RUTH

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J'avais décidé d'accompagner les enfants à l'école pour leur premier jour tous ensemble. Même si je me doutais bien qu'ils allaient être plus sages qu'avant, Nars m'avait demandé de le faire car cela faisait un mois et leur punition était levé. On craignait tous le pire.

La maîtresse les présenta à la classe, elle expliqua pourquoi leurs prénoms étaient des chiffres afin que tout soit clair pour les enfants. Cinq fut le premier à s'asseoir, il s'installa près d'une fillette qui rougit. Sa voisine posa sa tête sur sa main tout en admirant mon fils qui souriait.

Je soupirai, il était en train de les charmer. Quelques secondes plus tard, toutes les filles autour de lui furent aux petits soins pour lui. Cinq était le plus étrange avec les humains, il les utilisait tout le temps.

- Tu vas te faire punir, soupira Un en swahili en s'installant à côté de Sept.

- La place est prise, marmonna un garçon à Neuf.

La petite fille s'installa avant de le toiser comme pour le défier, ce qui intimida son interlocuteur, surtout que Six le fusillait du regard.

- Bon, nous allons commencer, qui veut faire la lecture ? Un ?

Mon fils regarda la maîtresse mais ne réagit pas, elle lui reposa la question, il a regarda d'un air perplexe. Je me retins de le fusiller du regard, il allait jouer avec les nerfs de sa maîtresse.

- Un, tu...tu me comprends ? Euh peut-être devrais-je m'exprimer en anglais ? proposa la pauvre enseignante.

- Tu veux que je lui fasse croire que tu ne parles pas français ? demanda Cinq en regardant son jumeau qui hocha la tête. Françoise, mon frère ne parle que swahili...

- Swahili ? Ah...mince, je ne savais pas, mais comment va-t-il suivre ?

- Il comprend mais ne parle pas, ajouta Six avec sérieux.

Six et Cinq étaient vraiment les fils de leurs pères, ils ne montraient aucun signe qui pouvait les trahir, comment des enfants de deux ans pouvaient manipuler aussi bien des adultes ?

- Ah je comprends, marmonna la maîtresse en rougissant, dans ce cas, Sept, voulez-vous lire ?

Sept la regarda puis il lui répondit en langage de signes. Je dus me pincer les lèvres pour ne pas rire, donc Sept allait faire semblant d'être muet ? Sérieusement ? Ces enfants étaient vraiment incroyables.

- Je suis vraiment désolé, paniqua la maîtresse, je...votre dossier ne disait pas que vous étiez muet, pardonnez-moi ! Cinq, pouvez-vous me dire...s'il y a d'autres choses que je dois savoir ?

Mon fils regarda les autres, avec son habituel air de manipulateur, je compris qu'ils étaient en train de communiquer par télépathie. Parfois, j'avais envie que nos enfants n'aient pas autant de pouvoir à un si jeune âge. Cinq répondit avec un air angélique :

- Neuf peut lire mais elle n'aime pas qu'on la traite de fille...ah oui et Quatre n'est pas là !

La maîtresse fronça les sourcils en se tournant vers Quatre qui jouait avec un rubixcube, elle regarda de nouveau mon fils comme pour lui dire que la petite fille était bien là, il lui expliqua :

- Elle est invisible. Chaque matin, elle décide si elle est visible ou invisible, aujourd'hui elle est invisible ! Le docteur dit qu'il ne faut pas la forcer sinon elle va faire une crise...

- Oh, d'accord, murmura l'enseignante, je comprends. Merci Cinq. Vous...vous vous n'avez pas de soucis ?

- Non, je suis un adorable petit humain totalement normal, déclara mon fils en souriant.

La maîtresse le regarda bizarrement, et pour cause, qui se présentait comme un "petit humain" ? Ce fut Six qui lut puis Neuf. La matinée se passa plutôt bien, mise à part que Sept, Un et Quatre ne parlaient pas.

Pendant la récréation, Six et Neuf créèrent un gang, oui un gang d'enfants pour la plupart des garçons qui commencèrent à les suivre partout. Ils proposaient des jeux et les autres obéissaient.

Cinq était le sujet préférée des petites filles, elles voulaient tout savoir sur mon fils. Des questions complètement saugrenues, du genre s'il avait une amoureuse alors qu'il n'avait même pas trois ans ? J'étais dépassée.

Même les surveillantes étaient totalement sous le charme de Cinq qui ne faisait plus rien, si son lacet était refait, quelqu'un le lui faisait. S'il éternuait, on lui donnait un mouchoir, s'il toussait, on lui apportait cinq bouteilles d'eau. Vraiment, j'étais dépassée.

Un passa toute la récréation devant les plans de l'école et cela me fit peur. Qu'est-ce que son esprit étrange préparait pour qu'il ressente le besoin d'observer les plan de Royalty pendant quinze minutes ?

Quatre et Sept préférèrent rester dans la classe, et ils voulaient tellement éviter les autres que quand le ciel s'assombrit, ils utilisèrent leurs pouvoirs afin de faire en sorte qu'il ne pleuve qu'après la récréation.

Sept posa sa tête sur la table en soupirant, la maîtresse s'approcha de lui et se baissa à sa hauteur, elle demanda à Cinq :

- Qu'est-ce qu'il a ?

- Sept est sensible à la lumière, il a sûrement une migraine...

- Oh...je vais baisser les stores...

La pauvre enseignante se mit à arpenter la pièce pour baisser tous les volets jusqu'à plonger la pièce dans le noir. Elle regarda autour d'elle en réfléchissant puis proposa :

- Que direz-vous de regarder un film animé ?

- Oui, crièrent tous les enfants.

Je soupirai. Cette femme était beaucoup trop gentille pour nos enfants, elle n'allait jamais tenir plus d'une semaine si elle était aussi naïve...

EMPYRIA  [T9]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant