Chapitre 2

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Partie 2

Luxiel était une petite ville portuaire. Une cité-État gouvernée par le prince régent Estiel. Elle comportait cinquante mille âmes et on estimait à un pour cent environ le nombre d'habitants en lien direct avec la pègre. Soit près de cinq cents personnes. Le monde des voleurs était petit et tout le monde s'y connaissait, ou presque.

Contrairement à d'autres villes comme Lazuli ou Asthan, la pègre n'était pas régie par une unique guilde de puissants. Elle s'organisait en groupuscules spécialisés : cambrioleurs, escrocs, spadassins, mercenaires, tueurs à gages... Les Lézards étaient, eux, un peu touche-à-tout : peu importait la mission tant que la paye en valait la peine.

Depuis de nombreuses générations, la coutume voulait que chaque groupe de truands choisisse un nom. Afin de se repérer dans la masse, de se différencier, de se créer une identité propre.

Les noms choisis, typiquement, étaient ceux d'animaux. Dangereux, majestueux, puissants. « Les Lions du Sud, « les Dragons rouges » « les Serpents des bas-fonds », constituaient autant de groupes distincts.

Lors de la fondation officielle de leur petite troupe, des années auparavant, cette tradition avait beaucoup fait rire les nouveaux collègues. Pleins de morgue, ils s'étaient nommé « les Lézards », animal suprême, quintessence de la force et de la beauté. Ils avaient même hésité avec « les Poules démoniaques ». Cela avait fait rire la plupart de leurs concurrents.


Chez les Lézards, donc, il existait une règle d'or.

On ne se levait pas avant treize heures. La nuit était dédiée au travail, de vingt heures à quatre heures du matin. On se retrouvait, on échangeait les dernières nouvelles et on allait se coucher. Interdiction formelle de se lever avant que le soleil n'ait effectué la moitié de sa course quotidienne.

Les proches du groupe le savaient et ne se présentaient jamais avant le milieu de l'après-midi à la planque, de peur de provoquer le courroux général.

Le lendemain, pourtant, de grands coups frappés à la porte vers onze heures et demie tiraient les Lézards de leur sommeil. Tous sauf Léo, assise dans son hamac. C'était son tour de garde. Un carreau était déjà encoché sur son arbalète.

— C'est quoi ce bordel, grogna-t-elle, se frottant les paupières, alors que d'autres coups retentissaient.

Dragan sautait déjà au pied de sa couche, la marque de l'oreiller imprimée sur son visage, mais l'œil alerte, une main sur son sabre qui dormait à côté de lui. Alexander ronflait encore, insensible au vacarme. Isaac lui secoua brutalement l'épaule.

Dragan et Léo échangèrent un regard intrigué et embué de fatigue. Qui était l'abruti qui s'esquintait sur leur porte à une heure pareille ? La réponse parvint au meneur du groupe sous la forme d'un parfum unique. Il grimaça, mais ne dit rien aux autres.

Répétant une opération rendue fluide par l'habitude, Dragan s'approcha de l'entrée, une main sur le pommeau de son sabre. Léo se calait avec son arbalète dans l'angle de la pièce, prête à occire quiconque franchirait le seuil de leur demeure.

La porte s'ouvrit et il fallut plusieurs secondes à Dragan pour réussir à mettre des mots sur son sentiment.

— Bordel de foutre... Qu'est-ce que tu fous ici ?

Face à eux se tenait Maël, l'inconscient qu'il avait secouru – et dépouillé – la veille. Comme il l'avait deviné. Gingembre, citron confit... Et de subtiles notes camphrées, témoins des soins de Léah. Craignant une volonté de vengeance, Dragan se crispa, prêt à se battre. Le jeune homme leva les mains en signe d'apaisement.

La Cité des Insoumis [PUBLIÉ AUX ÉDITIONS HARO]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant