Il était une fois

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PDV EMMY

Emmy n'était pas du matin. Elle ne l'avait jamais été. C'était bien la raison pour laquelle elle était heureuse d'avoir une chambre individuelle à l'internat du Pôle France de Gymnastique où elle était entrée dès sa 6ème. 

À l'époque, elle pleurait toutes les nuits, ayant dû partir loin de sa famille pour suivre ses rêves. Jusqu'alors elle vivait seule avec sa mère, son père étant décédé alors qu'elle était très jeune. Elle n'avait pas compris pourquoi sa mère avait soudainement insisté pour qu'elle entre en pôle. D'ailleurs elle lui en avait voulu de l'envoyer si loin de tout. Elle s'était aussi inquiétée de la solitude dans laquelle se retrouverait sa mère une fois qu'elle aurait intégré le pôle, mais elle avait très vite appris que sa mère avait quelqu'un de nouveau dans sa vie, qui avait des enfants.

 Finalement, sa mère n'avait jamais été moins seule que depuis qu'Emmy était partie. 

Maintenant elle comprenait pourquoi sa mère avait voulu qu'elle entre en Pôle. C'était pour son bien. Elle voulait que sa fille réalise ses rêves, même si elle devait faire des sacrifices pour cela. Emmy lui en était reconnaissante. C'était avec l'envie de rendre sa mère fière qu'elle traversait toutes les difficultés imposées par le sport à haut niveau.
Elle n'avait jamais été très bonne en gym au final, mais elle s'accrochait pour sa mère. Enfin, elle méritait largement sa place au Pôle bien sûr, mais elle n'avait pas de grâce incarnée ou de talent naturel comme la plupart. Elle devait travailler deux fois plus pour réussir les mêmes éléments.

La fédération devait être du même avis puisque toutes les séniors "représentants un espoir olympique" étaient actuellement en stage aux États-Unis tandis qu'elle n'avait pas été invité. Il leur restait un dernier test à passer pour former l'équipe de France pour les prochains Jeux Olympiques et elles n'étaient que trois à ne pas s'entraîner de l'autre côté de l'Atlantique. Elle, Eva et Louise.

Eva était dans le même cas qu'elle, à savoir qu'elle ne représentait apparemment pas assez bien les couleurs de la France pour que la Fédération lui suggère le voyage aux USA avec les autres. À vrai dire, il y avait bien une grande différence avec Emmy : leur état d'esprit. Si Emmy avait été bouleversée de ne pas voir son nom sur la listes pour l'Amérique, Eva avait trouvé un moyen de relativiser. Comme elle le faisait toujours. Il semblait que rien ne pouvait réellement l'atteindre.

Louise quant à elle ne manquait pas de talent mais de forme physique. Elle souffrait d'une blessure depuis plusieurs mois et, bien qu'elle n'allait pas tarder à pouvoir reprendre, la Fédération lui avait également épargné le stage.

Voilà donc comment elles se retrouvaient à 3 autour d'une table énorme, devant un petit déjeuner qu'elles ne connaissaient que trop bien, à discuter d'espoirs olympiques dont elles ne verraient même pas les couleurs.

- Tu reprends aujourd'hui ?, demanda Éva à Louise d'une voix beaucoup trop enjouée pour un matin.

Emmy tentait de se faire oublier dans son bol de céréales. Elle détestait vraiment les matins.

- Non, demain ! J'ai vraiment hâte, j'en ai marre de faire de la muscu et des assouplissements, plaisanta Louise.

Emmy se força à intégrer la conversation pour passer le temps et très vite, il fut l'heure de rejoindre le gymnase. Elles firent l'échauffement habituel, suivi de quelques étirements.

Leurs deux entraîneurs leur firent un discours en vue du test puis elles rejoignirent les agrès. Emmy commença par la poutre. Elle travaillait ses onodies depuis quelques temps et espérait réussir à le passer sur grand poutre seule. Elle se mit rapidement en confiance en faisant quelques saut puis un salto arrière. À sa réception, elle sentit la poutre s'enfoncer de quelques centimètres la déséquilibrant. Étonnée, elle sauta à terre et examina l'agrès, avant de comprendre qu'elle était mal serrée. Ce n'était jamais arrivé auparavant. Elle entreprit donc de la resserrer et sa coach la rejoignit. Emmy fut soulagée de voir que c'était elle. 

Son entraîneuse, Dorine, était la mère de Louise. Emmy la considérait également comme une seconde mère. Depuis son entrée en pôle c'est elle qui avait toujours été présente,   bien plus que sa véritable mère.
Leur second coach, Frank, était un entraîneur qu'Emmy n'aimait honnêtement pas. Le sentiment était bien partagé. Le premier jour où il était arrivé, Emmy avait eu une très mauvaise journée gymnique, sans compter sur le fait qu'elle avait  un peu de retard par rapport aux autres à l'époque, devant travailler plus pour atteindre les mêmes résultats. Il n'avait  pas attendu de la connaître et à la fin de la journée, ne s'était pas gêné pour lui demander ce qu'elle faisait au Pôle. Depuis, Emmy le craignait et était intimement persuadée qu'il la détestait.

Elle expliqua à sa coach son incident avec la poutre. Elle parut très énervée et soulagée d'apprendre qu'Emmy allait bien. Elle se proposa de lui parer des onodies ensuite sur poutre haute. Se sentant prête, Emmy accepta mais n'en réussit pas un.

Plus tard dans la journée elle travailla des enchaînements au sol avec son second coach et fut heureuse de constater qu'elle y arrivait sans problème. Elle ne lui laissait donc aucune possibilité de lui faire des commentaires négligents. Il réussit tout de même.

Ce soir là, elle appela sa mère. Celle-ci devait arriver par train le lendemain même pour être avec Emmy le jour de son anniversaire. Celle-ci en était ravie : sa mère étant sa motivation à la gym, elle aurait bien besoin de la revoir.

Un poids tomba dans son estomac lorsque sa mère lui annonça tristement qu'elle ne viendrait pas en réalité parce que Eric, son nouveau mari, voulait qu'elle s'occupe de ses enfants. Qui étaient leurs enfants en quelques sortes depuis qu'ils étaient mariés.

Emmy fit mine de ne pas être affectée pour ne pas attrister sa mère mais ce fut le cœur gros qu'elle raccrocha.

Elle se décida finalement à aller toquer chez Eva. Les deux ne se parlaient pas énormément auparavant mais être les seuls à pouvoir s'entraîner depuis que les autres étaient aux États-Unis les avait rapprochées.  Et Emmy avait définitivement besoin de la bonne humeur de son amie.

Elle eut bien raison : c'est avec un grand sourire qu'elle rejoignit son lit ce soir là.

Gymnaste en périlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant