Chapitre 19

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La jeune femme aux prunelles dorées prit une gorgée de son thé à la rhubarbe, les doigts délicats effleurant la tasse tandis qu'elle jetait un coup d'œil furtif à l'horloge. Vingt heures cinquante. Il lui restait encore vingt minutes avant que Blaze ne vienne la rejoindre.

Une impatience croissante s'empara d'Erina. Elle avait hâte de retrouver le reste du groupe pour une promenade nocturne, un rituel gravé dans le passé. Quatre longues années s’étaient écoulées depuis qu’ils n’avaient pas arpenté les rues de leur ville natale ensemble, partageant leurs pensées et leurs rêves sous la lumière de la lune. Ces balades étaient devenues des moments précieux, où chacun se confiait avec l'espoir d’être soutenu, réconforté face aux épreuves de la vie.

Le souvenir de ces instants raviva en elle une nostalgie profonde. Un sourire mélancolique effleura ses lèvres alors qu’elle songeait à l’adolescente qu’elle avait été, insouciante et ambitieuse. Si elle pouvait, elle reviendrait en arrière, pour revivre cette époque bénie. Mais la jeunesse éternelle n’existe pas, et elle en était désormais pleinement consciente. Ainsi va la vie, éphémère et inéluctable.

Erina secoua la tête pour revenir à la réalité. Une nouvelle gorgée de thé, puis elle se connecta à sa boîte mail. Cela faisait presque une semaine qu’elle ne s’était pas aventurée dans cet espace numérique. Elle se félicitait d’avoir résisté à la tentation, même si ce n’avait pas été facile.

Un mois plus tôt, elle avait envoyé ses neuf manuscrits à autant de maisons d'édition de Séos. Désormais, elle espérait, secrètement, trouver une réponse positive dans sa boîte de réception.

Les battements de son cœur se firent plus rapides à mesure qu’elle scrutait la liste des messages. La tension montait, son corps se réchauffait soudainement, et elle mordillait sa lèvre inférieure, ne pouvant contenir l’angoisse. Ses prunelles dorées se posèrent sur un mail en particulier. Un frisson la traversa. Elle avait reçu une réponse de toutes les maisons d’édition, sans exception.

Elle cliqua sur le premier message, celui de The World of Feathers, une maison d'édition prestigieuse à Séos.

« Chère Mademoiselle Brizer,

J'ai lu votre manuscrit « Sunshine Lovers » et je le trouve tout simplement exquis ! L'histoire d'amour entre May et Fry est puissante, elle m'a beaucoup touchée.

Votre roman est exactement en accord avec notre ligne éditoriale. C'est la raison pour laquelle j'aimerais signer un contrat d'édition avec vous.

Je suis persuadée que « Sunshine Lovers » fera un carton !

Envoyez-moi vos disponibilités afin que nous puissions organiser un rendez-vous.

Toutes mes amitiés,

Laurivia Callipso. »

Un choc, un éclat. Ses yeux restèrent fixés sur ces mots, incapables de s'ancrer dans la réalité.

Erina avait peine à y croire. Son vœu le plus cher s'était enfin réalisé.

Cependant, sa joie eût été bien plus grande si elle avait pu partager ce moment avec sa jumelle. Sunshine lui manquait terriblement. Bien qu'elle sache que sa sœur était toujours en vie, cette pensée la tourmentait ; c'était cette certitude qui la faisait souffrir. Elle espérait seulement que sa sœur trouvait le bonheur, où qu'elle fût.

Elle répondit à Laurivia en lui promettant de l'informer de la suite, puis se plongea dans la lecture des autres mails, parmi lesquels se trouvaient ceux des éditeurs ayant refusé de publier son roman La Rose.

Le dernier courriel, envoyé par "Kingdom of Books", la bouleversa profondément. L'éditeur semblait avoir pénétré ses pensées les plus secrètes.

« Chère Erina Brizer,

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