Épisode 7 - J'explore - Part II

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Par... Romain, hé bien quelle chance, le premier s'en sort très bien avec sa mèche brune au vent, en selfie devant les quais de la Garonne. Je suis d'humeur open, je Like en retour, soyons folles.

Les quatre suivants ne m'inspirent pas grand chose, mais le cinquième est très à mon goût... mmm vraiment pas mal OSS117, oui ; un Like pour lui et avec un tel pseudo, soit il a de l'humour soit il pense ressembler à Jean Dujardin. C'est vrai qu'il a un faux air de l'acteur, le sourire peut-être ou le regard malicieux. C'est si enivrant d'avoir tant de choix. Je fais des bonds sur place et mon cœur palpite fort, je transpire.

Continuons : pas assez sportif, mal fringué, je n'aime pas le regard biaiseux et libidineux de celui-ci, on dirait qu'il prépare un sale coup et celui-là me fait peur, ce n'est pas interdit de sourire un peu, moche, arrg, horrible, ah c'est mieux, moche, moche, moche, joli, moche, joli, joli, moche, moche, next, like, next, next, next, next, next, next, next, next... Me voilà devenue un robot à trier du mec dans le centre de logistique "Au Meat Market 2.0". Je sais que je suis hypnotisée par les photos et les "swipes" qui se présentent à moi et pourtant je continue, en quête du prochain shoot de l'inconnu, de la pulsion de découverte, de la quête de récompense, de résultat express, de gratification immédiate. Me voilà déjà conditionnée et accro.

Je reçois une salve de messages. Ce sont certains des garçons que j'ai likés en retour.

Mmh, voilà un message de Romain, l'homme à la mèche : "Salu sava ?"

Désillusion ! Ça pique les yeux autant que cela me refroidit, rédhibitoire, chute vertigineuse de mon intérêt pour cet inconnu. Soit il est sot, soit il ne fait aucun effort pour me connaître. Dans les deux cas, la sanction est sans appel : Au suivant !

OSS117 : "Hello bb, j'kif ton q"

Euh, bb ? Il me prend pour qui lui. Quel manque de tact, cela respire le copier-coller en mode industriel, il n'y a même pas mes fesses sur la photo... au suivant !

Eddy : "Bonsoir toi, comment vas-tu ?"

Oh, une phrase correctement écrite. Oui oui, c'est bien ça, inversion du sujet, verbe, point d'interrogation, tout y est. Il a mérité une réponse.

- Plutôt bien et toi ?

- Aussi

Ok, et quelle est la suite du programme ? Je relance la discussion ? Non ça ne se fait pas, il faut qu'il fasse un minimum d'effort tout de même. Respecte les codes de bonne conduite en ligne où tu vas passer pour une hystérique. C'est lui qui est entré en contact, qu'il se bouge un peu. Attends quelques secondes. Toujours pas de réponse, a-t-il atteint les limites de son QI ? Ou alors me suis-je faite doubler par une nuée de femmes plus expertes que moi qui ont détourné son attention ? C'est peut-être ma photo qui ne donne pas très envie... pas sûr, sinon il ne m'aurait pas Liké... bref, respire profondément, fais le vide... prête ? Au suivant !

Et voilà une ribambelle de remarques sur ma photo, cela m'a amusée deux minutes mais à vrai dire, les commentaires sont banals et tellement prévisibles, voire très vulgaires, de vrais tue-l'amour en définitive. J'ai bien compris qu'une bonne proportion de ces messieurs propose ses services pour retirer ma robe noire (pour les plus éduqués) voire la déchirer animalement (pour les plus audacieux). Après tout la photo n'est pas si mauvaise, cela me rassure un peu. Ce qui me rassure moins, ce sont les termes employés par ces anonymes dominés par leur pulsion scopique qui se permettent tous types de marques de respect très questionnables. Cela va de la grossièreté ignorante basique jusqu'à l'insulte misogyne frappée du sceau de l'aigreur et de la frustration ou la voracité masculine. Le tout est assaisonné d'une vulgarité à peine lisible si je ne faisais quelque effort de traduction entre les fautes de grammaire et d'orthographe ; effort que je ne veux plus faire désormais.

Au suivant, au suivant, au suivant...

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