Chapitre 5 : Dernières paroles.

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     Un homme seul, se tenait debout, une dizaine de cadavres à ses pieds. Les bras ballants, le dos recourbé et les genoux pliés. Combien de temps s'était-il passé ? Vingt secondes ? Trente ? Comment a-t-il pu tous les arrêter ? Pour la première fois depuis le début du drame, Larso sourit. Ses yeux dessinèrent sur son visage un air émerveillé. Refius, armé d'une simple épée, avait à lui seul tué onze soldats de la Milice !
- Il ne bouge plus !
- Refius tout va bien ?
La main du grand homme tenait encore son épée tâchée de sang. Crispée et tremblante, sa main était son seul membre qui bougeait. Puis celle-ci se détendit, cessa de trembler, les doigts laissant lentement glisser l'épée au sol. Ses genoux se fléchirent de plus en plus, comme s'ils ne pouvaient plus supporter le poids de son propre corps. Il était meurtri de toutes part et une flèche avait transpercé son dos ! Les visages tournés vers Refius commencèrent à se décomposer, un mélange de sentiments de panique et de tristesse envahissait les rebelles. Un corps presque sans vie, se laissa tomber sur les cadavres de sa victoire, dans un bruit discret, mais lourd de sens, que Larso et tous les autres avait désormais compris.
- PAPAAA !!

Il se jeta sur son père, les larmes recouvrant ses yeux. Il se rendit compte du prix que son père avait dû payer pour avoir affronté autant de soldats à lui seul. Des dizaines de plaies recouvraient son corps, la boue et la sueur était infiltrée. Refius était à bout de force et à l'agonie, sans pourtant crier de douleur.
- Parle-moi, s'il te plaît ! Tu m'entends ? Papa parle-moi !!
- Quel courage tu as eu jusqu'ici mon fils.
Larso se tut et, dans un semblant d'espoir, il regarda son père et sourit. Ses mains et ses vêtements étaient tachés de sang, mais il ne voulait pas y croire, jamais son père n'a été blessé. Sa grande force était connue dans toute la section 54.
- Je crois que je vous ai donné un peu de temps, vous allez devoir fuir et surtout survivre.
- NON ! Tu viens avec nous, on va te porter !
Refius sourit.
- Ce que tu peux être bête parfois !

La respiration de Larso s'intensifia, tout comme ses battements de cœur. Quant à son cerveau, il ne réussit plus à suivre les événements qui se déroulaient sous ses yeux.
- Je ne serais qu'un poids pour vous ! Vous devez vous enfuir en alertant le moins de soldat possible.
- Tu m'as promis que tu ne mourrais pas ce soir ! Tu m'as menti !
Un bref silence survint et Refius sourit de nouveau.
- Le soleil va bientôt se lever, ma promesse est donc tenue.
Ces paroles transpercèrent le cœur de Larso comme mille flèches. Les premiers rebelles éclatèrent en sanglots lâchant les armes et tombant à genoux.
- Je te promets de survivre jusqu'au lever du jour, avant cela... J'ai quelque chose à te dire, approche.
Ses paroles furent de plus en plus basses et ses yeux luttèrent pour rester ouverts. Les rebelles étaient en retrait. Ce que son père a à lui dire doit être destiné seulement à lui. Il rapprocha donc sa tête de la bouche de son père.
- Dis à ta mère que je suis au courant de tout. J'ai lu le carnet qu'elle a caché, ça ne m'a pas pourtant empêché de l'aimer. Larso, ta mère est exceptionnelle. À un point que tu n'imagines même pas. Je suis sûr qu'elle est encore vivante, j'en ai maintenant la certitude. Elle m'a ordonné de fuir la planque avant qu'il ne soit trop tard. Je ne sais pas ce qu'elle comptait faire avant de partir, mais ça avait l'air important. Vous devez partir pour toujours de cet endroit maudit, mais avant, trouve-la et raconte-lui ce que je viens de te dire. Ton avenir dépend d'elle ! Tu ne dois sûrement pas comprendre, mais elle t'expliquera.

Larso était bouche-bée, sa mère serait donc vivante ? Il ne réfléchit que maintenant à ce qui lui était arrivé. Ce soir, elle devait rester à la planque des rebelles avec Refius pour faire l'inventaire des armes. Larso, quant à lui, était partis se coucher. Si la Milice connaissait tous les agissements des rebelles, c'est là-bas qu'ils ont dû se rendre en premier ! Mais comment auraient-elles pu s'en sortir ? La planque est souterraine et il n'y a qu'un seul accès ! Si la Milice est arrivée avant qu'elle ne soit sortie, comment aura-t-elle fui ?
- Une grande destinée vous attend, toi et Elma. Ce sera à vous de changer le monde et de rétablir la bonté dans le cœur des Hommes.
- Je ne comprends pas ce que tu dis papa, pourquoi nous ?
La respiration de Refius devenait de plus en plus lente, ses yeux commencèrent à s'éteindre.
- Papa ! PAPAA !!
Son père ferma les yeux, le bruit de son cœur ne s'entendit plus. Dans un dernier effort, il ouvra ses lèvres et dit :
- Je t'aime, mon fils.
Le soleil se leva et emporta avec lui un grand homme, qui s'était battu jusqu'à la mort pour protéger son fils, ses amis, ses idées. Son grand sourire chaleureux resta gravé sur son visage jusqu'à la mort. Le désespoir s'empara de Larso. Il hurla de douleur à l'aube de son épopée dont il n'a pas encore connaissance.

( Extrait ) La Rébellion des Muses - Tome 1 : Héritiers malgré euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant