Bienveillance [Un recueil]

Dimanche

Écrit dans le cadre de « APPEL À TOUS COVID-19 – En isolement » lancé par La Presse le 22 mars 2020, section DÉBATS.

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Vivre en confinement ainsi, c'est étrange. La manière la plus simple de le mettre est que j'ai l'impression de vivre en boucle la même journée, encore et encore.

Je comprends que je participe à l'effort collectif en restant chez moi et cela me remplit de fierté. Cependant, je ne peux pas m'empêcher de ressentir un poids sur ma poitrine qui m'empêche de respirer librement.

Je n'ai pourtant aucune raison de me sentir si déprimée. Je suis étudiante, et même si les cégeps rouvriront en ligne dans peu de temps, j'ai la chance de prendre du temps pour me relaxer un peu. J'ai la chance de vivre chez mes parents, alors perdre mon emploi n'a pas été si grave pour moi. Je regarde les gens autour de moi paniquer, mais ils me semblent tellement loin, comme un rêve flou que je ne peux atteindre.

Alors, pourquoi cette morosité? Pourquoi ressens-je cette angoisse profonde qui prend racine dans ma poitrine? Hier, il neigeait à ma fenêtre; c'était féerique. Pourtant, j'étais incapable d'apprécier la beauté de ce paysage urbain. Pourquoi? J'étais là, avec un livre et une tisane bien chaude. Pourtant, cette aisance tranquille prenait le goût d'un fruit empoisonné.

Je crois avoir trouvé une réponse. Cette journée qui recommence depuis le 12 mars, c'est dimanche. Je déteste les dimanches. J'ai l'impression que Dimanche m'oppresse, qu'il m'écrase du haut de son calendrier. Il annonce habituellement le retour à l'école ou au travail. C'est le retour de la routine, des matins encore sombres avant que le soleil ne se lève, le retour au travail que nous n'aimons pas toujours. Comme beaucoup d'étudiants, c'est aussi le jour où nous nous réveillons enfin avec cette pile d'études et de projets qui nous surplombent, où nous réalisions que des dates butoirs s'approchent rapidement et que notre préparation traîne malheureusement de la patte. Même si ce n'est pas à remettre le lendemain, l'angoisse de ne pas savoir ce que la semaine nous réserve nous force à essayer d'entamer quelque chose.

Est-ce que cela vous sonne familier?

Chaque jour, c'est dimanche. Des dates de remises floues, proches, mais éloignées qui nous narguent; et Dimanche nous regarde en riant avec toute l'anxiété qui l'accompagne. En attendant enfin l'annonce de quelque chose de certain à inscrire dans mon calendrier, Dimanche continuera à prendre le contrôle de mon corps et de ma tête... et je ne serai qu'un énième pantin désarticulé, cherchant des réponses à des questions sans issue.