L' Agression

190 15 1
                                    

*Ce chapitre, comme le suivant, est un des points clés de l'intrigue. Il aborde un sujet sensible, les violences faites aux femmes, et jouera le rôle de déclencheur. Je vous conseille de bien suivre, on ne sait jamais ce qui pourra advenir...*

Tintin s'appuya à la balustrade, le sourire au lèvres. Il songeait à la beauté de Jeanne, revivant les évènements de la veille, songeant à sa douce compagnie, plongé dans une rêverie profonde.
Jamais il ne s'était senti ainsi. Que lui arrivait-il ? Il était distrait, il était indécis, bref, des traits de caractère qu'il n'avait jamais possédé...
Il revint à la réalité avec les premiers accords des violons. Milou, le sentant troublé, se pressa contre sa jambe.
Il vit s'avancer Roman Evanleck sur la scène. C'était un homme d'une trentaine d'année, que les femmes devaient trouver séduisant, mais dont le visage dur était empreint de sournoiserie. Il était assez déplaisant.
Puis, soudain, Jeanne apparut. Elle portait son costume de scène, une robe Renaissance, blanche et aérienne, dévoilant la finesse de sa nuque, et ses longs cheveux bruns étaient lâchés sur ses épaules. Elle avait une apparence angélique, et le jeune homme sentit son coeur battre plus fort. Elle se mit à chanter, faisant des gestes gracieux avec ses bras, se tournant vers son collègue, qui lui pris les mains, avant d'unir sa voix à la sienne.
Elle avait une voix claire, aérienne, douce et vibrante, qui entrait dans le coeur de chacun de ses interlocuteurs.  Elle chantait son amour avec passion, ne regardant pas son partenaire, mais balayant la salle du regard. C'était un spectacle incroyable, que de voir cette si jeune fille pousser, grâce à sa voix, les émotions dans chaque recoin de la salle. Son visage s'illuminait, sa beauté resplendissait, et la fascination  gagnait les mécaniciens, l'orchestre et le chanteur à ses côtés. Le coeur du journaliste se mit à battre, irrégulier, affolé, mis en transe par les divines notes de la jeune soprano. Elle était Gilda, et chantait son amour avec son âme.
Puis, après quelques trémolos, ses notes diminuèrent, et, dans un dernier aiguë, la voix mourut sur les lèvres pleines de la jeune femme.
Elle releva la tête, haletante, et, tandis que le silence se fut, elle leva le regard vers le balcon, et ses yeux noisette, teintés de reflets dorés, trouvèrent ceux, bleu sombre, du jeune reporter. Elle sourit, resplendissante, encore frémissante d'émotion.
L'impression de bouilloner intérieurement le saisit. Les violonistes quittèrent la salle, mais il ne put détacher son regard de l'admirable chanteuse. La lumière se fit à nouveau, et elle se détourna pour s'appuyer sur le piano qui était resté sur le coin de la scène.
Tintin s'apprêtait à descendre la rejoindre quand il entendit un petit cri surpris.
- Non ! Arrêtez ! Que faîtes-vous ?
- Allons Jeanne... ne soyez pas surprise... vous êtes si désirable...
- Pour vous, c'est Mademoiselle Lambert ! Je ne vous permet pas de me toucher !
- Laisse-toi faire, diablesse !
Le jeune homme dévala à toute vitesse la volée de marche qui menait à la salle. Il entra dans la salle, à quelques pas de la scène. Il fut stupéfait par le spectacle qui s'offrait à ses yeux.
Evanleck, penché sur Jeanne, qui faisait deux bonnes têtes de moins que lui, la maintenait coincée contre le piano, serrant d'une large main le poignet frêle, une autre enserrant sa gorge nue. Il jeta un regard torve au jeune homme, avant de lâcher un rire narquois. La jeune femme, furieuse, avait les larmes aux yeux, et se débattait comme un beau diable.
- Lâchez tout-de-suite cette jeune femme ! Assena-t-il, sentant son sang bouilloner.
- De quoi vous mêlez-vous, petit insolent ?! Répliqua l'immonde personnage. Mais, son attention avait dévié de sa prisonnière, qui, faisant un bond en avant, lui assena un phénoménale coup de tête, avant d'écraser brutalement son pied, qui émit un craquement sec. L'homme gémit, avant de s'écarter vivement.
Sa victime se réfugia aux côtés de Tintin. Tandis que l'homme à quelques mètres se tortillait de douleur, il passa un bras autour des épaules de son amie, qui fusillait du regard son agresseur.
- Ça va ?
- Oui, il m'a juste surprise...
Le jeune homme attrapa son délicat poignet, qui portait une marque rouge de strangulation, faisait gémir la jeune fille. Apaisant, il se mit à faire des petits cercles sur la peau meurtrie avec son pouce.
L'homme s'avança à nouveau, le visage crispé.
- Petite peste ! Tu ne perds rien pour attendre ! Il se pencha vers l'oreille de Jeanne, qui eut un mouvement de recul. Rappelle-toi ; le manticore est toujours là, tapi dans l'ombre ! Ton petit ami ne pourra pas te protéger contre ce qui t'attends. En étant gentille, tu aurais pu être épargnée... sussura-t-il
Il se détourna et sortit en boitant.
Jeanne se laissa tomber à terre, sa robe formant une grande corolle blanche autour d'elle. Son regard affolé rencontra celui du reporter, qui nageait dans l'incompréhension.
- Jeanne... Que voulait-il dire ?

Les Aventures de Tintin - Tintin en ItalieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant