Diégo fit une erreur d’accord, et Céleste se crispa sur son archet. Mais elle continua de faire grincer les cordes, encore et encore, sans jamais s’arrêter, jusqu’à ce que les dernières notes de sa musique s’évaporent dans les airs.Elle ouvrit les yeux, et sourit. Ils avaient réussi. Diégo poussa un long cri de victoire, qui se répéta en écho dans le conservatoire vide.
Sans laisser le temps à Céleste de vouloir recommencer, il s’empara de son sac à dos à ses pieds. Il se dégourdit les jambes, et défroissa les manches de sa veste bleue marine. Pendant ce temps, Céleste remit son violon dans l’étui de cuir.
Ses jambes lui faisaient un mal de chien, pour être restée debout pendant presque cinq heures. Mais elle ne broncha pas. c’était le prix à payer pour pouvoir un jour égaler sa mère...
Le soleil était déjà bien bas dans le ciel. Au loin, la ville de Florence se laissait lentement envahir par la pénombre de la nuit. Les montagnes de l’horizon étaient presque invisibles, assombries par les nuages automnaux de la nuit. On pouvait voir le disque lunaire dans le ciel, alors que le ciel violacé n’avait pas encore finir de s’assombrir.
— J’arrive pas à croire que tu m’aies fait bosser aussi tard. Mon père sera à la maison pour dîner, tu sais combien c’est rare. Il a fini sa tournée à Chicago hier soir.
— Tu as de la chance, opina Céleste en s’emparant de son sac à dos. J’ai causé avec mon père hier soir par webcam. La saison a été prolongée, et il ne sait pas s'il pourra revenir à temps pour ma représentation. Quant à mère, c’est une autre histoire...
Ils sortirent dans le couloir, et traversèrent la rangée des salles de classe. Puis ils empruntèrent des escaliers recouverts de tapis rouge, qui les mènerait au hall d’entrée. Le conservatoire était entièrement vide. On aurait pu entendre une mouche voler. Céleste avait l’impression que les tableaux fixés au mur la regardaient.
— Tu ne peux pas en vouloir à ta mère, rigola Diégo. Enfin, je veux dire… c’est Estrela Pastorella. Déjà par définition même, c’est une femme inaccessible. Elle est toujours entre deux concerts. Tu devrais être contente d’avoir héritée de son talent.— Elle m’a adopté, riposta l’adolescente en ouvrant la porte du hall, je n’ai rien hérité d’elle. ma maitrise du violon, je le dois à moi-même. Et un jour viendra où je pourrais me mesurer à elle et la battre à son propre jeu. Elle n’aurait jamais dû m’adopter si je n’ai le droit de la voir qu’à Noël. Ce n’est pas une mère, c’est une rivale.
— Et merde ! s’exclama le blond, en s’arrêtant net au milieu du vaste hall éclairé de luminaires incurvés.
— Ça, tu l’as dit.
— Non, en fait…j’ai oublié mon téléphone dans la salle des instruments. Tu m’attends, je ne serais pas long.
— Fais vite, grogna Céleste, j’ai trop fait attendre mon chauffeur…
L’adolescent fit demi-tour en courant, son sac balançant derrière lui. Pendant ce temps, Céleste profita du calme pour travailler son chant. Elle adorait l’écho que renvoyait la pièce à la voussure recouverte de peinture.Elle se mit à chanter une vieille chanson traditionnelle et, rien à dire ; sa voix égalait sans nul doute son jeu de violon. Elle ferma les yeux, et leva les mains au ciel en laissant sa voix vibrer en phase avec la vaste pièce. Elle se surprit même à exécuter quelques pas de danse, prise sous l’entrain de son a capella.
Mais subitement, elle crut entendre une voix l’accompagner. Elle se tût, et le silence remplaça l’écho cristallin. Elle se tourna dans tous les sens, mais il n’y avait personne.
— Diégo…appela-t-elle. c’est toi, Diégo ?
Personne ne répondit. Elle savait néanmoins déjà que ce n’était pas Diégo. Diégo avait une voix de type contralto. Légèrement aigue avec un timbre particulier. Mais la voix qui venait de l’accompagner était un Baryton.
Elle déglutit, et resserra sa main sur son sac rouge. Pour vérifier qu’elle n’avait pas rêvé, Céleste se remit à chanter. Elle chanta le couplet seule, mais quelqu’un l’accompagna à nouveau lorsqu’elle entama le refrain.
Son cœur frémit dans sa poitrine. Il y avait effectivement quelqu’un qui chantait avec elle. Elle fut assaillie par la tentation de s’enfuir, mais Diégo était encore à l’étage. Elle ne pouvait l’abandonner.
— Qui est là ? cria-t-elle. Seul l’écho de sa voix lui revint.Autour d’elle, les grands portraits accrochés sur le mur jaune auréolin semblaient la dévisager. Ils lui paraissaient encore plus effrayants. Tout compte fait, elle allait rejoindre Diégo à l’étage et ils redescendraient ensemble. Hors de question qu’elle reste ici seule.
Sans en réfléchir plus, elle monta les escaliers deux à deux, les pans de sa jupe soubresautant à chacun de ses pas. le chemin lui paraissait soudain plus long. Mais elle ne relâcha pas sa course. Elle avait la mauvaise impression que quelqu’un était à ses trousses, mais n’osa pas regarder derrière elle.Soudain, elle entendit un cri glaçant provenant à quelques mètres de là. Elle s’arrêta net au milieu du couloir longiligne. Elle avait sans peine reconnu la voix de son meilleur ami. Elle fut soudain comme paralysée, ses longues jambes clouées sur le parquet beige.
Elle aurait dû haleter après cette course frénétique. Au lieu de ça, sa respiration se bloqua. Des spasmes traversèrent ses mains, lorsqu’elle sentit un souffle froid hérisser les poils de son cou. Elle n’osa pas se retourner, sachant avec pertinence il y avait quelqu’un à quelques centimètres derrière elle. Un brigand, pensa-t-elle. Le bouton d’alarme était devant elle, mais elle ne pourrait jamais l’atteindre.
— Prenez tout ce que vous voudrez, négocia-t-elle, mais si vous posez une main sur moi vous allez devoir me tuer.
Aucune réponse. Céleste se demanda si son cerveau ne lui avait pas joué un tour, et si elle n’était pas en train de converser seule, là, dans ce couloir désert. Le seul moyen de le savoir était de se retourner. Une simple rotation de cent-quatre-vingt dégrés. Mais ce fut sans doute le mouvement le plus dur de sa vie. Lentement, elle fit volte-face. Et son cœur faillit rater un battement.
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THE HYBRID ~tome 1~
ParanormalCéleste est au troisième cycle, au conservatoire de musique Gelsomino de Florence. Quand son meilleur ami et elle sont témoins d'un combat entre deux anges au sein même du conservatoire, elle croit rêver. Sauf qu'elle ne rêve pas. Bridge et Mallory...