Chapitre 6

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  ~•~ Face à mon manuscrit ~•~

     ~ En quelle langue écrire ~

On (les écrivains) s'en souviendra toujours de ce tumulte d'émotions et de sentiments qui s'est emparé de nous, alors qu'on s'apprêtait à matérialiser nos chères idées pour la toute première fois. L'écrivain aura toujours à faire face à cette fameuse première phrase, dont l'un des ses rôles est crucial, celui de confirmer la première impression qu'avait eu le lecteur lors de la lecture du résumé. Et bien sûr, dans des cas assez regrettables, l'en désillusionner.

  Pour reprendre les mots de Sam S. : "Certains écrivains n'égalent jamais leur premier roman. Moi, je n'ai jamais pu égaler ma première phrase." Donc, l'importance de la première phrase n'est nullement à justifier, ce qui n'est d'ailleurs pas notre besogne ici. Ce qui nous préoccupe ici, c'est ce qui est utilisé comme support matériel, à cette entreprise qu'est l'écriture.

  Cahiers, feuilles blanches, carnets de note (on en aurait besoin de beaucoup), calepins d'écrivain etc. ce sont là des choses dont les écrivains ont fait un plein usage. Ayez l'amabilité d'ajouter à cette liste d'autres éléments de votre su, dès lors que ça peut servir à écrire. Néanmoins, je tiens vivement à vous dissuader de suivre l'exemple de Ngugi wa Thiong'o, qui avait écrit son roman, Caitani Mutharabaini (Le diable sur la croix), sur un rouleau de papier toilette. Il n'était pas fou, situation oblige, il était en prison. Vous l'aurez compris, choisir ce qu'on va utiliser pour écrire, va de soi et des moyens du bord. Mais tout de même... Curieux usage ou devrais-je dire, très noble usage d'un rouleau de papier toilette ! Espérons qu'il y en avait assez, pour que ce faisant, il ne prive pas les autres détenus de papier toilette !

  Par souci pour le lecteur, on omettra de mentionner les parchemins et les veilles machines à écrire, 2020 quand-même, on les fâchera si on ne fait nulle mention de "tapuscrits" ; car on est à l'ère numérique. Ce serait ridicule d'entendre un écrivain se plaindre qu'il s'est fait brûlé, confisqué voir volé son manuscrit (bien que ce dernier risque subsiste encore, par exemple si on se fait piraté).

  Pas besoin d'être scotché à son bureau pour écrire, que l'ordi soit portable ou non, car grâce à internet on a accès à tout de partout ; suffit de savoir comment s'y prendre. Les iPhones et smartphones ont déjà remplacé les calepins d'écrivain et les carnets de note. Mais comme on l'avait dit, cela va de soi quand il s'agit de faire son choix là-dessus. Mais si vous voulez ressentir à tout prix, le doux frottement d'une plume sur une surface lisse et que tout de même vous voulez vous passer de tout ce qui est papier ; eh bien, procurez-vous un iPad Pro. Je vous assure que les stylets pour tablettes ne sont pas que des piètres imitations de plumes.

  On ne saurait mieux le souligner, les moyens mis à votre disposition sont nombreux ; intéressons-nous maintenant à l'écrivain face à son manuscrit (on utilisera ce terme par défaut, du moment qu'une précision n'est pas de rigueur) ; intéressons-nous dis-je, à son état d'âme, ce qui lui passe par la tête, ce qu'il ressent, ce sur quoi il se questionne ; aux choix déterminants qu'il aura à faire.

  L'un des premiers choix d'un auteur, si j'ose dire, est le choix de la langue de création littéraire. Je suis parfaitement conscient du fait que, c'est pas une évidence pour les futurs écrivains unilingues, a l'instar de Pétrarque, néanmoins c'est le cas pour leurs confrères multilingues. Bien que même parmi ces derniers la langue qu'ils maîtrisent le plus s'impose naturellement. Et sur cette question de maîtrise on y reviendra plus loin, parceque dès lors que quelqu'un se déclare polyglotte et qu'il vous balance quelque chose d'incompréhensible à la figure, les sceptiques n'ont d'autres recours que cette question de maîtrise ou de niveau d'aisance.

  Considérez, à juste titre, ces quelques mots de Voltaire, justifiant son scepticisme pour ce qui est le don apparent de Pic de la Mirandole pour les langues : "On dit qu'à l'âge de dix-huit ans il savait vingt-deux langues. Cela n'est certainement pas dans le cours ordinaire de la nature. Il n'y a point de langue qui ne demande environ une année pour bien la savoir. Quiconque dans une si grande jeunesse en sait vingt-deux peut être soupçonné de les savoir bien mal, ou plutôt il en sait les éléments, ce qui est ne rien savoir." On y reviendra plus tard, car le multilinguisme dans la création littéraire suscite d'autres interrogations plus urgentes.

L'écrivain en herbeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant