Flashback

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L'alarme du lycée avait sonné, et les élèves s'étaient précipités en dehors de ma classe dans une cohue inhabituelle. 

Je rallumai mon téléphone, qui se mit aussitôt à vibrer.

Au rythme d'alertes incessantes, je vis un fouillis d'informations défiler : une masse nuageuse, un danger sur tout le pays, une centaine de morts... Non ! aux dernières nouvelles des milliers ! J'eus à peine le temps de sortir de la salle, que le sol s'approcha d'un coup de mon visage.

Des sons étouffés me parvenaient de toute part...

Depuis cette chute, les heures s'étaient écoulées sans que je m'en rende vraiment compte. J'eus à peine la force de me relever, migraineuse à en vomir, où chacune de mes inspirations me causaient des douleurs atroces dans la poitrine.

J'étais seule, totalement seule, dans un paysage d'une complète désolation : partout où je posais les yeux, je voyais l'effrayante horizontalité de milliers de corps enchevêtrés. S'en suivit un long silence de chapelle où j'entendais tinter mes deux oreilles comme des cloches célestes.

J'ai passé trois semaines dans l'incohérence la plus totale ; à m'évanouir, revenir à moi, puis m'évanouir à nouveau. Ensuite, j'ai vu avec la plus grande des horreurs tous ces cadavres d'hommes, de femmes, d'enfants ressusciter en masse ; où chacun poursuivait la quête invraisemblable d'exterminer le peu de survivants restants.

Oui, une résistance a bien eu lieu... pour ne durer qu'un an tout au plus. Les guerres fratricides ont éclaté de toutes parts, ayant pour point de départ l'accès aux ressources. Mais ces dernières se sont très vite taries. Les survivants, eux, ont tardé à s'organiser, entraînant leur perte rapide. Ils ne furent plus qu'une très petite poignée contrainte à se déplacer sans cesse : car là était la clé de leur survie .

Le convoi était composé de trois véhicules lourds : un petit chasse-neige amélioré pour déblayer les routes et deux grands camions porte-conteneur pour se déplacer en restant à l'abri. C'est en remontant une petite route isolée que les gars m'ont aperçue. Ils m'ont ramassée alors que j'avais le corps à moitié immergé dans l'eau croupie d'un fossé : j'étais tombée à nouveau inconsciente, sans rien voir venir. Puis la communauté m'a très vite remise sur pied, et dès que j'ai pu prendre les armes, ils m'ont désignée éclaireuse du groupe. Autant dire que je leur dois la vie !

Moi, qui ne prétendais à rien jusque-là, je découvris avec eux une capacité nouvelle qui faisait de nous une sorte d'élus. Nous étions tous issus d'une exception biologique : nous ne mourrions pas face à ce nuage dévastateur.

MargueriteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant