Comme le voulait la tradition...

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Cette petite sacoche était constituée d'un savant mélange d'analgésiques, d'anesthésiants, et de sédatifs. En gros, tout ce qui venait à nous manquer. Un vrai coup de chance, compte tenu de tous ces hôpitaux dévalisés où il ne restait plus rien. Les maisons visitées précédemment n'avaient pas été aussi généreuses : je me pointais le plus souvent trop tard.

Le manoir tout entier se mit d'un coup à vibrer.

À quelques rues d'ici, j'entendis approcher les camions du convoi dans un vrombissement extraordinaire : les gars arrivaient pour faire le plein, dans la station-service que je leur avais indiquée par radio, deux jours plus tôt.

Le temps d'accrocher la sacoche en bandoulière, je me précipitais dans le couloir pour dévaler le grand escalier menant à l'entrée de la maison.

Shhhhhh crrrrrr, Maggie est-ce que tu nous reçois ? Crrrrrr... allô Marguerite... Shhhhhh crrrrrr, la station est quasi vide crrrrrr... On prend ce qu'il y a, et on décolle... Shhhhhh... Allô Marguerite...

Tien

Oui, j'ai toujours été enthousiaste.

Lorsque le monde est devenu enfer, j'ai vite compris que ça pourrait rapidement causer ma perte. Ne pas en faire trop, faire juste ce qu'il faut ! Voilà la bonne ligne de conduite à adopter dès le départ. 

Avoir réussi ma mission en amenant le convoi jusqu'au ravitaillement, j'aurais pu en rester là. Fouiller dix maisons, sans rien trouver : j'en avais l'habitude au fond, et ce besoin d'en faire une de plus me motivait toujours. Je me sentais utile.

De me précipiter dans cet escalier, au point d'en oublier ses marches pourries, et d'y passer au travers toute entière... Et terminer quelques mètres plus bas, assommée sur le carrelage de l'entrée : je me reconnaissais bien là.

J'aurais dû la buter cette gamine...

Lorsque le convoi m'a retrouvée, j'étais dans la cuisine de ce foutu manoir, les pieds dans la flotte, en train de boulotter je ne sais quelle innommable chose venant ce réfrigérateur. Quel triste tableau, me direz-vous !

Ils m'ont mis une balle dans la tête, et à la gamine aussi ; ils ont récupéré la sacoche ; et nous ont fait d'adorables petites sépultures, l'une à côté de l'autre, dans le jardin en friche, derrière la baraque.

Je suis sortie de ce calvaire comme j'y suis entrée : en n'ayant conscience de rien ; c'était là une chance finalement. Aussi, on ne se souviendra bientôt plus de moi, vu qu'il n'y aura plus personne, ici-bas, pour se souvenir de qui que ce soit.

Le reste du monde quant à lui, avait déjà glissé dans le crépuscule, vers une nuit d'un genre nouveau ; et c'est mieux comme ça.

Le convoi avait repris sa route en direction du sud, laissant la carabine de Marguerite sur le perron de la maison, comme le voulait la tradition.

Triste fin pour cette pauvre Maggie* ! J'espère que l'histoire vous aura plu. Je n'ai pas voulu faire trop long, pour éviter de lasser les lecteurs qui s'y seraient aventurés. J'avoue avoir eu du plaisir à l'écrire, et peut-être autant que vous en avez eu à la lire. Dites-moi ce que vous en avez pensé, je vous en serais reconnaissant.

*Marguerite ou Maggie est un petit clin d'œil à un personnage de la série "Walking Dead". Mais ça s'arrête là.

Je vous adresse un immense merci !

Alex

MargueriteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant