La petite négociatrice

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« Des pommes ? répéta Faust sans saisir.

— Vermine nous a apporté des fruits pour qu'on puisse manger. Parce qu'on est des sorciers, alors on doit s'alimenter pour ne pas mourir, comme les vampires boivent du sang. Et Adam, il va devoir beaucoup se nourrir, vu comme il est blessé, expliqua Melody.

— Je ne comprends pas...

— Je vaux moins que Adam et Clarence. Et Clarence, en plus, elle doit s'occuper d'Adam pour ne pas qu'il expire. Donc, qui va aller récupérer des pommes ? »

La question ne trouva pour répondre qu'un silence dubitatif. Melody reprit une courte respiration.

« Clarence et Adam sont précieux, mais moi, tu peux courir le risque que j'aille à la cuisine pour nous chercher à manger, non ?

— Non.

— Ah. Je croyais que tu voulais pas t'embêter à veiller sur nous et que c'était pour ça que Vermine devait le faire. »

Faust poussa grondement de gorge profond, entre le soupir et le cri de frustration. Le son, inhumain, figea les trois enfants, taisant les sanglots d'Adam, dressant les cheveux sur la nuque de Melody et les poils sur les bras de Clarence.

Melody, toujours coincée entre le mur et la créature, déglutit et jeta un coup d'œil à ses camarades.

Clarence écoutait avec beaucoup d'attention la discussion entre Melody et la vampire. Elle se mordait la langue et retenait sa respiration. Un souffle de travers aurait pu tuer son amie sur place.

Adam, lui, pleurait et se balançait d'avant en arrière. Il sursautait et, à chaque éclat de la voix cristalline de Faust, il gémissait. Plus rien d'autre ne semblait exister pour lui, pas même les bras que sa nouvelle fiancée s'efforçait de garder bien serrés autour de lui.

La petite négociatrice s'efforçait de s'empêcher de trembler, mais ça ne fonctionnait pas vraiment.

« Si tu ne veux pas nous donner à manger, il faut bien que quelqu'un s'en charge, et...

— J'ai compris, je ne suis pas conne ! »

La fillette détourna le regard tant l'agressivité que mit Faust dans sa réponse l'effraya. Elle était contente de sentir le mur dans son dos, sans ça, elle en était certaine, elle serait tombée au sol, juste de peur.

« Non, mais t'es malpoli par contre, murmura-t-elle très très bas, parce que la première fois, être, elle, malpolie, ça avait faire rire la créature, et que c'était mieux que rien.

— Je te mange là, maintenant tout de suite, je te vide, mes dents, dans ton cou, en moins d'un soupir t'es morte, gamine, moins d'une seconde, débita Faust à mi-voix. Je te casse les cervicales, je te broie les genoux, te sors les tripes, te perfore le cœur, tu cries, tu hurles, tu supplies, comme tous les autres humains dont je me délecte tous les jours, toutes les heures ; des litres et des litres entre mes crocs, le long de ma gorge, dans mon ventre qui a toujours, toujours, toujours faim ; comme des mâchoires qui mâchent toujours, jamais satisfaites, jamais rassasiées du sang, de la vie des autres ; gavées, repues, saoules, à peine le temps d'un battement, enfin ! d'avoir tué, brisé, détruit, ravagé et anéanti ton corps, ton âme, toi, et tes semblables, vous autres, bouts de chaires trop en vie, trop chauds, trop doux, trop délicieux pour que je vous tolère. »

Melody retenait son souffle, incapable de détourner les yeux des dents effilées que le long monologue animait d'une furie hypnotisante. Faust se tut, brutalement, éructa un grognement de fond de gorge, puis tapota la tête de la fillette, qui crut défaillir.

« Bref, tu es très appétissante Menteuse, ça m'en coûte de ne pas te croquer, ça m'en coûte de ne pas monnayer ta vie auprès de l'éternité. Mais soit. Suis-moi, je te montre la cuisine. »

Melody, huit ans, deux vampires et l'apocalypseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant