Épisode 27: LE WOOD-WIDE-WEB CLAUSTÉRIEN partie 2

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Un homme se présenta inopinément au bureau de Mme Murdoch. Elle leva les yeux quelque peu irritée par le manque de filtrage dans la circulation des couloirs de l'édifice THE COMPANY.

— On peut vous aider Monsieur ? dit-elle sèchement.

— Auriez-vous la gentillesse de m'annoncer ? commença-t-il avec complaisance. Domenico San Vergno 11, prétendant au trône d'Italie issu d'une tige de la Casa Savoia, promoteur des Galeries Victor-Emmanuel de Milan et représentant de l'Alliance Noblesse et Royauté. Je n'ai que quelques minutes à ma disposition et il est impératif que je m'entretienne avec M. Pierson immédiatement.

Le titre de noblesse étiré à outrance n'impressionna guère Mme Murdoch.

— M. San Vergno... Malheureusement, je ne peux vous annoncer. Le nom San Vergno n'apparaît pas dans l'agenda de M. Pierson aujourd'hui.

— Je comprends. Par contre, j'ai un rutabaga, sourit-il en déposant le légume racine sur le bureau de la secrétaire.

— Veuillez me suivre, dit-elle sans hésiter.

....

Justin observait par la fenêtre lorsque Mme Murdoch entra dans son bureau en coup de vent. Il fit pivoter sa chaise de 180˚ pour faire front à l'intrusion et lança un regard interrogateur à sa secrétaire. Elle lui montra le rutabaga avec empressement. Bien qu'iI ne saisit à fond la portée du signal, il accommoda le visiteur imprévu.

— Merci Mme Murdoch. Vous pouvez disposer, lui dit-il.

Justin fit tourner son cerveau à cent mille tours alors que Domenico San Vergno lui tendit la main droite et lui serra le coude droit de l'autre. Au contact, une image de cet homme en parachute émergea. La mission sur laquelle ils avaient collaboré se déflouta dans sa mémoire .

Sous l'œil de caméras de surveillance, un inspecteur de machinerie débarqué de Moscou traversa l'usine de papier hygiénique et se faufila mine de rien dans une aile très peu achalandée de l'édifice. Une carte mentale le guida jusqu'aux bureaux des services de renseignements où Zena Moldovich passait ses journées à analyser des conversations électroniques entre des individus ciblés.

L'homme présenta son badge devant le système de contrôle d'accès et pénétra sans problème. Il repéra Zena et lui donna le signal. Lorsqu'elle comprit qu'elle serait prise en charge par ce quadragénaire obèse et essoufflé, elle eut une envie de renoncer à sa défection. Cette homme qui allait l'extirper de son milieu opprimant semblait sortir d'une boîte à surprise. Sa démarche en pieds de canard et sa manie de s'éponger le front sans relâche étaient peu encourageantes. Elle avait accepté de fournir de l'information banale qu'une organisation canadienne considérait précieuse en échange de sa liberté. Devait-elle fuir avec ce bouffon ou le dénoncer ? Si l'opération échouait, son gouvernement ne lui pardonnerait jamais l'incartade.

Une alarme sonna et tout l'éclairage passa au rouge clignotant. Elle n'avait plus le choix. On avait décelé le bris de sécurité et on la saurait transfuge. Des hommes armés ne tarderaient à se pointer.

Zena... suivez-moi.

Les deux filèrent à toute allure.

À la sortie de l'usine, Zena fut surprise de constater qu'aucun véhicule ne les attendait. Le cerveau derrière cette opération bifurqua vers la forêt. À contre-cœur, elle emboîta le pas.

Les deux coururent un bon moment à travers un terrain accidenté tout en se faisant fouetter à répétition par des branches d'arbustes dérangés dans leur quiétude florale.

OPÉRATION CARAL 2052Où les histoires vivent. Découvrez maintenant