jude ?
- Évidemment que je serai là. Comme tous les soirs je te ferais remarquer.
- Alors c'est pas tout à fait vrai mais bref. On a appris une nouvelle qui est plutôt... mauvaise. On en parle ce soir.
- Ok. De toute façon on y va ensemble chez Jude non ?
- Bien sûr, comme tous les soirs, dit Zoran avec un clin d'œil. Je t'attendrai au portail.Cette "nouvelle" m'intriguait. Je voulus questionner Zoran à ce sujet, mais ce dernier fila avant que je n'ai pu demander quoi que ce soit.
Ainsi, je n'avais plus qu'à attendre la fin de la journée. Et malheureusement pour moi, je n'ai jamais été très patiente. Mais il fallait pourtant bien que je tienne jusqu'à ce soir, et ne croisant presque jamais Zoran dans les couloirs, je n'avais pas possibilité de savoir avant.
Je soupirai puis me dirigeai vers les escaliers que j'entrepris de monter jusqu'au premier étage pour me rendre en mathématiques. L'avantage de cette matière, c'est que pendant qu'on jonglait avec les chiffres, les lettres sorties de nul part et les propriétés complexes, on ne pouvait penser à rien d'autre. Et c'est absolument ça qu'il me fallait pour oublier l'annonce prochaine de Zoran qui aurait pu me torturer toute la journée.***
La fin des cours sonna enfin. J'étais lessivée. On ne nous ménageait pas sur le travail, ni sur les devoirs. Je me demandais quand j'aurais le temps de les faire. Mine de rien, les rendez-vous quotidiens chez Jude avaient un impact sur le lycée.
Je rangeai mes affaires et sortis de la salle de cours pour redescendre au rez-de-chaussée récupérer mes affaires. En ouvrant mon casier, je me pris ma combinaison qui me fit trébucher. Je repris rapidement l'équilibre en me cramponnant à la porte métallique du casier, non sans quelques jurons et enfilai rapidement ma combinaison. J'étais ainsi prête à suivre la foule d'élève qui quittait le hall en cherchant des yeux Zoran qui devait être près du portail en fer rouillé, dont subsistait encore quelques éclats de peinture ocre, vestiges d'un passé probablement prestigieux.
Après l'avoir aperçu, je me dirigeai vers lui et il m'accueillit avec d'amples gestes de la part de ses bras et comme toujours, un grand sourire aux lèvres.***
Jude habitait dans un quartier peu habité à la frontière des ruines, près du bois de Vincennes, une des rares forêts qui existait encore. Malgré son apparence desséchée et ses arbres squelettiques, on remarquait un sol moussu, quelques rares feuilles d'un vert délavé aux branches des arbres, et en automne, on pouvait parfois croiser des champignons.
On rentra dans le jardin de la maison de Jude, complètement inutile car il n'y avait rien à part une terre noire et trois brins d'herbes. Le jardin entourait une ruine plus grande que la mienne par sa présence d'étages, avec un plus grand nombre de fenêtres potables et donc un habitat mieux entretenu, avec peu de planches qui cloisonnaient les murs, le toit avait encore de nombreuses tuiles si bien qu'on avait du mal à croire que cet habitat soit une ruine avant d'être une maison.
On marcha jusqu'au perron et Zoran frappa à la porte pour prévenir de notre arrivée avant de rentrer.- Attention aux particules ! Cria la mère en nous entendant rentrer.
C'était une phrase devenue typique que les gens disaient quand quelqu'un venait chez eux.
- N'ayez crainte madame, nous contrôlons la situation, rigola Zoran.
Sa mère, femme de petite taille mais pétillante de vie, ses longs cheveux bruns retombant sur ses épaules vint vers nous tout en s'essuyant les mains sur un vieux torchon.
- Oh toi alors ! Allez déchaussez-vous et posez vos combinaisons sur le portemanteau de l'entrée, Jude vous attend au grenier, comme d'habitude.
On s'exécuta avant de monter les marches bancales et grinçantes qui menaient d'abord à l'étage et puis au grenier. En nous voyant passer l'entrée légèrement penchée, Jude nous accueillit en nous sautant littéralement dessus.
- Les amis ! Vous êtes venus !
- Mais, suffoquai-je sous l'emprise des bras serrés contre moi de mon ami, mais... comme tous les soirs Ju.
- Nope Herma. On ne s'était pas vu depuis les vacances rappelle-toi. Enfin bon, nous allons bientôt pouvoir commencer notre séance quotidienne d'informations et de débats amicaux !Mes yeux parcoururent rapidement la pièce sombre et poussiéreuse, simplement éclairée par une lanterne.
Amly était déjà là, adossée à un des nombreux cartons qu'on pouvait trouver dans la cave, en train d'enrouler une de ses mèches châtain foncé et regardait le plafond l'air absent.
Tohz, "l'aîné" du groupe dont une barbe naissante rousse commençait à picorer le menton de son visage ovale et Gam, un garçon discret, de taille modeste, aux cheveux châtains contrastant avec ses yeux verts jouaient aux cartes pour passer le temps.
Nous n'étions pas les derniers, il manquait encore des personnes.- Où sont les autres ? Demanda Zoran avant que je n'ai eu le temps d'ouvrir la bouche pour le faire remarquer.
- En retard sans doute, comme d'habitude, bailla Jude pour toute réponse, mais prenez place !J'allai m'assoir à côté d'Amly qui, me voyant, sortit de sa torpeur pour me saluer d'une inclinaison de sa tête en souriant. Je lui rendis son sourire.
Zoran lui, alla ébouriffer les cheveux des deux garçons qui furent interrompus dans leur partie de ce que je présumais être de la belote, avant de s'asseoir lui aussi. On commença à discuter avec entrain de tout et de rien en attendant l'arrivée de nos chers retardataires.Ceux-ci ne tardèrent pas et arrivèrent peu après, essoufflés. Josch remettait des mèches folles de ses cheveux bruns derrière ses oreilles. Il avait des yeux gris, une stature imposante, et un visage anguleux. Il était suivi par Luzia, une fille timide et plutôt grande aux longs et doux cheveux blond vénitien qu'elle avait tressé en deux tresses collées de chaque côté de son visage. Son nez était parsemé de taches de rousseurs qui remontaient jusqu'à ses yeux bleu foncé qui ressortaient tout particulièrement sur son teint pâle.
Juste derrière, il y avait Exy, dont on connaissait surtout le tempérament explosif, petite de taille mais grande d'esprit, aux yeux bleu électrique et aux cheveux blond foncé et ondulés.- Ex... excusez notre retard, commença Josch, nous étions...
- Peu importe, coupa Jude, asseyez-vous donc chers voyageurs égarés dans nos tendres contrées brumeuses !Je levai les yeux aux ciel pendant que Amly pouffait de rire. Les personnes debout entreprirent de s'installer dans un coin tandis que Jude s'éclaircissait la voix.
- Hum, hum, bien, chers confrères, chères consœurs, je déclare officiellement ouverte notre... hum... je-sais-plus-combientième séance quotidienne d'informations et de débats amicaux !
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Dans la brume [EN PAUSE]
Science Fiction[En pause pour remaniement de l'intrigue] Une brume mortelle s'est abattue sur la Terre. Paris est la seule ville survivante de France, même si elle n'est plus que ruines. Cela fait 17 ans à présent que la brume est devenue le quotidien des habitant...