La fanfiction oui, le pognon non

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Le grand danger pour la fanfiction, camarades lecteurs, c'est le capitalisme (*soudain, chœurs de l'Armée Rouge en fond sonore*). Outre l'utilisation de la fanfiction pour des visées promotionnelles (1), ces dernières années ont vu l'adaptation cinématographique à la sauce gringo de plusieurs fanfictions. Ce ne sont évidemment pas les récits les plus farfelus ou les plus audacieux qui ont été retenus. Les intrigues choisies reposent essentiellement sur la relation malsaine entre un pseudo-bad boy abusif et une greluche au charisme de coton-tige parce que soi-disant elle aurait lu trop de bouquins (allez dire ça à Emma Goldman tiens) : on pense notamment à 50 Shades of Grey (grandement influencé par Twilight) et After (inspiré par les membres de feu One Direction), qui pardonnent tout au personnage masculin du fait de son six-packs.

Comme l'expliquait récemment l'autrice Morgan Davies, « Fandom has always been a fundamentally anti-capitalistic endeavor... it's the only place I know of where writing is a uniquely playful act. It's about fans taking mainstream culture and redefining it and owning it in a creative but not monetary way. It's inherently subversive. The idea that a huge corporation will be selling fanfiction and that the original creators would benefit monetarily from that is extremely disturbing to me. (2) » La fanfiction est par essence une écriture libre qui ne vise ni une reconnaissance officielle, ni une réussite matérielle. Nombre d'auteurs reconnus ont explicitement autorisé les fanfictions sur leurs œuvres, sans contrepartie financière, comme l'écrivaine de SF Ursula Le Guin ou la Canadienne Margaret Atwood. Aussi, les initiatives payantes telle que Kindle Worlds d'Amazon, sont plus qu'inquiétantes car elles visent une rentabilité à tout prix, au détriment de la créativité, comme par exemple l'interdiction des crossovers (3). Pire encore, toutes les fanfics publiées via Kindle Worlds appartiennent alors à Warner Bros, qui est libre d'utiliser tout le contenu du récit sans pour autant en créditer le véritable auteur.ice.


Notes de bas de page :

[1] Selon le projet Lumen mené depuis 2002 par le Berkman Klein Center de l'Université d'Harvard, et qui étudie les litiges sur les contenus en ligne, « Different companies have different methods in dealing with FanFic. Some see that FanFic could actually help boost their sales and so encourage the writing of FanFic. Other companies are presumably waiting for more business information and legal clarity before making a decision. » Source : lumendatabase.org

[2] Gavia Baker-Whitelaw, « The problem with Amazon's new fanfiction platform, Kindle Worlds», Daily Dot, 2 mars 2020. Démerdez-vous pour la traduction oh.

[3] Julianne Pepitone, « Amazon's "Kindle Worlds" lets fan fiction writers sell their stories », CNN Business, 23 mai 2013.


« La fanfiction sauvera-t-elle le monde ? »Where stories live. Discover now