2. Les minutes

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Je suis rentré à Séoul le lendemain, comme il l'était prévu. À en croire leur attitude, mes parents n'ont rien remarqué d'étrange chez moi, et j'ignore si je dois m'en féliciter. Je suis si habitué à donner le change devant les caméras que je n'arrive même plus à me détendre avec les miens.

Et à leur montrer.

Comme j'ai mal.

Avant de partir, j'ai senti Junghyun me serrer un peu plus fort que d'ordinaire dans ses bras. Il m'a aussi embrassé la joue, comme quand nous étions petits et qu'il prenait encore le temps de jouer avec moi. Ce geste, plein de nostalgie et de réserve, m'a laissé sans voix. Car s'il n'a rien dit, j'ai senti à ce simple contact, toute son affection. Ses lèvres m'ont fait l'effet de petits pétales portés par une légère brise. C'était si agréable. Jusqu'à ce que son regard me sonde. Un regard presque apeuré.

Il faut que j'arrête d'inquiéter mes proches.

À chaque fois, pour rien.

C'est comme une spirale infernale, un schéma que je répète à l'infini.

Dépendre des autres. Les aimer trop. Les aduler. Tomber de haut. Se réfugier dans le travail. Les inquiéter. Les dégoûter. Faire qu'ils me rejettent.

Il faut que je donne le meilleur de moi-même. Pour les rendre fiers. Pour qu'ils m'aiment.

« Pour que tu t'aimes aussi. »

J'essaie de taire cette petite voix en me concentrant sur l'écriture de Jetlag, dans l'avion. J'ai sorti les feuilles de Namjoon pour continuer de les noircir. Guidé par mon instinct, les mots coulent sans arrêt et je ne les retiens même pas. C'est comme si je n'avais plus conscience de ce que j'écrivais, comme si quelque chose de trop fort en moi et d'incontrôlable avait pris les commandes. Je crois que ce morceau me tient de plus en plus à cœur. Si au début, j'avais du mal à en comprendre l'intérêt, je le vois aujourd'hui comme une capture de mes états d'âmes récents. Une chance de tout recommencer, sans revenir en arrière. Une envie d'être seul juge de ma personne et de commencer à m'accepter. Car si la solitude m'a longtemps brisé, elle semble aujourd'hui aussi épuisée que moi. Alors je me résigne. Et je l'accepte.

24 ans, j'ai l'impression d'être devenu adulte plus vite que tout le monde.




Mon avion atterrit à 16 heures 30. Séoul m'accueille dans la brume et l'humidité, et je me demande, l'espace d'une seconde, si c'est la rivière Han qui lui a demandé. Une légère pluie pénètre l'atmosphère et gicle contre mon hublot. Quand je quitte l'appareil, je la laisse picoter mon visage pendant que, escorté par un garde du corps, je rejoins mon chauffeur.

Plusieurs personnes semblent me reconnaître, à l'intérieur de l'aéroport, mais je les ignore et hâte le pas en tirant bien sur mon bob. Pourtant, même si mon regard ne se pose pas sur elles, même si je me concentre sur le sol, je les sens tout autour de moi. Leur simple présence fait gonfler cette petite boule noueuse qui racle les parois de ma gorge.

My time |TkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant