-Alors, comment était cette soirée ? me demande maman tout en repassant son uniforme pour le lendemain.
-Super.
-Et ta jambe ?
-Ça va.
Depuis le réveil, je n'ai pas pensé à elle une seule fois. C'est le dernier de mes soucis. Je n'ai que l'Espagne en tête, et ça vire à l'obsession. Depuis que j'ai vu Caleb, hier soir, je suis plus déterminée que jamais à quitter cette ville.
-Le paquet du programme d'échange international n'est pas encore arrivé ? Il aurait dû arriver la semaine dernière.
-Je n'ai rien trouvé dans la boîte. J'espère qu'ils acceptent les fauteuils roulants, car si ta jambe te cause des problèmes, il t'en faudra un.
-Maman, pas ça ! Pourquoi, avec toi, il faut toujours penser avec des « si jamais... » ?
Je vais ouvrir le réfrigérateur, d'un pas aussi assuré que possible.
-Ça ne coûte rien de se renseigner, Maggie. Je ne serai pas là pour t'aider quand tu seras là-bas.
-Tout se passera bien, maman. Cesse de t'inquiéter.
Ma mère se fait trop de soucis pour moi et j'ai l'impression d'étouffer. Et puis, c'est une contradiction ambulante et cela n'arrange rien. À huit heures, elle me pousse à sortir et à voir mes amies, comme avant, et à huit heures dix, elle me surprotège. À mon avis, c'est parce qu'elle veut tenir le rôle du père qui prend les choses en main tout en restant une mère protectrice. Mais quand les deux s'additionnent, tout devient confus. Elle pose son fer à repasser pour venir me prendre dans ses bras.
-Je suis si heureuse que tu ailles en Espagne. Tu attends cela depuis si longtemps. Mais j'ai besoin de savoir que tu ne manqueras de rien. C'est uniquement parce que je t'aime, ma chérie.
-Je sais.
Je m'abstiens de lui dire que son amour, comme ses câlins, est parfois tellement envahissant qu'il m'empêche de respirer.