JOUR DEUX

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27 décembre 9h31, je ne supporte plus les gens, ni qu'on vienne trop longtemps chez moi. Une heure c'est bien, 2h c'est déjà à la limite du supportable. Ce qui est con c'est que les gens qui viennent me voir viennent souvent de loin. Je dois me les coltiner plusieurs jours d'affilée. Impossible de regarder tranquillement les bûches brûler en tentant vainement de téléphoner à quelqu'un pour se plaindre de sa solitude. Ce quelqu'un est justement dans la même pièce que moi, et il respire trop fort.

9H51, Mon dieu, je deviens comme mon grand-père! Excepté qu'à son âge, au rythme où je vais, je serais moins riche (beaucoup moins riche, est-ce que quand on touche le chômage on cotise pour la retraite?), seule (beaucoup plus seule, lui, il a eu la présence d'esprit de faire trois gosses qui sont obligés de le supporter), et plus chiante, parce que je ne serais ni sourde ni aveugle, il sera impossible à quiconque d'entamer très largement la plaquette de chocolat dans le frigo sans que je m'en aperçoive, ou bien de partir avec un bouquin chourré dans ma grande bibliothèque, d'abord je n'en aurai pas, ensuite les livres qui me resteront serviront de cale pour surélever le piano, ce qui est déjà le cas actuellement.

11h06, ma mère m'a suggéré de faire dompteur, parce que j'aime les gros chats. Je me demande qu'elles sont les débouchées, avec tout ces apprentis végans, j'ai bien peur d'avoir du mal à trouver qui dresser, à part les enfants, ce que je fais déjà vu que je suis prof de temps en temps.

12h47, cela fait deux jours que je veux devenir infirmière. La semaine dernière je voulais faire clown. J'aime bien étirer ma liberté de rêver. Est-ce que je suis vraiment obligée de mettre mes rêves à exécution? D'abord c'est long à mettre en oeuvre, ensuite, je n'aurais plus de matière à rêver. Alors à quoi est-ce que je pourrais penser quand je regarderai les flammes dans le poêle?

13h09, dans le top 10 des fêtes qui exacerbent la réalité de sa solitude, je mettrai noël, le nouvel an et son anniversaire. Ça tombe bien, les trois dates sont réparties sur deux semaines. Deux semaines de pur rêve.

14h11, j'adore me coucher le plus tôt possible le 31 décembre, vers 20h c'est parfait. Soit ça, soit je déménage ou je prend l'avion. Cette année je combine plusieurs caprices, déménager et me coucher tôt.

15h16, quand mes règles tardent à arriver, je me demande si je ne suis pas enceinte, même si ça fait 6 mois que je suis abstinente, au bout d'un certain retard, je me demande même si je ne suis pas enceinte de Jésus Junior. Et parfois j'y crois. Si y en a eu un, pourquoi pas un deuxième? Ça ne m'étonnerait pas que ça me tombe dessus, avec la chance qui me caractérise. Bon au moins je n'aurais pas à me coltiner le père dudit Jésus Junior, je me démerderai un peu mieux que Marie pour le coup.

21h04, en parlant de Jésus Junior, la première fois que j'ai avorté, les médecins m'ont conseillé d'aller travailler entre deux prises de pilule abortive. Ils ne m'avaient pas prévenu qu'il y ai un risque pour que je fasse une hémorragie, alors que j'expliquais vainement le trajet des ondes lumineuses à travers une lentille convergente. Je pissais littéralement le sang, je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite. C'est le silence de mort dans la classe qui m'a interpellé. Impossible d'arrêter le flot, même en m'asseyant. J'avais un robinet ouvert entre les jambes. Et rien pour essuyer dans cette classe. Franchement pour une classe de travaux pratiques, l'équipement laisse à désirer.

Journal d'un rebondissementWhere stories live. Discover now