Témoignage à la Elo

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(Si vous voulez m'entendre lire ce témoignage approximativement (en même temps ou pas), je l'ai posté sur soundcloud: https://soundcloud.com/elo-wg/petit-temoignage , j'ai mis en lien externe )

disclaimer du turfu:

j'ai écrit ce topo à 1h du mat' en plein milieu du confinement, j'espère que vous allez tous bien <3 le confinement m'a fait beaucoup réfléchir sur mes études, moi-même, mon passé, mon rapport à la culture... et je voulais vous le partager, c'est un peu long mais je pense que c'est normalement pas trop chiant


✵✵


À quoi sert ce témoignage?

            À m'exprimer, je crois. À donner mon avis. À me libérer, en soit.

J'aimerais témoigner aujourd'hui, de ce que je ressens peut-être au plus profond de moi. Tout ceci sur un sujet sur lequel je n'ai pas l'habitude de parler en public, parce que je ne me sens pas légitime de le faire. Mais peut-être que ce soir, j'ai envie de raconter cette histoire.

J'écris depuis longtemps. Cette année, je publie même deux livres dans une maison d'édition chez Hachette. Je pense être fière de moi, même si je n'aime pas en faire des caisses. C'est chouette de réaliser un de ses rêves à 19 ans, ça donne même le smile tout le temps.

Mais ce dont je veux parler ce soir, c'est d'une expérience intime, de cette excitation enfouie à l'idée de lire un nom de famille asiatique marquée sur la page de couverture, l'attente de cette petite victoire personnelle, qui ne pèse rien dans le monde du livre.

J'ai décidé aujourd'hui de conter mon parcours chronologiquement, tout en passant dans l'ombre énormément d'événements. Je me concentrerai sur quelques thèmes : l'éducation, le français, l'écriture, la lecture, la double culture et ma scolarité.

Paris, Rive droite, Nord-Est. Je suis née dans une famille chinoise arrivée en France depuis deux ans. Mes parents ont grandi dans la province de Zhejiang, près d'une ville que les habitants de Belleville connaissent bien : Wenzhou. Les Wen ont un dialecte qui ne plaît pas oreilles... c'est même peut-être le plus insupportable à entendre dans le métro. Mes parents ont fait le choix de m'apprendre le mandarin plutôt que me parler dans le dialecte. Avec du recul, je trouve que c'était un bon choix.

Ma famille parle très mal le français. Mes parents savent lire, communiquent légèrement à la boulangerie mais sont incapable d'aller à la pharmacie me prendre des médicaments. Ils ont le vocabulaire suffisant pour soutenir leur business. Mon père, par exemple, pourrait nommer les parties du corps d'un porc ou d'un veau, sans pour autant être capable de comprendre les mots de mes professeurs lors de réunions parents-profs.

Heureusement, ils n'ont jamais eu à rencontrer mes professeurs. Et même s'il y en avait besoin, j'aurais fait la traductrice sans souci.

Et moi ? Le français, il apparaît où dans cette histoire ? Si vous avez déjà visionné une vidéo du rire jaune sur la double culture asiatique et française, vous découvrirez un fait auquel je peux fort m'identifier : j'ai découvert cette langue par hasard, entre pleurs et incompréhension, le premier jour de maternelle. Puis, vient le CP, où je me souviens d'avoir découvert une des activités mentales les plus impressionnantes de ma vie : la lecture, puis... rapidement aussi l'écriture. Mais focalisons-nous d'abord sur la lecture. Lire, assembler ces sons, donner du sens à ce que j'arrive à décrypter à travers ces associations. Toute petite, j'avais soif de lecture. Je me souviens de mes aller-retours à la BCD, du premier livre que mon père m'avait acheté parce que je l'avais supplié un soir alors qu'il voulait faire des courses au Casino. C'était un petit tome de Tom-tom et Nana. Je me souviens d'avoir dévoré les pages, traversé leurs aventures auxquelles je ne me reconnaissais pas. Je me souviens très bien de ce soir-là. J'avais demandé à mon papa un roman, il m'avait ramené une BD. Et étrangement, c'est là, la première fois que j'ai réalisé que je ne pouvais pas compter sur mes parents pour ce qui allait toucher à cette langue, au français, à celle qui m'inonde d'envie et de curiosité.

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