Chapitre 1

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"Il n'y pas d'âge pour ré-apprendre à vivre. On dirait même qu'on ne fait que ça, toute sa vie. Repartir. Recommencer. Respirer à nouveau. Comme si on n'apprenait jamais rien de l'existence sauf parfois, une caractéristique de soi-même."

Françoise Sagan, bonjour tristesse

6 mois plus tôt en France

Astride

Je finis de taper à l'ordinateur un rapport que je dois transmettre au juge avant ce soir. Une sordide affaire de mari violent et père abuseur qui demande des droits de garde pour sa fille âgée de huit ans, victime de ses agissements. Mon travail me fait voir ce que la nature humaine a de plus glauque, trash et de plus noire mais il m'apporte aussi le sourire d'un enfant. La capacité d'adaptation et de résilience des enfants m'impressionnera toujours, les enfants ont en eux une force que peu d'hommes adultes possèdent, mais ils ont besoin de repère et d'amour pour s'épanouir.

Je lève les yeux de mon écran, me masse les tempes et observe mon bureau. Je le partage avec deux collègues et amies. Elles sont absentes en ce moment Laura est partie en voyage de noces pour un mois et Chloé pouponne sa princesse et ne revient que dans deux mois. Je suis seule et je croule sous le travail car bien évidemment mes collègues ne sont pas remplacées. Pourquoi faire ? On bosse à moyens constants ou avec encore moins mais jamais plus.

Tout en écoutant de la musique, je regarde la déco de notre bureau aux murs défraîchis voire décrépis. Des dessins offerts par nos jeunes suivis, des affiches de rock au dessus de l'espace de travail de Laura et au dessus du mien une carte des États-Unis, nous avons aussi installé une cafetière pour ne plus avoir à sortir du bureau quand on est en manque de carburant. Mon chef passe la tête à travers la porte de mon bureau toujours ouverte, il me surprend en train de chanter « les brunes comptent pas pour des prunes » de Lio avec mon agrafeuse en guise de micro, j'ai profité de l'absence de mes collègues pour me faire toute la collection des années 80. Il secoue la tête avec un sourire non dissimulé.

- Astride tu peux venir dans mon bureau s'il te plaît ?

Quelle connerie j'ai bien pu faire encore ? Ce n'est pas professionnel ça je le sais mais mon caractère un peu, bon d'accord disons-le carrément folle dingue et mon franc parler m'ont déjà valu quelques remontrances, je suis quelqu'un de professionnelle et serviable mais il faut pas pousser mémé dans les orties et quand on me prend pour une conne je mords facilement. Je réfléchis en me dirigeant vers son bureau mais rien ne me vient à l'esprit en ce moment je n'ai rien à me reprocher enfin je crois.

- Philippe qu'est-ce que j'ai encore fait ? Ou plutôt qu'as-tu à me reprocher, je questionne en entrant dans son bureau sans m'être annoncée au préalable. Des fois je me dis que je prends trop mes aises.

Philippe est un chef plutôt cool et compétent âgé d'une cinquantaine d'années, il s'est rapidement habitué à mon caractère et semble l'apprécier. Des fois il me fait penser à un coq dans une basse cour car en temps que service social 95% du personnel est féminin. Y a pas à dire ça manque de mecs, ce n'est pas dans mon boulot que je rencontrerai l'homme de ma vie, heureusement que je ne le cherche pas particulièrement. A ce moment là je me rends compte qu'il n'est pas seul. Un autre type en costard cravate est assis face à lui, une tasse de café à la main. Et merde, mon chef lève les yeux au ciel en soufflant.

- Astride vient t'asseoir je te présente Monsieur Sinclair mon homologue dans un service identique au notre aux États-Unis.

- Bonjour enchantée dis-je en m'adressant à lui dans un anglais parfait.

Le fait d'avoir un géniteur américain qui ne communique que par webcam et qui a toujours refusé d'apprendre le français m'a obligé rapidement à maîtriser cette langue.

To run away [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant