Chapitre 10

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Il y avait une semaine déjà, la rose était venue chez le bleu pour lui avouer ses sentiments. Mais elle n’était pas prête à commencer une nouvelle histoire.

Était-ce trop tôt ? Avait-elle peur de souffrir à nouveau ? Quels étaient ses doutes secrets ?

Le jeune homme à la chevelure azurée s’était acharné toute la semaine à trouver des réponses à ces questions, en vain. Erina était la seule à les détenir, mais il savait qu’il ne la reverrait pas avant un moment.

Ce week-end enfin, Blaze pouvait relâcher la pression de son quotidien professionnel. Pour ne pas penser à celle qui faisait battre son cœur, il s’était jeté corps et âme dans ses affaires pendant cinq jours, traversant la semaine la plus productive de sa carrière de commercial chez Dreaming Food.

Ce soir-là, le bleu se trouvait dans son salon à l’atmosphère chaleureuse, feuilletant un de ses albums photos d’enfance.

Son enfance avait été heureuse. Ses parents s’étaient assurés qu’il ne manque de rien. Le fait d’être fils unique l’avait parfois pesé dans son jeune âge, mais avec le temps, il avait appris à apprécier cette solitude. Surtout que Delmar, son cousin, avait toujours été le frère qu’il n’avait jamais eu. Nés à quelques heures d'intervalle, leurs mères, jumelles, avaient vécu leurs grossesses presque simultanément.

Son adolescence, en revanche, avait été plus tourmentée. Comme tant d’autres, Blaze avait traversé la crise rebelle : soif de liberté, tensions avec ses parents, autant de souvenirs qui ressurgissaient alors qu’il parcourait les pages jaunies du passé.

Pourtant, parmi ces années parfois agitées, les voyages effectués avec ses amis, dont Erina, restaient les plus beaux souvenirs de sa vie. Ensemble, ils avaient arpenté les quatre coins de Séos, vivant chaque aventure comme un trésor.

Il se remémorait leur premier voyage. À l'époque, ils étaient en deuxième année de secondaire et avaient décidé de passer les vacances d’automne à Moon Town. La proximité de cette ville à moins d'une heure d’East Land rassurait leurs parents, mais pour eux, c’était l’évasion rêvée, une promesse de nuits animées et de découvertes.

Le dernier voyage avait aussi une place particulière dans le cœur de Blaze. C’était leur ultime été avant le passage à la vie étudiante, et ils avaient choisi Storm Land, célèbre pour sa popularité auprès des jeunes adultes.

Blaze tomba sur une photo qui fit naître une émotion presque douloureuse. Sur ce cliché, ses amis brandissaient une pancarte où l'on lisait « Félicitations Blaze ! » Le jour où il avait été accepté dans une prestigieuse école de commerce de Séos, ils avaient célébré comme à leur habitude. Cette tradition de fêter chaque réussite, petite ou grande, avait été initiée par Erina lorsque Sasha, à dix ans, avait reçu un simple bloc-notes pour s'entraîner au métier de journaliste. Aujourd’hui, Sasha était devenue une journaliste accomplie, sans se douter à l’époque de son avenir.

Le groupe représentait une seconde famille pour Blaze. Ils avaient partagé tant de moments précieux qu’il ne regrettait pas un instant leur présence dans sa vie, même si le rythme effréné de leurs carrières les éloignait désormais.

Une idée commençait à germer dans l’esprit du bleu. Il la chassa pour l’instant et rangea l’album. Lentement, il se leva pour se préparer une tasse de thé, mais la sonnerie de la porte retentit, coupant son élan.

Il se dirigea vers l’entrée, traînant les pieds. Un samedi ensoleillé comme celui-ci, il imaginait les habitants se promenant dans les rues, les parcs animés, les gens s'adonnant au sport ou aux emplettes. Qui donc pouvait bien venir le déranger ? Lui n’avait envie que de solitude et de lire la presse économique.

À sa surprise, son visiteur n’était autre que Zéphyr, son meilleur ami, accompagné de Delmar, son cousin.

Blaze les laissa entrer sans un mot, ce qui étonna les deux jeunes hommes. Ils échangèrent un regard intrigué avant de le suivre dans le salon, où le silence s’installa comme une ombre lourde.

— Bon, Blaze, qu’est-ce qui se passe ? lança enfin Delmar, rompant le silence.

Le bleu releva la tête, fixant son cousin avec une tristesse apparente avant de répondre, la voix basse :

— Erina n’est pas prête.

— Elle est venue te voir ? s’étonna Zéphyr.

— Oui, il y a une semaine. J’étais si heureux, mais… elle a peur de souffrir, avoua-t-il en baissant de nouveau les yeux.

Le blond réfléchit un instant avant d’ajouter :

— C’est à cause de Lost, sans doute.

Blaze soupira. Il n’avait pas voulu y penser, mais son cousin avait raison. Lost l’avait trahie, et elle s’en était relevée avec difficulté. Blaze se promit qu’il ne serait jamais cet homme-là. Il aimait Erina de tout son être, pas seulement pour sa beauté, mais pour sa voix, son rire, ses gestes. Elle hantait ses pensées jour et nuit.

— T’as raison. Peut-être qu’elle reviendra quand elle sera prête, affirma Zéphyr, jouant distraitement avec une mèche de ses cheveux.

Blaze sentit un élan de gratitude envers ses amis, toujours là pour apaiser sa peine.

— Oui, je l’espère… Je l’aime, souffla-t-il, ses yeux se mettant à briller.

Delmar sourit et le taquina :

— Ah, toi, t’es vraiment amoureux, hein ? Tes yeux brillent comme jamais.

Zéphyr éclata de rire tandis que Blaze levait les yeux au ciel, agacé.

— Toi, tu parles, mais t’es pareil avec Joy, répliqua-t-il.

Le blond rougit, faisant rire ses compagnons. Blaze sentit son cœur se réchauffer ; leur présence lui avait manqué.

— Bon, on doit y aller, dit Zéphyr en se levant.

— Les filles nous attendent pour le shopping, ajouta Delmar, se grattant la gorge.

— Allez-y, je ne vous retiens pas, répondit Blaze, masquant tant bien que mal sa jalousie.

Le trio se salua, et Blaze resta seul, ses pensées virevoltant entre espoir et frustration.

Mais une nouvelle sonnerie le tira de sa rêverie. Cette fois, il accourut. Et lorsqu’il ouvrit, il vit la silhouette familière.

C’était elle.

Erina, avec sa crinière rose en bataille, le regard brûlant d’une émotion qu’il connaissait trop bien.

Leurs yeux se trouvèrent, et tout ce qui les séparait fondit en un instant.

Un instant chargé de promesses et de sentiments inavoués.

La LettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant