Vingt-neuf jours

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— En combien de temps tombe-t-on amoureux, tu penses ? me demande Evan.

Sa question me prend au dépourvu. Je me tourne vers lui et le regarde dans les yeux.

En combien de temps suis-je tombée amoureuse de toi, veux-tu me demander inconsciemment ?

Je te connais d'aussi loin que remontent mes souvenirs. Et je crois que je t'aime depuis le tout début. La question n'est pas tant relative au temps qu'à la prise de conscience que nous ressentons ce genre d'émotion pour une personne.

Je me rappelle du premier matin. Je me sentais plus légère à l'idée de te rejoindre, de te parler, de marcher à tes côtés. Pourtant, il s'agissait d'un jour comme nous en avions vécu beaucoup et que nous allions vivre encore davantage. Le sourire naissait plus facilement et rapidement sur mes lèvres.

Quand je suis sortie de chez moi et que je t'ai vu m'attendre, le monde semblait plus en couleur. Tout était plus beau, plus lumineux. Tu étais plus resplendissant.

J'avais mis ça sur le compte de ma bonne humeur.

Puis cette humeur est restée un jour, deux jours, une semaine.

J'appréciais chaque seconde passée avec toi. J'allais jusqu'à regretter chaque au revoir. J'adorais chaque bonjour. Je ne comprenais pas ces émotions pourtant si basiques mais d'autant plus intenses.

Je crois que j'ai commencé à le réaliser quand je t'ai vu avec elle. Elle était plus belle que moi, plus amusante, plus intéressante. Plus tout.

J'ai senti mon cœur se déchirer, j'étais à la fois triste et énervée contre toi. J'avais peur que tu m'oublies, que tu me remplaces.

Je m'étais disputée avec toi sans raison, juste pour avoir ton attention, juste pour que tu me regardes. Ce conflit avait duré bien plus longtemps que tous ceux passés.

Et puis un matin, tu étais revenu me chercher devant ma porte. J'avais pleuré. Tu m'avais pris dans tes bras. Je me souviendrais toujours de ce contact. Ta peau contre la mienne m'avait déclenché une sensibilité étrangère.

Mon cœur s'était accéléré derrière ma poitrine, je sentais le rythme qui pulsait dans mes veines. Tes cheveux chatouillaient mon visage, ton parfum devenait mon air, ta peau était du satin. Et ta voix est celle que j'entends encore dans mes rêves.

Alors je me suis remise en question. Tu étais mon meilleur ami, celui que j'avais toujours connu. J'avais peur. J'étais terrifiée de ce sentiment. Terrifiée de tout envoyer en l'air. Terrifiée de te perdre à jamais.

À partir de ce jour-là, j'ai soudoyé mon cœur, je me suis créée des mensonges pour faire comme si tout était comme avant.

Mais rien ne serait comme avant. Je savais que j'étais tombée amoureuse de toi. Tout ça durant un nombre spécifique de jours.

Et je garde au plus près de mon cœur cet amour, acceptant que tu ne l'éprouves peut-être pas. Chérissant cette proximité que nous avons toujours eue, même si elle me détruira un jour.

Je sais bien que « offrir l'amitié à qui veut l'amour, c'est donner du pain à qui meurt de soif ». Cependant, rester à tes côtés est tout ce qui importe pour l'instant.

Alors je réponds avec toute la sincérité qui m'anime et muni d'un sourire qui transporte toute la tendresse que j'éprouve pour toi :

— Vingt-neuf jours.

Tu me regardes avec un air presque surpris avant d'éclater d'un rire grave, dont toi seul a le secret, en basculant la tête en arrière.

Ce concours de circonstances est ce qui fait que je t'aime d'autant plus fort qu'avant et d'autant plus différemment. J'ai compris que tous ces petits détails étaient l'essence même de ce sentiment qui naît dans mon corps.

Et à cet instant précis, je ne sais pas encore que j'ai ton cœur depuis aussi longtemps que tu as le mien.

De maux et de l'êtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant