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Il faisait froid, la condensation était présente et s'évacuer de façon précipitée par les orifices respiratoires de cet homme, courant le long du trottoir.
Il essayait tant bien que mal d'y échapper. De quoi exactement ?

De son funeste destin.

Tout en courant, il pensait, oh qu'il pensait à tellement de choses contraires et insignifiantes. Il se disait qu'il aurait dû suivre assidûment les cours d'éducation physique à l'école, qu'il aurait dû se mettre à la musculation, qu'il aurait dû entamer un bon régime drastique.

Car oui, il était handicapé. Par sa corpulence, qui le précipitait un peu plus vers la fatigue et donc la fin. Il pouvait la sentir le suivre derrière lui, certes à plusieurs mètres voire quelques kilomètres en arrière, mais toujours sur ses pas, fermement déterminée à le rattraper.

Cette voiture, à la carrosserie rouge absolument flinguée de traces d'usure, de coups divers, de griffes en tout genre qui ont fait sauter sa peinture écarlate. Et pourtant, qu'est ce qu'elle a du potentiel, elle serait magnifique une fois remise à neuf. Cette voiture dont le moteur vrombissant au fur et à mesure de sa course poursuite avec sa proie.
Oui. Sa proie.
Car cette voiture n'était pas comme les autres bien dociles et charmantes en tout point. Elle, était possédée littéralement par son propriétaire. Il la faisait vivre, en faisait ce qu'il voulait, comme s'il était encore de ce monde, s'amusant de la réaction des passants horrifiés de découvrir que la voiture est inhabitée et pourtant fonctionnelle. Comme automatique.
Sauf qu'elle était loin d'être moderne, plutôt une voiture de collection.
Mais pourtant si attirante par un charme certain.

Comme par magie les pédales s'abaissaient seules et le volant tournait sans que personne ne le touche. Ou presque.

Une aura émanait de cette voiture, c'était certain.

Cette voiture qui avait attiré notre pauvre homme vers elle. Il avait eu le malheur de la vouloir, d'essayer de se l'accaparer pour lui. Sans demander la permission. Sans contrat à l'amiable. Sans règlement. Et ça, il ne pouvait le supporter.

C'est alors qu'une fois arrivé à sa destination, l'homme était sorti de la voiture, nonchalamment et accrochant par la même occasion la portière contre un obstacle.

Lorsque l'homme était revenu de son affaire, avant qu'il ne puisse mettre un pied dans la voiture, cette dernière se mit à faire vrombir le moteur, tel un rugissement féroce du plus grand des prédateurs.

C'était l'heure de la vengeance.

Elle se mit alors à reculer, pour ensuite repartir en avant et tenter de foncer sur son opposant. Pris de peur, et ayant évité de justesse la machine, il se dépêcha de lancer sa course dans un sprint qu'il lui était jusqu'à lors méconnu, la voiture sur ses traces.

Et c'est comme ça qu'il se retrouva à courir depuis une vingtaine de minutes maintenant. Il avait tenté des moyens de la semer tout le long sans succès. La voiture retrouvant toujours sa victime au bout du compte.

C'est alors que dans un dernier essai, il remarqua une ruelle sombre certes mais assez étroite et dont le sol était en pavés, une ruelle réservée aux piétons en somme.

Elle était glauque avec cette atmosphère particulière et cette seule lumière qui l'eclairait. L'homme s'y était aventuré, espérant bloquer enfin son assaillant, il rasait les murs, espérant se fondre dans l'atmosphère des ombres des bâtiments.

Il finit par s'arrêter de courir au milieu de la ruelle. Osant même se retourner pour voir s'il était encore suivi. Et il la vit. La voiture était bien là, à l'entrée de la ruelle, comme bloquée par un mur invisible, l'empêchant ainsi d'avancer.

L'homme eut un soupir de soulagement de voir que son plan avait marché cette fois. Enfin c'est ce qu'il croyait.

Il en profita pour reprendre son souffle difficilement et regarder plus attentivement la voiture. Notamment afin de savoir comment elle avait réussi l'exploit de se conduire seule. Sans personne à son bord. Car c'est ce qui terrifia davantage l'homme. La voiture était vide de toute vie et fonctionnait quand même sans aide humaine.

Étrange oui. Et ce n'est que le début.

Soudain, l'homme fût prit d'un frisson d'anticipation. Et au même moment, la voiture redémarra brusquement. Et avait augmenté considérablement sa vitesse. Fonçant droit vers l'homme.
Le percutant de plein fouet.
Ce dernier hurlant à la mort suite à la peur et la douleur mêlées.
Il était au sol, gisant, comme sans vie.
Mais il respirait encore, cependant faiblement. Du sang coulant de sa bouche suite au choc brutal.

Et la voiture revint. L'écrasant cette fois ci sous ses yeux horrifiés et pétrifiés.
Elle repassa encore. Et encore.
Jusqu'à ce que l'homme n'ait plus aucun signe d'une quelconque vie l'habitant.
Il était méconnaissable. Son visage meurtri par la douleur et les pneus de la voiture. Son corps n'étant plus qu'un tas de chairs déchiquetées. Du sang avait giclé partout autour de la scène.
Un vrai spectacle d'horreur.
La voiture, phares allumés dans la nuit noire, avait retrouvé une seconde jeunesse. Sa carrosserie était comme neuve, comme si la mutilation de sa victime lui était élixir de jouvence. Elle rayonnait de sa belle couleur rouge vernis.

Ce même spectacle affreux faisait pourtant le bonheur d'un individu.

Dont le rire pouvait s'entendre à travers les rugissements du moteur, et dont les yeux pouvaient être visibles, si on se concentrait suffisamment sur le rétroviseur intérieur de la belle rutilante dont il était l'heureux propriétaire.

Plymouth GhoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant