Chapitre 2

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                   Pourquoi j'écris

Les motifs qui auraient poussé quelqu'un à faire usage de sa plume et de ses talents d'écrivain, pourraient se prolonger à l'infini si j'en faisais une liste, vu l'unicité de chaque esprit.

C'est vrai, il y a ceux dont l'écriture constitue un métier, c'est évident que la raison principale est ce que cela rapporte du point de vue pécuniaire, mais c'est de moins en moins le soucis premier de ceux qui écrivent, c'est évident.

La gratuité des plate-formes numériques, qui déjà facilitaient grandement les tâches de quelqu'un voulant écrire et publier ses livres, n'arrangent en rien la situation de bon nombre de maisons d'édition ; qui se sont vues obligées de fermer leur porte ou de donner une plus grande place au numérique. C'est là qu'entre en jeu le piratage qui rend plus difficile le respect du droit d'auteur. Comme ça les profits baissent considérablement et l'écrivain fut donc le premier à le ressentir. Nul est le besoin de mentionner l'insatisfaction pécuniaire des auteurs dont écrire serait le seul métier, même les plus célèbres.

Là où bon nombre de gens se seraient volontairement passés de ce que cela pourrait rapporter, en un mot de l'argent, un peu de gloire ne les aurait pas laissés indifférents. C'est justement un des motifs les plus puissants. Ça l'est au point tel que je connais des gens qui auraient, volontiers, savouré une gloire intérieurement, secrètement sous l'anonymat. Sois que c'est leur nature de chercher à éviter les complications et les exigences d'un tel succès (on comprendra leur indolence), ou que leur condition le leur en empêche tout simplement. Voilà pourquoi il y a tant d'auteur.e.s inconnu.e.s.

  Le désir d'instruire, d'éduquer, d'éclairer la lanterne des autres, d'aider quelqu'un d'autre à adopter une voie jugée meilleure sont eux aussi des motifs assez puissants pour pousser quelqu'un à accoucher ses pensées par écrit ; et il en existe bien d'autres encore.

  Parmi eux des motifs qui seraient beaucoup plus difficiles à deviner, car plus complexes, intimes, profonds. Il est évident que l'auteur devrait être plus à même de vous les communiquer.
Par exemple, lorsqu'on écrit on s'évade de sa réalité ; si en lisant un livre on entre dans l'univers d'un autre, de ce fait, en écrivant on crée le sien. On crée un monde où tout nous est possible, car les lois sont différentes de celles de la vrai vie, nous en sommes d'ailleurs les législateurs. On peut y faire tout ce qu'on a pas pu faire dans le réel (faites vous en une image). Yves Berger l'a dit si bien : "Qu'il choisisse l'imaginaire ou que l'imaginaire le choisisse, c'est toujours contre le réel que l'écrivain travaille et de façon à l'oublier."

  Lorsqu'on écrit on s'évade de ses contraintes journalières, de ce qui en général occupent notre esprit, absorbent notre énergie, qui font de nous des gens préoccupés par des choses d'importance moindre ; parfois on oublie même de vivre, constamment sur le qui-vive.

  Parfois, on se surprend même à vivre un moment de paix, aussi bref soit-il, lorsque trop absorbé dans la construction de son monde idéal à travers l'écriture, on se déconnecte et oubli tout ce qui d'habitude génère du stress, de l'anxiété, de l'angoisse, du soucis, de l'inquiétude, de la peur, du regret, du remord dans notre vie de tous les jours ; surtout ce sentiment de vide, que rien ne peut combler, parceque la vie nous a arraché ceux et celles qu'on chérissait.

  Donc en créant un monde dont l'accès nous est éternellement garanti, on peut s'y réfugier à tout moment. On peut, alors, nous y ressourcer. On peut utiliser ce monde imaginaire pour siphonner les aléas de la vie du monde réel. Car l'écriture est un exercice spirituel qui nous libère.

Sur le papier on accouche nos peines, nos frustrations, nos envies, notre colère, nos déceptions, les blessures que nous inflige l'hypocrisie et les basses trahisons de certains et autres encore. Donc on comprend mieux ceux qui écrivent secrètement avec la ferme intention de ne jamais rien publier.
Ça permet de faire le vide pour mieux se relancer, on y canalise des sentiments inexprimables à voix haute, des choses qu'on ne saurait avouer à personne d'autre. Écrire et ne pas publier, est un état bien agréable.

Si l'on peut considérer le monde qu'on crée comme une extension de soi-même, eh bien, on grandit en écrivant. Cela peut même nous aider à devenir meilleurs.

À travers nos écrits, on donne accès aux autres à leur propre conscience profonde de leur être. Écrire c'est lire en soi pour écrire en l'autre disait Robert Sabatier ; ce serait, à mon sens, la meilleure introspection et la meilleure étude de l'être humain qui soit.

Écrire procure un bien fou, et aussi je veux m'amuser en amusant les autres, voilà pourquoi j'écris.

L'écrivain en herbeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant