PREAMBULE
25 septembre 2019, 5h du matin, dans ma chambre à Montpellier, il vient de partir au boulot.
Chère Anne,
Qu'est-ce qu'un viol?
Il est deux heures du matin et je n'arrive toujours pas à répondre à cette question, qu'est-ce qu'un viol?
Et comment peut-il dormir si paisiblement alors que les larmes roulent sur mes joues et trempent mon oreiller voisin du sien ?
Qu'est-ce qu'un viol? J'ai besoin de savoir.
Je n'arrive pas à répondre à cette question, il me faut des avis, mais je n'en veux aucun. Je refuse que l'on rapetisse la douleur qui me donne la nausée, par ce petit matin de début d'automne. Je refuse qu'on me dise que ce n'est rien, qu'il ne faut pas tout confondre. Je refuse qu'on mette un terme sur ce que je n'arrive pas moi-même à définir.
Tout ce que je sais, c'est que si un jour un homme se comporte comme ça avec ma fille, je le castre avec les dents, et le sang qui s'écoulera me fera un beau rouge à lèvres.
Tout ce que je sais, c'est que si un homme se comporte comme ça avec ma fille, je viendrais la prendre par la main, en silence, je serais là, et tout mon amour lui servira de couverture si elle a froid, de béquille si elle boîte, d'abri si elle est fatiguée, de tranche de pain d'épices si elle a faim.
Et je le tuerai.
Et je n'ai pas envie de raconter cette histoire, parce que je ne veux pas qu'elle soit jugée.
Pourtant il le faut, sinon j'oublierai, j'oublie toujours ce genre de choses.
Et après je souffrirai d'insomnies sans savoir pourquoi.
Je ne comprend pas comme a t-il pu ne pas sentir la souffrance que mon corps dégageait à chacun de ses assauts.
Non en fait excusez-moi je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à prendre la distance nécéssaire pour écrire. Et rien que d'écrire ces mots, les larmes voilent les touches du clavier, j'ai les dents qui claquent, et je me demande si je ne vais pas vomir sur le tapis.
Le pire dans tout ça, c'est que je ne suis légitime en rien, je n'ai pas dit non. Tout mon corps hurlait mais ma voix a dit oui.
Je me sentais obligée.
Et il m'a dit que si je me sentais obligée c'était ma faute, pas la sienne. Pourtant, c'est bien la première fois que je vis ça. Avant, avec d'autres hommes, mis à part quelques fois où je me laissais faire, pour avoir la paix, jamais je n'ai dit oui alors que mon corps hurlait le contraire.
La veille, je lui avait dit que depuis quelques temps, je ne dormais plus parce que je n'arrivais pas à pardonner ses gestes quand il avait abusé de moi quelques mois auparavant. Il hurlait qu'il s'était déjà excusé, qu'il fallait oublier le passé, ce qu'il faisait lui, malgré tout ce que je lui avait fais endurer.
Après une énorme dispute, il frappe violemment le mur, jette son portable par terre, me confisque le mien, puis s'effondre en pleurant. Je me sens terriblement coupable de l'acculer, et de le faire souffrir avec mes récriminations, alors qu'il suffirait que je parte au lieu de mettre le doigt sur des choses qui le font souffrir, il n'est jamais évident de reconnaître qu'on a abusé de quelqu'un.
Le soir même, j'arrive à lui dire non.
Le lendemain, alors que pour moi il est évident que notre histoire est finie, il se réveille et agit comme si rien ne s'était passé. Rien. Je ne sais pas quoi faire, je me sens coupable de la souffrance qu'il endure.
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Journal d'un rebondissement
RandomJournal d'un rebondissement après des violences conjugales, viol, avortement.