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Juliette, ô belle Juliette,

La sixième fois que je t'ai vue, tu m'as paru si calme. Allongée, les mains en croix, les yeux clos. Je me suis doucement approchée de toi, effrayée de te troubler, toi qui avais été un tourbillon, une tornade, un carnage dans ma vie. Tu semblais enfin ailleurs, toi qui avais toujours été là, ancrée sur cette putain de terre, toi qui avais toujours rêvé de l'horizon.

Quand je me suis penchée au-dessus de ton visage, je n'ai pas osé pas toucher ta peau. Elle n'est pas parfaite ; elle a vécu, on sent les années accumulées dans tes cicatrices. Mais elle m'a l'air si douce. Quand je t'ai vue, apaisée, loin de tes clopes et des rideaux d'argent qui s'élèvent dans la nuit pour cacher la nuit, mes sanglots se sont mêlés à ceux des anges.

Les regrets dansent et sautent dans ma poitrine comme autant d'explosions solaires. Ils demeurent là, près de moi, comme la main glacée de Thanatos sur mon épaule. Tu étais mon tout, mon étoile, ma Grande Ourse. Ensemble, nous formions une belle constellation cassée, un peu perdue au milieu des autres. Ensemble, l'immensité du vide nous effrayait peut-être, mais nous pouvions faire un pas dans sa direction sans trembler.

Ensemble, nous vivions.

Et je crois que c'était suffisant.

En quelques regards croisés, quelques mots murmurés, quelques clopes échangées, quelques baisers volés, tu m'as redonné goût à l'espoir, et tu m'as offert sur un plateau crépusculaire l'aube que j'avais délaissé.

Et aujourd'hui... Toutes les étoiles finissent bien par s'éteindre. Je prie juste pour que la lumière ne se glisse pas trop vite jusqu'à moi pour que je puisse contempler les ruines de nos souvenirs encore longtemps.

La sixième fois que je t'ai vue, j'ai déposé un baiser glacé sur ton front autrefois brûlant. Mon ultime cadeau.

JulietteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant