Chapitre 1

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C'était en plein cœur de janvier.
Le ciel d'un blanc glacial semblait suspendu au-dessus de la ville, les arbres dénudés se tenaient comme des spectres dans la neige. L'hiver touchait presque à sa fin, mais la morsure du froid persistait, implacable.
Comme à son habitude, Erina descendit pour chercher son courrier, les pensées occupées par l'attente lancinante de la réponse à son entretien d'embauche. Cela faisait déjà trois mois qu’elle espérait des nouvelles, et même si elle tentait de se convaincre que cette attente était normale – après tout, elle avait postulé dans une prestigieuse agence de communication d'East Land – l'incertitude commençait à lui ronger les nerfs.

Quand enfin, elle attrapa la pile de lettres dans sa boîte aux lettres, une enveloppe rouge attira son regard. Intriguée, elle la fixa un long moment sans parvenir à en déterminer l’origine.
Elle ferma précipitamment la boîte et se hâta de rentrer chez elle.

Sur son canapé en cuir, enveloppée dans une douce chaleur, Erina déchira enfin la première lettre, celle qu'elle attendait depuis douze longues semaines : la réponse de l’agence. À sa grande surprise, c’était une bonne nouvelle.
Elle avait obtenu le poste en CDI, au sein de l’agence de ses rêves. Un sourire sincère se dessina sur ses lèvres alors qu’elle relisait la lettre, abasourdie. Le sentiment de fierté, de soulagement aussi, fit battre son cœur plus vite. Elle allait commencer demain, à neuf heures, une nouvelle étape de sa vie qui semblait enfin se dessiner. Elle n’arrivait pas encore à y croire, à cocher cette case sur sa liste de rêves.

Les autres lettres n'étaient que des factures : électricité, téléphone, loyer… Rien d’important. Erina s'apprêtait à tout ranger, mais la lettre rouge se rappela à son attention. Après une pause hésitante, elle décida de l'ouvrir.

À l’intérieur, des mots remplis de douceur et de mystère :

"Quand je te vois le matin,
Ton visage est mon rayon de soleil,
Il reflète la bonté et la sagesse.
Ne me prends pas pour un psychopathe,
Ou pour un homme sans cœur,
Je sais que ces mots peuvent sonner étranges...
Mais j'avais besoin d'écrire,
De poser mes sentiments sur le papier.
Parce que j'aime te voir sourire,
Et t'entendre rire.
J'aimerais te connaître davantage,
Savoir ce que tu aimes,
Ce que tu désires,
Ce que tu souhaites,
Au plus profond de toi.
Un admirateur."

Erina resta figée, les mains tremblantes, son souffle coupé. La lettre semblait emplie d'une sincérité désarmante, mais elle ne comprenait toujours pas qui en était l’auteur. Elle la relut plusieurs fois, tentant d’y trouver un indice, mais rien. Pas un nom, pas un signe.
Le mystère s’épaississait. Qui était cet admirateur secret ? Elle en avait le cœur battant. Et une promesse : elle le découvrirait.

Assise sur la chaise de son bureau en bois clair, son regard était aussi déterminé que son geste, tenant fermement un stylo. Elle rédigea alors une réponse, sans grande conviction au fond, mais poussée par la curiosité :

"Cher admirateur,
Je te remercie pour ta lettre pleine de tendresse.
Cependant, je ne peux vraiment savoir si je partage tes sentiments tant que je ne connais pas ton identité.
Voudrais-tu me dire qui tu es ? Cela me permettrait peut-être d'envisager quelque chose de plus... concret.
Erina."

Fière de sa démarche, Erina enfila son manteau et se dirigea vers chez sa meilleure amie, Sasha, qui l’avait invitée à passer la soirée avec elle. Cela faisait un moment qu’elles ne s’étaient pas retrouvées, et avec son emploi du temps chargé de grande reporter, les occasions s’étaient faites rares.

Les deux jeunes femmes étaient nées le même jour, dans la même année. Leurs parents s’étaient rencontrés à l’université et, en tant que voisines, elles avaient grandi ensemble, plus proches que des sœurs. Même si elles étaient des opposées parfaites – l’une calme et réservée, l’autre impulsive et intrépide – leur amitié était inébranlable. Vingt-deux ans d’une complicité qui n’avait jamais faibli.

Devant l’immeuble de Sasha, Erina sentit le froid l’assaillir. Le vent perça son manteau, mordant sa peau, mais elle n'y prêta guère attention. Elle se dirigea vers la boîte aux lettres commune. Ce système unique à East Land permettait de répondre aux lettres anonymes sans que l’expéditeur ne sache jamais qui avait répondu. Un moyen comme un autre de garder une part de mystère… et peut-être de découvrir ce qui se cachait derrière cette énigme.

Une fois sa lettre envoyée, Erina espérait sincèrement que son admirateur finirait par se dévoiler. Mais, au fond, elle n’était pas du genre à se livrer facilement. Sa dernière histoire d’amour l’avait profondément marquée. Sa relation avec Lost, qui avait duré dix ans, s’était finie brutalement lorsque celui-ci lui avait avoué qu’il la trompait depuis cinq ans avec une de ses anciennes camarades. Ce coup de poignard dans le dos avait brisé son cœur, et il lui avait fallu plusieurs mois pour se remettre. Aujourd'hui, bien que prête à croire de nouveau en l’amour, elle n’était plus la naïve jeune femme qu’elle avait été. Elle était devenue plus prudente, plus forte, plus méfiante.

Arrivée chez Sasha, elles se retrouvèrent comme toujours, dans la chaleur de leur amitié. Le salon était à l’image de sa propriétaire : chic, raffiné. Sasha, occupée à préparer du thé, se pencha vers elle dès qu’elle entra.

"Alors, tu as eu ta réponse ? Demanda-t-elle en voyant l’air un peu ailleurs de son amie.
— Oui, j’ai été prise en CDI ! Répondit Erina avec un sourire sincère, encore sous le coup de l'émotion.
— Super ! Mais… il y a autre chose, non ? Tu as l’air préoccupée.
Erina baissa les yeux.
— Oui… j’ai reçu une lettre d’amour d’un admirateur secret.
— Quoi ?! Sasha s’étonna, le regard brillant de curiosité.
— Quand ça ?
— Aujourd'hui, en même temps que la réponse de l’entretien.
Sasha posa le thé sur la table et se tourna vers elle.
— Alors, qu’est-ce que tu vas faire ?
— Je lui ai écrit, je lui ai demandé son identité. Tu sais bien que ce genre de truc m’agace.
— Oui, je sais, mais là, je te conseille vraiment de tenter le coup. Et qui sait, peut-être que ce sera l’amour !
Erina haussa les épaules, un petit sourire sur les lèvres.
— Tu crois vraiment ça ?
— Bien sûr ! s’écria Sasha, les yeux pétillants de malice.
— Eh bien, si tu insistes…" répondit Erina, plus enthousiaste qu’elle ne l’admettait.
— Tu m’aides ?
— Évidemment, je suis là pour ça !"

Quelques heures plus tard, Erina rentra chez elle, épuisée mais intriguée. Allongée dans son lit moelleux, elle réfléchit à cette chasse à l’admirateur. Une enquête qui, elle en était certaine, changerait sa vie.

Elle s’endormit en se demandant si, cette fois, ce ne serait pas elle qui tomberait amoureuse…


Le jeu était lancé. Mais qui était cet admirateur ? Et surtout, qu’allait-il se passer maintenant ?


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