Eight

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Après cette mésaventure, Margaux ne m'avait pas lâché du regard. Elle me détaillait et ça me faisait peur, personne ne m'avait regardé aussi intensément, je ne savais pas comment réagir, alors j'ai simplement souris. Que pouvais-je de plus ? Je ne pouvais encore moins lui demander d'arrêter de me regarder, ça l'aurait blessée.

Veronica est venue me chercher trois heures plus tard, j'avais l'impression d'être libéré, je n'arrivais plus à supporter cette chaleur étouffante, j'avais besoin de m'éloigner, de me retrouver seul. Retrouver mon monde désastreux, sans tout cet argent, ces amis qui risquent de nous oublier en grandissant. Je me suis dit " peut-être qu'un jour, je serais comme eux. " Mais ce jour-là, j'étais moi, Magnus Backer, un enfant de 10 ans, malheureux depuis toujours, tabassé par son propre géniteur et qui a perdu sa mère à cause de ce fou. Un enfant qui déteste plus que tout au monde Cillian Backer.

Durant le trajet, j'ai gardé le silence, Veronica n'a pas cherché à me forcer à discuter, elle m'a laissé me renfermé sur moi-même, sans doute elle avait peur de ce qu'elle pourrait dire ou tout simplement, elle ne savait pas comment me faire parler. En arrivant à l'appartement, je me suis réfugié dans ma chambre après l'accord de Veronica. Je me suis installé sur le lit, j'ai attrapé l'Ours en peluche et je l'ai serré contre moi, fixant le regard vide la fenêtre. La vue donnait sur la rue d'à côté, je me suis surpris à vouloir être comme eux, libre de sortir, marcher main dans la main avec sa maman, avec le sourire aux lèvres et surtout, réagir normalement lorsqu'une fille nous embrasse. Vous pouvez croire que ma réaction était peut-être un signe, le message faisant comprendre que j'aime les hommes, mais non, je suis entièrement certain d'aimer les femmes aujourd'hui, mais ce jour-là, je ne savais guère comment l'interpréter. De légers coups sont apparus contre ma porte, j'ai lâché un " oui " tellement bas que je me demandais si la personne dernière m'avait entendu. La porte s'était quand même ouverte, Véronique est entrée, s'était installé sur mon lit face à moi et a posé sa main sur ma peluche, c'était le seul contact qui me rassurait, une barrière entre ma peau et sa main.

_ Tu m'expliques ce qu'il t'arrive ? Je t'ai déposé joyeux chez Margaux et maintenant, tu es à nouveau caché derrière ce mur.

_ Ce n'est rien. Je suis fatigué et je ne suis pas habitué à être autant entourée.

_ Tous les enfants de ton âge sont entourés Magnus.

_ Je ne suis pas comme tout le monde Veronica ! Je commençais à m'énerver.

_ Je le sais ! Mais il faut bien que tu commences à créer des liens ! Tu ne pourras pas rester continuellement dans ta bulle, un jour, elle devra éclater.

_ Et si j'en suis incapable ? Et si cette bulle était en réalité un mur de 20 mètres qui ne s'effondra jamais ? Si je souhaite rester comme je suis ?!

_ Il le faudra bien ! Tu ne seras jamais heureux. Je veux bien faire des efforts Magnus, j'accepte d'aller à ton rythme, mais l'effort se fait dans les deux sens.

Elle se lève et quitte ma chambre en la claquant, des larmes de rage ont coulé sur mes joues creuses. Elle croyait sincèrement que j'ignorais que l'effort était dans les deux sens alors qu'en réalité, je le savais très bien, mais j'étais incapable de faire ce qu'elle me demandait. C'était trop tôt, je la connaissais à peine, j'attendais d'être certain de lui faire confiance.

Je suis finalement sorti de la chambre, j'ai rejoint Veronica sur le canapé où elle était en train de regarder une chaîne de cuisine et je lui ai présenté mes excuses et que j'essaierais de m'ouvrir plus à elle. Je lui ai parlé de ce que Margaux avait fait, elle s'est subitement adoucie et m'a regardé attendrie. J'avais l'impression d'être en mauvaise posture. Je commençais à regretter de lui en avoir parlé, mais elle a repris ses esprits et un air sérieux est apparu.

BaneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant