Cinq ans s'étaient écoulés depuis le début de l'entraînement d'Eltharn. Le garçon était devenu un adolescent, puis un grand, fort et beau jeune homme de dix-sept ans.
Le jeune homme marchait tranquillement dans Midlheim pour revenir dans la basse-ville, après une journée d'entraînement avec la Confrérie afin de retrouver Linney. A présent, le vieil homme était devenu en quelque sorte son père adoptif. Après s'être entraîné si longtemps, il n'arrivait pas à croire que tout ceci allait se terminer. En effet, ses professeurs n'avaient plus rien à lui apprendre. Il connaissait l'histoire de Jorda sur le bout des doigts. Il pouvait voler quelque chose dans la poche d'un homme sans qu'il s'en rende compte, marcher aussi silencieusement qu'un fantôme et se fondre parmi les ombres. Il arrivait à toucher les cibles les plus petites avec un arc, savait se battre mieux qu'un officier Palavien avec toutes les armes. Sa préférence allait tout de même à l'épée et au bouclier. Quant à la magie, il pouvait lancer des flammes, des éclairs et se soigner. C'était une magie de base, qui tuait un homme au bout de quelques minutes à feu nourri mais Eltharn ne tenait pas ses sorts aussi longtemps. Car la magie demandait beaucoup d'énergie... Et maintenant, la Confrérie et ses professeurs ne pouvaient plus rien lui apprendre. Il était même devenu plus fort que Jaloc, avec qui il avait grandi.
Eltharn vit des soldats Palaviens traverser le marché. Il se souvint d'une discussion qu'il avait entendu un mois plus tôt.
- Vous avez entendu la nouvelle ? avait dit quelqu'un.
- Oui, avait répondu un autre, l'Empire Palavien a finalement perdu la guerre contre les Elfes.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? avait demandé un homme au teint verdâtre.
- L'Empire était sur le point de perdre alors ils se sont rendus pour éviter de se faire massacrer.
- Et la Couronne Elfique a accepté ? Cela ne leur ressemble pas.
- Oui. D'après la rumeur, ils auraient signé le traité d'Algios qui leur cède le désert d'Eternia.
Eternia était un immense désert au Sud de la Palavie. Il était habité par les Tionans, des hommes à la peau basanée pour résister au soleil, et par les Fériats, des hommes-guépards, dotés de fourrure, de crocs et de griffes. Ces deux peuples se battaient depuis des années pour le contrôle du désert, mais la victoire revenait depuis longtemps aux Tionans, soutenus par l'Empire.
- Mais, qu'en pensent les Tionans ?
- Eh bien, selon les rumeurs, ils se battraient encore pour leur indépendance, contre l'Empire, les Elfes et les Fériats. Mais ce n'est pas le pire. L'Empire doit payer un tribut aux Elfes et surtout, le culte de Neliant, le dieu protecteur des hommes, a été interdit dans tout Jorda.
- Quoi ! s'étaient exclamé les autres.
- Et ce n'est pas tout. Thrakion Rormand, le jarl d'Asgriath, a lancé un appel à la rébellion contre l'Empire, et aurait été déclaré hors-la-loi par le Roi.
- Thrakion Rormand ? Comment un jeune homme comme lui pourrait mener un tel mouvement ?
- Je ne sais pas, mais visiblement, nombreux sont ceux qui ont répondu. En même temps, je me verrais mal abandonner le culte de Neliant. Lui qui a toujours veillé sur moi...
- Je suis comme toi. J'ai prié Neliant toute ma vie, comment pourrais-je me dire qu'il n'existe pas, ou qu'il est un Réprouvé ?
Un homme avait pris la parole.
- Il faut prendre garde. Archios, le Dieu du Temps, aurait créé les dragons pour punir ceux qui renient les dieux.
Cette déclaration avait provoqué l'hilarité.
- Allons, les dragons ne sont qu'une légende. Le seul vrai danger, ce sont les Rormands qui sont de plus en plus nombreux.
A ce jour, il n'y avait eu aucun signe d'une quelconque rébellion. La seule chose qui avait changé, c'était le nombre de gardes.
Eltharn s'en alla et se dirigea vers la maison de Linney. Il traversa tranquillement Midlheim, lorsqu'il vit la porte d'une maison défoncée. Des légionnaires Palaviens en sortirent, traînant derrière eux des citoyens Orcs. Eltharn, faisant partie de la Confrérie, savait qui était honnête ou non. Or il savait que cette famille d'Orcs n'avait rien fait de mal. D'ailleurs, ils ne se privaient pas pour le crier. Mais les légionnaires ne les écoutaient pas, déclarant qu'ils étaient là pour combattre la Confrérie, et qu'ils avaient des preuves contre eux. D'après les informations d'Eltharn, c'était faux, mais tous savaient que l'Empire n'aimait pas les Orcs. Ni les Elfes. Ni les Fériats. En fait, en règle générale, ils n'appréciaient que les Palaviens et toléraient les hommes. Et à entendre ce que criaient les passants, les Norders partageaient leur avis à propos des Orcs.
Eltharn fut choqué de voir que ses compatriotes avaient si peu de respect, et étaient capables d'accuser quelqu'un sans preuve seulement parce qu'il n'était pas comme eux. Il préféra oublier tout ceci, mais en continuant à avancer, il vit des scènes similaires dans la plupart des maisons où vivaient des non-humains. Certains légionnaires sortaient des maisons, l'épée ensanglantée. Cependant, il vit quelques soldats afficher une mine dégoûtée et rester à l'écart.
Soudain, une pensée traversa l'esprit d'Eltharn. Les Palaviens entraient dans les maisons de ceux qu'ils suspectaient d'appartenir à la Confrérie, et ils ne se gênaient pas pour tuer ou emprisonner. Et si...
Paniqué, Eltharn commença à courir. Lorsqu'il arriva devant la demeure de Linney, il trouva la porte grande ouverte. Rentrant en hâte dans la maison, il trouva la table renversée, la vaisselle par terre et les meubles cassés. Le jeune homme rentra dans la chambre de son père adoptif et trouva le vieil homme allongé par terre gisant dans du sang. Les larmes aux yeux, le jeune homme s'assit au chevet de Linney.
- Par Archios, que s'est-il passé ? s'exclama le jeune homme.
- Les soldats Palaviens sont rentrés et ils m'ont accusé d'être de la Confrérie. Ils m'ont frappé avec leurs épées.
- Je vais les... cracha-t-il en se levant.
- Laisse-les, l'interrompit Linney. Ils n'ont fait que leur travail.
- Mais...
Le vieil homme toussa. Eltharn plaça une main sur son cœur, l'autre sur la plaie de Linney. Une lueur dorée les entoura et la plaie rétrécit, mais ne se referma pas. A bout de souffle, le jeune homme fut obligé de cesser le sort à contrecœur.
- Mon temps est compté maintenant. Le Havre d'Ilior m'attend. Après toutes ces années, je repars dans une nouvelle aventure.
- Mais enfin, à quoi bon m'entraîner autant si je ne peux même pas te sauver ?
- Je suis voyant, tu sais ? Fais-moi confiance. Si tu ne peux pas me maintenir en vie, c'est que je devais mourir. Cependant, crois-moi tu auras besoin de tes pouvoirs.
- Je...
- Ecoute-moi, mon enfant, déclara alors Linney, de ce que je vais te dire, dépend ton avenir. A l'Est, il n'y a que la guerre qui t'attend. A l'Ouest pour toi, il y a un pouvoir immense. Au Sud, se trouve ta destinée.
- J'aurais aimé vivre plus longtemps avec toi, lâcha Eltharn, les larmes aux yeux.
- Je pars sans remords. Je ne regrette pas de t'avoir sauvé ce jour-là. Tu auras illuminé la fin de ma vie. Adieu, mon fils.
- Adieu...
Et sur ces mots, Eltharn vit la vie quitter son père adoptif. Alors il se leva, les joues baignées de larmes, et il décida d'aller vers le Sud et d'accepter son destin, quel qu'il soit.
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Tome 1 : l'avènement
خيال (فانتازيا)Le monde traverse des temps sombres. L'Empire des hommes se relève difficilement de la Grande Guerre. Une guerre civile est sur le point d'éclater. Un mal ancien renaît. Eltharn se découvre des pouvoirs incroyables. Il se doit de sauver son peuple...