Le jarl Chapitre 9

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Eltharn ne comprenait plus. Il ne comprenait pas ce qu'il lui était arrivé après le combat contre le troll. Il ne comprenait pas comment le chef du Corps connaissait le surnom qu'il s'était inventé il y a peu. Il ne comprenait pas pourquoi Einherjar l'avait enrôlé dans les Mercenaires.

Tout ce qu'il savait, c'est qu'il se rendait à Middil, le quartier du jarl, pour lui demander d'envoyer des renforts à Chuteclaire, et surtout, pour prendre connaissance de la mission qu'Einherjar lui avait confié. Il savait que, bien que la ville soit neutre, Midlheim suivait les lois Palaviennes. Il ne fallait donc pas mentionner le fait qu'il avait aidé les Rormands. Eltharn était loin d'être aussi stupide que ça. Eltharn était loin d'être stupide. Il comprenait par exemple, qu'il fallait profiter de cette occasion pour se refaire une vie, en essayant de ne pas se faire condamner, mais sans pour autant oublier ce qu'il avait appris autrefois et les valeurs qu'il considérait comme siennes. Il ne fallait pas, par exemple, qu'il oublie les enseignements moraux de Linney. Sa mort l'avait bouleversé au plus profond de son âme et être de nouveau à Midlheim, sans son père adoptif lui causait un grand chagrin. Mais il essayait de le mettre de côté.

Eltharn se trouvait sur une placette devant Folkvangr, où jouaient des enfants. Au milieu de la place, se dressait une statue de Neliant. Ce n'était plus qu'une question de temps avant que les Elfes ne la fassent enlever. Le jeune homme ne parvenait pas à détacher son regard de la représentation du dieu protecteur des hommes. Un prêtre criait à qui voulait l'entendre qu'il fallait se battre pour le dieu-héros. Par respect pour la neutralité de Midlheim, personne ne tentait de le faire taire, mais personne ne l'écoutait non plus.

Midlheim était bâtie sur une colline et divisée en trois quartiers. La ville basse, où vivaient les pauvres, les marchands et les citoyens moyens, était l'un des endroits les plus malfamés de tout Jorda. La pauvreté y était extrême, les mendiants abondaient et les jeunes enfreignaient la loi pour avoir le sentiment d'exister. C'était dans ces bas-fonds que prospérait la Confrérie, et qu'avait grandi Eltharn. Au-dessus, séparée de la ville basse par le marché, se tenait la ville haute. C'était là que vivaient les riches et que l'on trouvait les temples, Folkvangr, les écoles coûteuses, les auberges prestigieuses, et l'école militaire. Au sommet trônait Middil, le quartier du jarl, d'où son palais surplombait la grande ville. Il abritait également la forge du jarl et la prison.

Il fut tiré de sa rêverie par des gardes qui traînaient un mendiant. Personne ne dit mot. Ce pauvre hère avait sûrement voulu demander de l'argent à ceux qui en possédaient, mais les gardes n'acceptaient pas ce qui pourrait faire tâche au milieu de ces riches.

Soudain, il se retrouva face à Einherjar. Le chef le salua et lui dit :

- Excuse-moi de te déranger, Utsande, mais je ne peux m'empêcher d'être curieux. Keledra m'a dit que tu te battais bien. Qui t'a entraîné ?

- J'ai une question, fit le jeune homme en ignorant Einherjar comme celui-ci l'avait fait avec lui. Comment connaissiez-vous ce surnom que je me suis inventé ? Et pourquoi m'avez-vous engagé dans le Corps alors que je ne l'avais même pas demandé ?

- Est-ce que tu n'avais pas envie de nous rejoindre ?

- Si, bien sûr, mais pourquoi m'avoir enrôlé ?

- Laisse-moi te conter une histoire. Il y a plusieurs décennies, les Mercenaires étaient au plus mal. Nous allions nous faire massacrer par une guilde rivale, la Main de Raurak, nos ennemis jurés.

Eltharn avait déjà entendu parler de cette Main de Raurak, mais il garda ses questions pour plus tard. Raurak était un Réprouvé. C'était lui qui avait créé la colère et la haine, et la Main étaient ses adorateurs.

Tome 1 : l'avènementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant