Juliette,
La seconde fois que je t'ai vue, c'était à la fac. Tu ne t'en souviens pas, et c'est peut-être mieux comme ça. On n'a fait que se croiser, un vague regard, un bonjour, quelques mots envolés, et ta voix à jamais gravée dans mon esprit.
Nos regards se sont croisés un instant. Le temps s'est suspendu ; il n'y avait plus cette odeur perpétuelle de café et de peinture fraîche, il n'y avait plus ces corps mécaniques qui traversaient les lieux, il n'y avait plus la cohue du monde. Juste toi et moi, et mon esprit défaillant, et les néons qui remplaçaient les étoiles.
Tu tenais ton sac d'une main ferme. Ta poigne avait toujours été solide, à ton image ; celle d'un roc que rien ne semblait pouvoir briser. Tu attrapais aussi fermement tes rêves que cette sangle, et tu les maintenais à bout de bras, sans qu'ils ne puissent s'échapper. Et ta démarche... Puis-je seulement en parler, de ces pas souples et agiles, comme autant de vaguelettes qui font sauter les navires sur l'horizon azuré ? Et ces cheveux... Ces cheveux d'or aussi agiles qu'un battement d'ailes d'un faucon... Ces fils d'ébène qui dansaient dans la foule, ces fils de l'amour qui caressaient ma main quand nous étions l'une contre l'autre... Puis-je seulement leur offrir quelques mots, quelques alexandrins ?
Et puis le temps a repris son cours. Tu n'es pas très à l'aise avec les autres âmes qui peuplent la terre. Tu es celle qui erre, celle qui vogue dans l'éther, celle qui refuse la terre, celle qui préfère l'air de la mer en attendant sa fin amère. Tu es de celles qui vivent avec la lassitude des grands.
Et quand ta chevelure disparut derrière un dos inconnu, je me suis sentie abandonnée. Abandonnée, mais prise dans les griffes d'une chose que je connaissais mais qui m'avait délaissé tant de fois. Tapi dans les ombres trémoussantes des enfers, l'espoir, cet infernal espoir, abscons, bien trop con, cet espoir qui rouvre les plaies éternelles pour mieux les guérir... ou les laisser tremper dans les viscères mortifères de la solitude.

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Juliette
Historia Corta"Juliette, Les huit lettres de ton nom m'ont fait toucher la voie lactée." (Un grand merci à @Alo_Story pour sa couverture de toute beauté)