Partie 1
L'annonce laissa les Lézards pantois. Léo fut la première à retrouver ses esprits :
— Je ne vois pas pourquoi on te croirait. Ni pourquoi le fils d'une famille de bourgeois viendrait nous livrer la solution pour dépouiller son père. Je revois mon jugement : tu n'es pas stupide, tu es juste complètement fou.
— On a de légers désaccords, mon père et moi, éluda Maël en haussant une épaule. Il se pourrait que j'aie quitté la demeure familiale sans son approbation.
Dragan secoua la tête.
— Finalement, je précise le jugement de Léo : tu es peut-être bien fou et stupide à la fois. Vous autres, vous pensez à ce que je pense ?
Un instant de silence leur permit à tous de se mettre sur la même longueur d'onde. Alexander se leva, sa rapière en main. Léo fit un pas en avant. Le cercle se refermait autour de leur invité qui se figea, tendu.
— Imagine la rançon qu'on pourrait demander à ton père... susurra Dragan.
Maël se détendit et s'esclaffa :
— La vache, vous m'avez fait peur ! Non, je ne vous le conseille pas. Je vous l'ai dit, on a des petits désaccords, lui et moi... Il ne payerait pas une demi-couronne pour me récupérer. Pire, je pense qu'il s'arrangerait pour que l'échange tourne mal et que je fasse partie des « pertes regrettables ». Pour donner le change, évidemment, il vous ferait poursuivre et tuer. Vous auriez assassiné son fils héritier : ce serait la moindre des choses. Mais, vraiment, mon retour à la maison ne présente pour lui aucun intérêt...
— Quel genre de désaccords ? interrogea Dragan, sans se détendre pour autant.
— Il semblerait que je sois un fils aîné décevant. « Rebelle, immature et débauché », ce sont ses propres mots. Pas intéressé par le commerce ni par la politique, et encore moins à l'idée de faire un bon mariage.
— Je croyais que c'était la fille des Gaelith, la promise de l'héritier Asarith, intervint Alexander.
Toujours à jour en ce qui concernait les derniers potins mondains. Une vraie mine d'informations.
— C'est elle, confirma Maël dans un soupir.
Alexander siffla d'admiration.
— Et ça ne t'intéresse pas ? Dis donc, t'es difficile, parce que la demoiselle...
Il eut un geste évocateur, à la cruelle limite entre le vulgaire et le flatteur. Même Léo approuva :
— Tu m'étonnes. C'est loin d'être un cageot...
Maël eut une grimace de dégoût avant de poursuivre :
— Vous n'êtes pas surpris qu'un fils aîné de mon milieu social soit ici, parmi vous, et pas au palais royal ?
Les autres échangèrent un regard.
La politique n'était pas le fort des voleurs, loin de là. Celle de Luxiel s'avérait particulièrement complexe et retorse. Chaque famille bourgeoise ou aristocrate pouvait envoyer son fils aîné, dès ses quinze ans, vivre au palais royal. Ils y étudiaient, et, surtout, formaient leur réseau. Tous possédaient les mêmes droits sur le trône – en théorie. À la mort du prince régent, les quelque quatre-vingts fils issus de la noblesse se disputaient le pouvoir. Il s'agissait de complots, d'alliances et de trahisons permanentes.
— Vous comprenez mieux la nature de mes désaccords familiaux, poursuivit placidement Maël. Quand j'ai eu l'âge de rejoindre le palais royal, je leur ai dit d'aller se faire foutre.
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La Cité des Insoumis [PUBLIÉ AUX ÉDITIONS HARO]
PertualanganLuxiel est en ébullition. La guerre civile opposant fidèles du culte dualiste et partisans du progrès menace d'éclater à tout moment. Au cœur de la ville, les alliances se font et se défont, les adversaires d'hier sont les alliés de demain. Un jeu d...