2. Instabilité logicielle

559 53 20
                                    

Cela faisait deux heures que Hank était arrivé au commissariat en compagnie de Connor. Ils étaient en train de collecter et de connecter toutes les pièces à convictions que la police criminelle avait pu rassembler pour leur nouvelle affaire.

Comme à chaque fois qu'ils avaient une relation purement technique et éloignée de tout grief, le lieutenant de police se surprenait à trouver plaisant le professionnalisme et la sagacité de l'androïde. Mais après tout, c'était normal pour une machine ; ses algorithmes étaient conçus pour analyser chaque donnée qu'il avait en sa possession.

Néanmoins le policier, en homme de terrain, sentait que Connor restait sur sa réserve. Il avait dû lui signaler plusieurs fois des indices qu'il avait laissé de côté, de manière consciente ou non.

- Tes circuits sont encrassés ?! Tu as encore laissé de côté la lettre écrite par le déviant, fit-il pour la troisième fois en lui tendant un papier froissé, couvert de pattes de mouches.

Le RK800 cligna des yeux.

- Je suis désolé lieutenant Anderson, mais mes circuits ne peuvent pas s'encrasser. J'ai été conçu dans les locaux de Cyber...

- Essaie juste d'éviter de mettre des indices de côté.

Hank avisa l'écriteau d'interdiction de fumer à l'entrée de son bureau, puis grogna. Il jeta un nouveau regard au tas de pièces à conviction étalées sur la table. Il y avait la lettre, les photos de la scène de crime, les enregistrements de Connor, un couteau, et des morceaux d'androïdes sexuels (mains, pieds et têtes) que des stagiaires un peu trop zélés avaient eu la merveilleuse idée de ramener dans son bureau. Il y avait aussi tout un dossier de photos cochonnes appartenant à la victime.

Le lieutenant de police chevronné avait retracé le schéma actanciel du déviant, mais malgré les éclairages de son collègue robotique, il était dans le flou. Le T5000 défectueux (qui se nommait Midas), avait commencé à déconner au moment où son propriétaire, un riche philanthrope qui répondait au nom de Léonard Mills, avait ramené une escort-girl humaine pour passer une nuit monnayée. Midas avait commencé par s'emparer d'un couteau pour tuer la prostituée, puis avait poursuivi en démembrant toutes les hôtesses de l'Eden Club qui avaient fréquenté Léonard.

Hank se frotta le menton, songeur. Son regard croisa les yeux fixes et sans vie de la tête de l'une des hôtesses androïde, un modèle Tracy assez commun.

- J'vais fumer. J'avance pas et ça me saoule. Range-moi ces têtes de robot-putes ça fout les jetons.

Il sortit une cigarette de son manteau, puis se dirigea dans l'open-space du commissariat pour sortir.

Il regretta instantanément d'être sorti lorsqu'un gros flocon blanc se posa sur ses bottes en cuir usées. Détroit, en cette fin novembre, connaissait ses premières neiges. Une fine couche de poudreuse s'était déposée sur sa BMW noire garée devant lui.

- Connerie de météo.

Avec le ciel gris et la neige qui flottait dans l'air, la rue était déserte. Seuls les androïdes affectés aux ordures ou aux travaux publics étaient de sortie. Les grands panneaux lumineux publicitaires mis en place par Cyberlife étaient les seules sources de couleur dans la tristesse et la dépression qu'était la ville de Détroit. L'un d'entre eux vantait la qualité des androïdes RT200, parfaits pour jardiner, et l'autre celui d'un modèle semblable à Midas, l'androïde déviant.

Il y avait tant de modèles et de types de robots humanoïdes que tous s'y perdaient, à force. Hank porta sa cigarette à ses lèvres, laissant son esprit divaguer.

Detroit : Become Deviant (Hank x Connor)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant